Courant juin, la commission d’enquête indépendante (CEI) créée par la Transition le 2 septembre 2015 a rendu son rapport qui n’a pas été rendu public. C’est désormais fait, depuis hier par nos confrères de Netafrique.net.

Le document apporte un éclairage sur le déroulement des événements des 30 et 31 octobre 2014 au cours desquels on a enregistré des morts et des blessé, et la chaîne des responsabilités dans la répression des manifestants opposés à la révision de l’article 37 de la constitution. La CEI devait précisément déterminer les auteurs, les complices et les commanditaires des tirs qui ont provoqué ces morts, recueillir ou évaluer les préjudices physiques subis, les attentes des victimes ou de leurs ayants-droit et faire toutes propositions ou recommandations à l’intention du gouvernement.
Composée de douze membres, la CEI était présidée par Maitre Batihié BENAO, Avocat à la Cour. Malgré les difficultés matérielles auxquelles la CEI a été confrontée- budget mis en place seulement à la fin sa mission en mai 2016, aucune enquête pertinente, même administrative, de nature à situer les responsabilités sur les dysfonctionnements constatés dans le maintien de l’ordre le 30 octobre 2014 et le 02 novembre 2014 à la RTB, refus de nombreuses familles de parler du décès de leurs membres-, elle a pu mener des investigations, entendu des personnes susceptibles d’avoir joué directement ou indirectement un rôle dans durant les chaudes journées d’octobre 2014.
On y apprend que les « les décès ont donc été le fait, soit de militaires du Régiment de Sécurité Présidentielle, soit le Fait de manifestants eux-mêmes suite aux incendies provoqués. Il a été aussi enregistré des blessés du fait de l’intervention de la Compagnie Républicaine de Sécurité et de la Gendarmerie Nationale »
Selon les auteurs du rapport, une cellule de crise avait été créée à l’initiative du ministre de la Sécurité, Jérôme BOUGOUMA regroupant les représentas de chaque corps des forces de maintien de l’ordre : la police nationale, l’armée nationale relevant du CEMGA, la gendarmerie nationale et le RSP. Cette cellule était dirigée par le colonel Remi KABORE.
Après la marche du CFOP du 28 Octobre 2014, le premier ministre Luc Adolphe TIAO réuni cette cellule le soir même à 18 heures afin d’évaluer la pertinence du dispositif de maintien de l’ordre envisagé. Y étaient présents, entre autres, les ministres Jérôme BOUGOUMA, Marie Noël Bembamba de l’Economie et des finances, Alain Edouard Traoré, de la Communication et Porte-parole du gouvernement, le maire de la commune de OUAGADOUGOU, Marin Casimir ILBOUDO, le Chef d’Etat-major General des Armées, le General Honoré Nabéré TRAORE et son adjoint ; le Chef d’Etat-major particulier de la présidence du Faso, le Général Gilbert DIENDERE ; le Chef d`Etat-major de la Gendarmerie nationale, le Colonel COULIBALY Tuandaha Marcel et le directeur général de la Sécurité intérieure le Colonel Omer BATIONO. Après une évaluation de la situation, ils concluent que la police et la gendarmerie ont été débordées par les manifestants et qu’il fallait faire appel aux militaires en appui. Le Gl Nabéré Traoré fait alors observer que l’intervention des militaires est conditionnée à la signature par le premier ministre d’une réquisition en bonne et due forme. Luc Adolphe Tiao « aurait insisté sur la nécessité d’éviter à tout prix l’effusion de sang lors du maintien de l’ordre » avant de suspendre la réunion, le temps de consulter le président Blaise Compaoré, chef suprême des armées. Ce dernier instruit le ministre de la Sécurité d’exposer la situation en conseil des ministres du 29 octobre, à la suite de quoi, il a été approuvé à l’unanimité la nécessité de recourir à la réquisition, laquelle relève de la seule prérogative du premier ministre. Le Premier ministre s’y colle et signe le formulaire que lui a transmis le ministre de la Sécurité. Fort curieusement, le Chef d’Etat-major général des armées affirme à la CEI avoir reçu la réquisition le 30 Octobre 2014 vers 11 heures du matin, alors que la situation commençait à dégénérer.
Le rapport a établi une cartographie du déploiement des forces de sécurité dans les endroits stratégiques de la ville : abords de l’assemblée nationale, de la présidence à Kosyam et du domicile de François Compaoré. C’est ainsi que les enquêteurs ont pu identifier les responsables commis à l’exécution de la réquisition et aux mesures de maintien de l’ordre par la police et la gendarmerie. Les morts enregistrés aux différents endroits sont donc imputables des chefs militaires nommément cités dans le rapport, dont Blaise Compaoré, président du Faso, chef de l’Etat, chef suprême des armées, ministre de la Défense et des Anciens combattants, Yacouba lsaac ZIDA, Lieutenant-colonel au moment des faits), chef de corps adjoint et chef des opérations du RSP sur le terrain le 30 octobre 2014, Colonel- major Boureima KERE Chef de corps du RSP au 30 octobre 2014, Capitaine Hamidou KOUDA, en poste au RSP et qui dirigeait les éléments d’où sont partis les tirs sur l’avenue pascal ZAGRE
Pour l’essentiel, on apprend que le régiment de sécurité présidentiel est directement impliqué dans les tirs qui ont provoqué des morts et des blessés. Et pour cause, les éléments du RSP ne recevaient d’ordre que de leur hiérarchie directe et non du CEMGA. On apprend avec étonnement que « pour ce qui est de l’armée relevant du CEMGA, elle devait sécuriser les points sensibles de la ville de OUAGADOUGOU tels les installations de L’ONEA, de la SONABEL et la Place de la Révolution, sous le commandement du Colonel Boubacar BA. Les moyens mis à la disposition des éléments étaient des armes à feu, sans munitions, lesdites munitions ayant été confiées au Lieutenant-colonel FARTA Bachirou avec pour instruction de ne pas en faire usage, ni les remettre aux éléments détenant les armes sans autorisation expresse de la hiérarchie ».
En conclusion, la CEI recommande que les cas pour lesquels des personnes ont été identifiées comme susceptibles d’être mises en cause soient transmis aux juridictions compétentes, afin que justice soit rendue. Elle demande à l’Etat de veiller à doter les juridictions compétentes de moyens conséquents pour le traitement diligent et dans les meilleurs délais de ces dossiers. « Pour lesquels il est manifestement difficile, voire impossible d’identifier les personnes responsables, il est nécessaire pour l’Etat d’instituer un mécanisme de réparation, eu égard aux circonstances qui engagent sa responsabilité du fait des émeutes ou des attroupements. Il lui sera loisible, le moment venu, d’entreprendre toute action récursoire contre les personnes qui pourraient être ultérieurement identifiées et condamnées si les fautes commises sont des fautes personnelles et non fonctionnelles ».

Cliquer sur l’icône ci-bas pour lire le rapport en intégralité

Joachim Vokouma
Kaceto.net


titre documents joints