Incarcéré depuis 2015 pour enrichissement illicite, le fils de l’ancien président sénégalais Karim Wade a bénéficié d’une grâce présidentielle

La rumeur sur la possible libération de Karim Wade circulait depuis quelques jours à Dakar. C’est finalement tard hier soir, qu’il a quitté la prison de Reubeuss où il purgeait une peine d’emprisonnement de six ans. C’est une grâce présidentielle qui a permis au fils de l’ancien président Abdoulaye Wade de bénéficier d’une libération anticipée.
Dans un communiqué publié par la présidence, on apprend que la grâce présidentielle du 24 juin a aussi bénéficié à Ibrahima Aboukhalil dit Bibo Bourgi et à Alioune Samba Diassé. Le communiqué précise par ailleurs que « cette mesure dispense seulement les condamnés de subir la peine d’emprisonnement restant à courir. Ainsi, les sanctions financières contenues dans la décision de justice du 23 mars 2015 et la procédure de recouvrement déjà engagée demeurent ».

C’est la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), une juridiction spéciale sénégalaise qui l’avait condamné en mars 2015 à six ans d’emprisonnement et à une amende de 138 milliards de francs CFA (209 millions d’euros). On lui reprochait d’avoir acquis frauduleusement des biens d’une valeur de 178 millions d’euros (116,760 milliards de F CFA) du temps où il était conseiller de son père, puis super ministre dans le gouvernement.
Inconnu des Sénégalais, Karim Wade était apparu sur la scène publique au lendemain de l’élection de son père à la présidence de la république en mars 2000. Conseiller personnel du président, il avait piloté plusieurs projets d’infrastructures, à commencer par la construction d’un aéroport à Diass, dans la banlieue dakaroise et la remise à niveau des Industries chimiques du Sénégal. C’est également lui que son père choisit pour superviser les travaux préparatoires à l’organisation du sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) en 2009 à Dakar. Budget de l’organisation 432 milliards FCFA ! Pour avoir demandé la lumière dans la gestion de ce budget, l’actuel président Macky Sall, alors président de l’Assemblée nationale, s’était attiré la colère du président Wade et avait été destitué de son poste.
C’est au début du deuxième mandat de son père que l’ascension de Karim a été fulgurante. Fin avril 2009, Souleymane Ndéné Ndiaye est nommé premier ministre. Karim Wade entre dans le gouvernement avec un portefeuille inédit : Ministre d’Etat, ministre de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures. L’opinion s’en émeut. Et comme pour exprimer son dégoût face à la « déification » du fils, la presse sénégalaise le surnomme ironiquement « ministre du Ciel et de la Terre ».
C’est que le père avait des ambitions pour son fils. Pourquoi ne le succèderait-il pas à la fin de son deuxième et dernier mandat ? Il faut donc, dans un premier temps, le mettre à l’épreuve de la gestion de hautes responsabilités, puis le faire élire à la mairie de Dakar. Aux municipales de mars 2009, Karim est sur la liste PDS conduite par le maire sortant Pape Diop. Une passation de pouvoirs en douceur d’autant que le titulaire du poste n’est plus candidat à sa succession. Mais les citoyens Sénégalais ne sont pas dupes. Ils ont vite compris le projet de leur président. Ils n’en veulent pas. Karim Wade est battu à Dakar. Mais son père ne désarme pas. En 2011, il fait adopter un projet de réforme du code électoral instaurant désormais un ticket présidentiel. Le second tour de l’élection présidentiel est supprimé et désormais, la tête de l’exécutif sera composée d’un président et son vice-président. La dévolution monarchique du pouvoir apparait au grand jour ! Les Sénégalais s’y opposent par des manifestations rue. Le projet échoue. Mais Abdoulaye Wade qui avait entre- temps fait modifier la constitution pour instaurer le quinquennat, est à nouveau candidat, contre l’avis de certains juristes. Le 25 mars 2012, il est battu au second tour par Macky Sall. Pour son fils Karim, c’est le début des soucis.

Joachim Vokouma
Kaceto.net