Pris à son propre piège par des engagement difficiles à tenir dont la baisse du chômage, profondément déstabilisé par les révélations sur ses escapades sexuelles, affaibli dans son propre camp par le débat sur la déchéance de la nationalité et la démission de la ministre de la Justice, Christiane Taubira, moqué sur la place publique pour son incapacité à taper du poing sur la table, François Hollande a fini par renoncer à briguer un second mandat. Une capitulation en rase campagne. Une première dans l’histoire de la cinquième république en France. Rideau !
Depuis une semaine, le locataire de l’Elysée se sentait seul, isolé, envahi par le doute. Hier soir, il s’est adressé aux Français pour leur dire, dans les yeux, qu’il n’avait pas le courage de leur demander un second mandat. Son bilan ne plaide pas pour lui et il est plus que bas dans les sondages. Sage décision de ne pas engager un combat qu’on sait perdu d’avance. Il n’aurait pas passé la barrière de la primaire, ce qui aurait été plus qu’une humiliation pour un chef d’Etat en exercice.
Il faut saluer la lucidité et l’humilité de François Hollande dans cette décision qui le grandit et le fait sortir par la grande porte.
Pour l’histoire, voici le discours qu’il a prononcé hier 1er décembre et qui sera sans doute étudié, analysé et commenté dans les facultés de Sciences politiques.

JV, Kaceto.net

Mes chers compatriotes, je m’adresse à vous ce soir pour vous faire connaître la décision que j’ai prise, dans la perspective de la prochaine élection présidentielle.

Depuis mai 2012, c’est-à-dire la date à partir de laquelle je suis devenu président de la République, j’ai agi avec les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et de Manuel Valls pour redresser la France et la rendre plus juste. Aujourd’hui, au moment où je m’exprime, les comptes publics sont assainis, la Sécurité sociale est à l’équilibre et la dette du pays a été préservée.
Je l’ai même élargi pour permettre à ces travailleurs qui avaient commencé très tôt leur vie professionnelle de partir plus précocement à la retraite. J’ai fait en sorte qu’à chacune et à chacun, puisse être accordée une complémentaire santé.

"Les résultats arrivent tard"

Dans ce contexte, j’ai aussi voulu placer la France au premier rang. Au premier rang de la lutte contre le réchauffement climatique et c’est à Paris, oui, à Paris, que l’accord historique a pu être signé et qui a engagé le monde entier. J’ai voulu aussi que l’école dispose des moyens indispensables, ceux-là même qui lui avaient été ôtés dans la période précédente parce que l’école, c’est le pilier de la République.

J’ai fait avancer les libertés : le mariage a été ouvert à tous les couples, l’égalité entre les femmes et les hommes a été renforcée et la lutte contre les discriminations, celles qui blessent, a été amplifiée. J’ai également modernisé notre démocratie avec la réforme territoriale, celle dont on parlait régulièrement et qui n’était jamais faite, avec la fin du cumul des mandats et avec également la transparence que j’ai imposée à tous les élus, à commencer par moi-même, pour être dans l’exemplarité.

Mais l’engagement majeur que j’avais pris devant vous, c’était de faire baisser le chômage. J’y ai consacré, avec les gouvernements, toute mon énergie, j’ai pris tous les risques. J’ai allégé les charges des entreprises parce que c’est la condition pour qu’il y ait davantage d’emplois. J’ai également aidé les embauches, j’ai fait en sorte que la formation professionnelle puisse être une grande priorité, j’ai aussi soutenu l’innovation et l’industrie de demain et j’ai pris la responsabilité de réformer le marché du travail. L’engagement que j’avais pris était de faire baisser le chômage. J’ai fait en sorte d’aider les embauches. Les résultats arrivent.
Les résultats arrivent plus tard que je ne les avais annoncés, j’en conviens, mais ils sont là : l’investissement, la consommation, la construction repartent et depuis le début de l’année, le chômage enfin diminue mais il reste à un niveau trop élevé et je mesure ce que cette situation peut avoir d’insupportable pour nos concitoyens qui vivent dans la précarité.

"Un seul regret"

Mes chers compatriotes, le monde, l’Europe, la France ont traversé pendant tout mon mandat des épreuves particulièrement graves. J’ai engagé nos forces armées au Mali, en Centrafrique, en Irak, en Syrie pour défendre nos valeurs et pour combattre le terrorisme islamiste qui nous avait frappés et qui nous menace encore − frappés à Paris, à Saint-Denis, à Nice et dans tant d’autres lieux ensanglantés.

