« J’accepte cette responsabilité avec beaucoup d’humilité et de détermination », propos de Salif Diallo, confirmé président du MPP à l’issue de son deuxième congrès qui s’est tenu du 10 au 12 mars 2017

Dimanche 12 mars 2017. Il est 17h02mn quand Salif Diallo termine son premier discours en tant que président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), et président du bureau politique national. Il remercie le chef de file de l’opposition « pour avoir bien voulu honorer de sa présence effective les cérémonies et de clôture du congrès » et souhaite un bon retour à chacun chez lui. Sur invitation du maître de cérémonie, Kéré Boukari, alias Kerson, les congressistes se mettre debout et entonnent en chœur l’hymne du MPP. Il annonce dans la foulée, la tenue d’une conférence de presse animée par le nouveau président du MPP, et du premier vice-président chargé de l’orientation politique, Simon Compaoré.
La salle du complexe omnisports de Ouaga 2000 commence à se vider. Les congressistes, venus des 13 régions et de l’étranger, descendent des gradins, prennent des photos souvenir, histoire de prouver qu’on était bien là, ce jour 12 mars 2017, quand le président par intérim a été confirmé à son poste de président.
Fin du deuxième congrès ordinaire du MPP, la formation politique au pouvoir au Burkina depuis novembre 2015, un rendez-vous qui était très attendu par les militants et les observateurs, d’autant que dame rumeur avait annoncé que des rivalités qui opposeraient les trois dirigeants pour le contrôle du parti (le président du Faso Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo, président par intérim et Simon Compaoré, ministre d’Etat, ministre de la Sécurité) allaient éclater au grand jour. « Chacun prépare ses troupes », « ça va saigner », « un congrès à hauts risques », prédisaient ceux qui prétendaient être dans le secret des Dieux, et détenir des informations de « très bonnes sources ». Du bruit pour rien ! De la guerre des tranchées annoncée, il n’en a rien été. Bien au contraire. De l’avis de nombreux participants, c’est plutôt dans une bonne ambiance que se sont déroulés les travaux du deuxième congrès. L’unité du MPP était un des enjeux du conclave de ce week-end. Un parti déchiré par des guerres clans, c’était l’échec assuré du mandat du président Roch Kaboré et une guerre de succession ouverte trop tôt qui risquait d’hypothéquer l’avenir du MPP.
Dès vendredi 10 au soir, au siège de Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), les congressistes ont planché sur le programme présidentiel, la vie du parti et la réforme des statuts, et enfin, sur l’évaluation des relations extérieures et des alliances.

Dans une adresse lue au début des travaux, le président du Faso, Roch Marc Kaboré avait appelé « les militants à surmonter toute divergence éventuelle pour ne rechercher que l’intérêt général ». Le rapport de synthèse lu par Patrice Kouraogo à la cérémonie de clôture hier soir laisse apparaitre l’étendu des débats menés durant les trois jours, s’agissant du bilan du Bureau politique national (BPN) sortant. On apprend ainsi que « les organes locaux que sont les 13 fédérations régionales, les 45 sections, les 368 sous-sections et la quasi-totalité des comités ont été mis en place, de même que 16 sections à l’étranger ». A quoi, il faut ajouter les « unions nationales des jeunes, des femmes, des anciens et des structures spécifiques, installées du niveau national jusqu’à la base ».
Patrice Kouraogo a également mentionné le lancement du centre de formation idéologique des militants, confié à Emile Paré, lequel a été confirmé dans ses fonctions.
Au plan international, le MPP est devenu membre à part entière de l’Internationale socialiste (IS) depuis août 2016, et a noué des relations avec d’autres partis d’obédience socialiste en Afrique, en Amérique latine, en Europe et en Asie. Lors de la cérémonie d’ouverture, pas moins de 15 représentants de partis étrangers invités ont pris la parole pour prêcher l’évangile socialiste.
Le rapport de synthèse est revenu sur le comportement antidémocratique de certains militants lors des municipales de 2016, notamment les violences qui ont émaillé tout le processus électoral depuis la confection des listes à la proclamation des résultats en passant par le déroulement du scrutin. En cause, « l’inexpérience politique d’une bonne partie de nos militants, les cas d’indisciplines, l’insuffisance des moyens financiers et le non-respect du quota Genre ».
Face à cette situation, la direction du parti a tapé du poing sur la table, prenant des sanctions allant de l’avertissement à l’exclusion à l’encontre des militants ayant fait montre d’actes d’inconduite grave.

