Route fada-Koupela : « Vous affrontez la mort à tout moment »

Le tronçon de la route nationale N4 qui relie Koupela à Fada-N’Gourma est dans un état délabrement absolu. Sur ce tronçon, le code de la route a foutu le camp et c’est le sauve qui peut ou laisse-moi passer qui dicte sa loi. Reportage, dans un aller-retour inédit (Fada –Koupela-Fada) en car Hyace pour vivre en temps réel le calvaire des usagers.

Le tronçon de la route nationale N4 Fada –Koupéla, qui est dans un état piteux, constitue désormais, un véritable danger pour les usagers obligés de l’y emprunter de jour comme de nuit. Les nids de poules qui se sont transformés au fil de temps, en véritables trous béants offrent aux automobilistes un seul choix de leur enfer : jouer au cache-cache avec les trous pour sauver leur vie et la survie de leur engin. En attente d’une hypothétique solution définitive, les populations s’inquiètent de plus en plus du sort de cette route dont l’importance pour l’économie nationale est établie. Les échanges avec les passagers tout comme les conducteurs au cours d’un bref aller-retour Fada-koupela-fada ont suffi aux usagers pour déverser leur bile pour le calvaire qu’on leur impose depuis des mois. « Quand vous empruntez la voie, l’inquiétude se lit sur tous les visages. Chacun se demande s’il reverra sa famille » lance un de passager. Apres avoir pris place dans le car avec la bénédiction du chauffeur de la compagnie de transport Staf Mahamadi Ouédraogo, on croira que le reporter est l’envoyé spécial du ministre des infrastructures ou encore un messie venu apporter une solution magique à une difficulté inquiétante. Les mots sont durs et les cris de détresse fusent de toute part pour un si court mais harassant voyage. A l’unanimité, les transporteurs routiers de marchandises et de personnes disent souffrir le martyre au péril de leur vie et de leurs passagers. toujours anxieux, confient-ils, à l’idée d’aborder les 80 km qui relie le chef-lieu de la région de l’Est, à la ville carrefour, de Koupéla.

« A chaque minute, tu te demandes si tu vas rentrer le soir »

Dans le car, un calme plat règne en maitre absolu. Les passager de la compagnie de transport, les regards anxieux s’agrippent au siège avant pour mieux résister au va et vient et autres basculement du poids lourd en mouvement. « Tu vois, on dirait un cortège funèbre. Personne ne cause avec son voisin. En fait, les gens ont peur que les chauffeurs ne les renversent dans les ravins. Suis bien leur mouvement tu comprendras leur peur. Par moment des réactions vous font croire que vous courez vers la tombe. C’est humain, car personne même toi ne veut mourir au cours d’un accident », relève le convoyeur. Entre temps, un cri se fait entendre. « Vite un sachet, mon voisin vomit ». Cet exercice nous le vivons au quotidien ajoute le jeune garçon. Le chauffeur, après un soupir pour montrer toute son exaspération, surgit. « Lorsque tu empruntes ce tronçon avec des personnes dont tu la responsabilité de leur vie, c’est toujours avec une certaine peur. A chaque minute tu te demandes si tu vas rentrer le soir. Parce que tout peut arriver à tout moment. », atteste, le chauffeur Mahamadi Ouédraogo avant de se lâcher. « On veut bien rendre service, mais pas au péril de la vie, et celle des passagers, on finira par arrêter nous aussi si rien n’est fait ». Pour le jeune chauffeur, ce ne sont plus des nids de poules mais de vrais trous qui sont impardonnables et susceptibles de t’envoyer dans le décor. Autre véhicule, pire réalité. Dans le mini bus, couramment appelé Hyace, le calvaire est indescriptible. La peur se faire renverser dans le jeu de drible avec les trous est plus vivace. Le conducteur avec plus 20 personnes à bord se jouent des trous et des crevasses à vous faire sortir l’âme du corps. Entre les trous et les croisements « sans règles », la peur de la mort atroce est à son comble. « Tous les toujours on prie Dieu pour que le véhicule ne te lâche pas en pleine conduite. Sinon c’est la catastrophe pour tous les occupants…. », martele ce conducteur. Pour lui, cette route est extrêmement mortelle pour de nouveaux conducteurs et les adeptes de la vitesse. Car, poursuit-il en homme avisé, il faut savoir qu’on n’évite pas tous les trous. « De deux maux, tu choisis le moindre mal. Les véhicules qui tombent à longueur de journée c’est par ce que les gens veulent éviter le maximum de trou tout en faisant la vitesse. Là, vous avez mille chances de vous casser les dents. », dit-il le regard braqué. Pour lui, sur ce tronçon, chacun feinte les trous et les véhicules pour arriver à destination.