Dans ces circonstances particulièrement éprouvantes, terribles même, j’ai voulu que soit maintenue la cohésion nationale, que nous puissions éviter les divisions, les surenchères, les stigmatisations et donc les amalgames.
Mais en même temps nous avons tenu bon et j’ai pris les mesures qui étaient nécessaires. Notre arsenal pénal a été durci sans mettre en cause à aucun moment nos libertés. J’ai également procédé à des recrutements massifs dans nos armées, dans la Gendarmerie, dans la Police parce que nous en avons besoin et qu’il y a encore beaucoup à faire. Sur les réfugiés j’ai tenu à ce que la France puisse prendre sa part parce que nous sommes la France, dans l’accueil de ceux qui fuyaient la guerre et qu’en même temps nous puissions toujours maîtriser nos frontières. Sur tous ces sujets, je n’ai qu’un seul regret, et je veux ici l’exprimer : c’est d’avoir proposé la déchéance de nationalité parce que je pensais qu’elle pouvait nous unir alors qu’elle nous a divisés.

Dans ce contexte j’ai voulu que soit maintenue la cohésion nationale

Je n’ai qu’un seul regret et c’est d’avoir proposé la déchéance de la nationalité. Je pensais qu’elle pouvait nous unir, elle nous a divisé. Au niveau européen, j’ai agi en votre nom pour que l’austérité puisse être enfin terminée pour beaucoup de peuples et j’ai fait en sorte que la Grèce puisse rester dans la zone euro parce que sinon elle aurait éclaté cette zone euro, tellement elle était traversée de tensions et de crises. J’ai également régulé la finance, oui la finance, et le système bancaire, parce que ce que j’avais trouvé en 2012 était source de tous les risques.
Voilà ce que j’ai fait. Voilà ce que j’assume devant vous en revendiquant les avancées, en reconnaissant les retards et même en admettant certaines erreurs parce que je porte un bilan et j’en assume toute la responsabilité.

"Comme président de la République, je dois diriger l’Etat"

Dans cinq mois, vous aurez, mes chers compatriotes, à faire un choix pour notre pays. La droite vient de désigner son candidat après une large consultation. Je respecte la personne, le parcours de François Fillon, mais j’estime que le projet qu’il porte met en cause notre modèle social et nos services publics sans aucun bénéfice, au contraire, pour notre économie et avec un risque d’aggravation des inégalités.
Quant à l’extrême droite, elle nous appelle au repli, à la sortie de l’Europe et du monde. Elle prend comme référence ce qui vient de se produire aux Etats-Unis. Je vous le dis nettement, franchement : le plus grand danger, c’est le protectionnisme, c’est l’enfermement et ce serait d’abord un désastre pour les travailleurs français. Or, comme Président de la République, je tiens d’abord à ce que le travail en France puisse être soutenu et valorisé.
Plus que quiconque, mes chers compatriotes, je mesure l’enjeu de la période qui s’ouvre. Comme Président de la République, je dois diriger l’Etat, j’ai la responsabilité d’assurer le fonctionnement régulier de nos institutions jusqu’au terme de mon mandat et dans un contexte où la menace terroriste n’a jamais été aussi élevée.

"L’intérêt supérieur du pays"

Comme socialiste, parce que c’est l’engagement de toute ma vie, je ne peux accepter, je ne peux me résoudre même à la dispersion de la gauche, à son éclatement, parce qu’elle priverait de tout espoir de l’emporter face au conservatisme et pire encore, face à l’extrémisme. Pour ma part, je ne suis animé que par l’intérêt supérieur du pays. Le pays, depuis plus de quatre ans et demi, je l’ai servi avec sincérité, avec honnêteté. L’expérience m’a apporté l’humilité qui est indispensable à l’action publique. Comme président de la République je me dois de diriger l’État. Comme socialiste, je ne peux me résoudre à la dispersion de la gauche

Je ne suis animé que par l’intérêt supérieur du pays. L’expérience m’a apporté l’humilité nécessaire dans ma tâche. Face aux épreuves, j’ai pu avoir une capacité inépuisable de résistance devant l’adversité. Mais le pouvoir, l’exercice du pouvoir, les lieux du pouvoir et les rites du pouvoir ne m’ont jamais fait perdre ma lucidité, ni sur moi-même, ni sur la situation, car je dois agir. Aujourd’hui, je suis conscient des risques que ferait courir une démarche, la mienne, qui ne rassemblerait pas largement autour d’elle. Aussi, j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle, au renouvellement donc de mon mandat.
Je tenais ici à vous en faire part directement, comme je m’y étais engagé, au début du mois de décembre, tel que je l’avais moi-même annoncé. Je le fais en prenant toute ma responsabilité mais aussi en en appelant à un sursaut collectif et qui engage tous les progressistes qui doivent s’unir dans ces circonstances parce que ce qui est en cause, ce n’est pas une personne, c’est l’avenir du pays. Je ne veux pas que la France soit exposée à des aventures qui seraient coûteuses et même dangereuses pour son unité, pour sa cohésion, pour ses équilibres sociaux.

Dans les mois qui viennent mon seul devoir sera de continuer à diriger l’État, mandat pour lequel vous m’avez élu en 2012
Voilà le message que j’étais venu ici vous adresser. Dans les mois qui viennent, mon devoir, mon seul devoir sera de continuer à diriger le pays, celui que vous m’avez confié en 2012, en m’y consacrant pleinement et dans le dévouement le plus total à la République.

Vive la République et vive la France.

François Hollande, président de la république française