Sur la mise en œuvre du programme présidentiel, les animateurs de cette commission notent que sa réalisation se heurte à des contraintes politiques, sociales, judiciaires et sécuritaires. Il s’agit principalement « de pesanteurs héritées des régimes antérieurs, des revendications syndicales tout azimut, de l’insuffisance ou le manque de communication sur les réalisations gouvernementales, du délitement de l’état, des attaques et menaces terroristes et les tentatives de déstabilisation de notre pays ». « Le PNDES n’a même pas encore atteint sa vitesse de croisière », reconnait Salif Diallo.
Alors que le régime a entamé sa deuxième année de gestion du pays, que les attentes des Burkinabè restent pour l’instant largement insatisfaites, les congressistes ont émis des recommandations visant à accélérer la mise en œuvre opérationnelle du programme présidentiel. Ils ont demandé la création urgente d’un « dispositif de coordination, de pilotage et de suivi-évaluation du PNDES, la promotion de jeunes opérateurs économiques », et surtout, « un engagement franc et total du parti et de ses militants aux côtés du gouvernement ».
Lors de la plénière, le premier ministre Paul Kaba Thiéba était venu faire un exposé sur le PNDES, et après avoir répondu durant près de 45 mn aux questions des congressistes, il a lancé avec insistance, un appel au soutien franc des militants afin de réussir sa mission. Appel manifestement reçu, puisque ces derniers ont expressément recommandé de « procéder au recadrage nécessaire pour exercer un contrôle sur les maillons stratégiques de l’appareil d’Etat ». Faut-il comprendre que des cadres de l’administration sabotent l’exécution du programme présidentiel et qu’il faut les remplacer par des militants de la majorité présidentielle ? Explications de texte du président du MPP : « Nos camarades qui sont dans l’appareil d’Etat, que ce soit au niveau de l’exécutif, du législatif ou à d’autres postes, ont un devoir de redevabilité par rapport au parti. Nous devons contrôler leurs actions et voir si elles concourent à la mise en œuvre du programme ou s’ils sont là pour des intérêts personnels. Nous ne sommes pas un parti-Etat, et il faut que nos militants dans les ministères ou les sociétés donnent le bon exemple si nous voulons donner du crédit à notre parti. C’est pourquoi, nous les appelons à observer une discipline au travail et surtout à respecter le bien public. C’est la raison pour laquelle nous parlons de recadrage, parce que certains ont été nommés, d’autres députés, mais une fois en poste, ils ne se sentent plus redevables au parti ; ils pensent qu’ils sont là à cause de leur intelligence ou leurs forces personnelles, alors que le parti est une force collective. Ils ne doivent pas oublier ça ».

Quant à la vie du parti, les congressistes ont maintenu l’ancien bureau exécutif national en y apportant quelques changements, notamment la création de postes de secrétaires ; un secrétariat exécutif a été mis en place en remplacement de l’ancien secrétariat général, assorti d’une direction administrative pour une gestion au quotidien des affaires du parti. Les membres du Haut conseil du parti (voir liste en bas) et des responsables nationaux des structures spécifiques devraient être également admis dans le Bureau exécutif national, de même que les structures du parti à l’étranger devraient être admises dans les organes de direction du MPP.
Le président du MPP annoncé son intention d’instituer « des rencontres trimestrielles avec le chef de file de l’opposition politique », et de mener des concertations larges avec les partis et formations politiques se réclament de la social-démocratie, afin d’aboutir à la création d’un front, en tout cas, à la naissance d’une grande famille de la gauche burkinabè. Des discussions sont déjà en cours avec les partis membres de la majorité présidentielle, dont l’UNIR/PS de Maitre Sankara, présent aussi bien à l’ouverture qu’à la clôture du congrès.
Répondant à la question d’un confrère sur l’entrée du premier ministre Paul Kaba Thiéba dans le Bureau politique national, Salif Diallo a révélé que cela n’avait rien de surprenant. « Il n’est pas arrivé là comme un cheveu dans la soupe, c’est un de nos camarade qui vivait et travaillait au Sénégal ». On a alors appris que le premier ministre avait d’abord activement participé à l’élaboration du programme du MPP, puis du programme présidentiel et qu’il se déplaçait parfois pour assister aux réunions du parti, sans tapage, en raison des réserves que lui imposaient ses fonctions à la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
Dans son discours de clôture comme au cours de a conférence presse, Salif Diallo a rendu un hommage appuyé aux militants venus de l’étranger, expliquant qu’ils sont venus au congrès avec leurs propres moyens, preuve de leur attachement aux partis et à ses idéaux. « Ils ont fait le sacrifice en payant leur billet pour montrer leur attachement au parti ; certains ont même apporté des contributions financières en arrivant, d’autres des gadgets pour le parti », expliquant que le MPP n’avait pas « les moyens de les prendre en charge, car les cotisations sont payées la plupart du temps par nos camarades ouvriers, paysans, les cadres moyens, mais pas par les cadres et les responsables ».

Joachim Vokouma
Kaceto.net