Vous voyez, les jeunes, moi j’ai cette chance d’appartenir à cette génération dont l’enfance et l’adolescence furent voltaïques, avant que sa maturité ne devienne Burkinabé, à la suite de cette révolution qui apporta sa magnifique partition à la naissance d’un peuple dans le concert des nations. La Haute-Volta ! Je m’en souviens, parce que j’ai été jeune voltaïque. La Haute-Volta ! Un pays de sécheresses, de disettes ; un réservoir de main-d’œuvre pour des nations plus nanties et issues de cette Afrique stratégiquement balkanisée ; un territoire de chasse et un espace de loisirs pour qui de droit, sur ce continent aux contours intérieurs tactiquement dessinés au gré des intérêts du moment et politiquement destinés à être mieux dominés, mieux exploités, mieux civilisés. Et puis, le Burkina Faso apparut dans l’histoire, comme l’aboutissement des luttes héroïques de ce peuple qui a toujours manifesté son refus d’occuper une place de pays parias du monde ; comme héritage de tous nos pères qui s’opposèrent farouchement à "la rapacité venue de loin les asservir" et à "la férule humiliante" ; comme espérance d’une jeune nation en quête de son identité dans l’histoire. Le Burkina Faso nous fit naître sur la scène du monde ; il nous fit figurer, par cette révolution controversée et éphémère, dans l’arène des peuples. Il nous imposa des défis qui, pas à pas, nonobstant les contradictions internes, sont en cours d’être relevés. Nous étions déjà sur le front périlleux de la promotion du cinéma africain avec le FESPACO. Nous avons ajouté le SIAO, ce salon international de l’artisanat africain. Pour la paix en Afrique et dans le monde, l’humanité a vu nos valeureuses troupes à Haïti, au Darfour, en Centre-Afrique ; au Congo ; en Guinée Biseau, au Mali. Nos diplomates sont allés partout avec notre culture ancestrale et séculaire de dialogue, et ils ont, très souvent, trouvé les dénouements de crises graves devant lesquelles tous étaient dans l’expectative. Compétitions après compétitions, nos sportifs ont, eux aussi, montré les chemins de notre inscription dans l’histoire et de notre contribution au patrimoine universelle de l’homme ! Du premier tour du Faso en 1984 au dernier en 2016, que de chemins parcourus, dont chaque étape a été une de nos pierres apportées à la construction de la grande pyramide africaine. Malgré nos ressources bien limitées, nous avons, à notre actif, l’organisation d’une CAN, celle de 1998. Le Burkina Faso est ainsi une nation de défis, une nation qui n’a point peur des défis. Le Burkina Faso est une nation qui avance, et chacun de nous doit prendre conscience de cela. Voilà les étalons du football, aujourd’hui encore, au plus haut niveau de la compétition africaine ; peu importe la suite d’ailleurs ; tôt ou tard ce trophée visitera la cours du Mogho Naba à Ouagadougou. Par contre, il est souhaitable que notre enthousiasme, pour soutenir et pousser plus loin les étalons, ne soit pas seulement une sorte de sublimation de ce que nous désirons être dans le concert des nations et que nous ne pouvons pas être en réalité. Il est souhaitable que chacun de nous prenne les sportifs en modèle de persévérance ; que chacun de nous se demande : "si j’étais en compétition dans le domaine où j’évolue, quel classement ramènerais-je à ma patrie ?" Dans tous les domaines il est impératif que les burkinabé se préparent à être finalistes de l’impitoyable compétition multiforme et contemporaine qui oppose pacifiquement les nations d’Afrique et du monde. Dieu bénisse le Burkina.

Zassi Goro ; Professeur de Lettres et philosophie, écrivain.
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