L’initiative du ministère des infrastructures mal comprise ?

Les souffrances des populations n’ont pas laissé les autorités insensibles. En entendant la réhabilitation annoncée par les autorités en 2017, des actions sont en vue pour résorber temporairement le calvaire des usagers. Pour le directeur régional des infrastructures de l’Est, Kassoum Démain, les appels d’offres pour les points à temps( le fait de boucher les nids de poules) sont presque terminés. « L’appel d’offre a été lancé, le dépouillement a été fait et la commission technique a fini son travail. Il ne reste que la publication d’ici là… ». Le directeur régional entrevoit le début des travaux courant début décembre 2016. Nonobstant cette démarche, le ministère des infrastructures avait voulu dans l’urgence soulager les populations mais l’initiative est morte avant termes. « Face à l’urgence, le ministère a dépêché un bulldozer du centre de formation professionnel pour pouvoir aider à boucher les trous. Mais dès son arrivée à Koupela, les techniciens se sont heurtés au refus de l’enlèvement de la terre pour l’opération, avant même la commune de Gounghin. Un refus qui résulte d’une histoire de taxe sur les agrégats. Finalement le bulldozer est parti ailleurs sans pouvoir rien faire », regrette M. Demain le regard triste. Pour lui, les communes doivent jouer aussi leur partition pour soulager les populations et les usagers. « Je lance un appel aux élus pour leur implication. Sinon, si une autre saison de pluie viens nous trouver dans cet état, la situation sera dramatique pour la population qui souffre », a averti le directeur régional.

Encadré

Un coup dure pour l’économie.

La dégradation accentuée de la RN4 a une répercussion sur l’économie locale. La file interminable de gros porteur a disparu depuis des mois. « Les commerçants ne peuvent pas avoir 400.000f de bénéfice et dépenser 600.000f pour les réparations pour chaque voyage. Les gens ont complètement abandonné le tronçon pour ne pas détruire. Même les Nigériens préfèrent passer par Dori » laisse entendre un transporteur. Les indicateurs de recettes au niveau du péage Fada-N’Gourma sont aussi révélateurs de la fuite des transporteurs. « On faisait entre 250.000 à 280.000f de recette par jour. Actuellement, c’est un miracle de gagner 100.000 par jour. » confie, un agent collecteur qui a requis l’anonymat. Certains transporteurs de marchandises disent faire désormais 7h de route actuellement contre 2hà 1h30 avant pour parcourir les 80km.

Encadre 2

Staf ne va pas quitter la ligne de Fada-N’Gourma en réponse à la forte rumeur

Certaines compagnies de transports ont complétement biffé la cité de Yendabli de leur ligne. Celles qui restent ont réduit leur nombre de départ. Face à la rumeur faisant état de l’arrêt définitif de la société Staf de la ligne, son directeur général M. Adama Ouédraogo est monté au créneau. joint au téléphone, il s’est voulu rassurant. « C’est vrai nous avons réduit le nombre de départ sur Fada. Le prix aussi est revenu à 4000 f pour faire face aux multiples pannes des véhicules. Nous sommes conscients de notre rôle de service public. Nous ne quitterons pas la ligne », rassure M. Ouédraogo.

MC

AIB