En l’espace d’un mois, Achille Tapsoba et Théodore Zambendé Sawadogo, respectivement président par intérim et secrétaire chargé de la Trésorerie et du patrimoine du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), ont été empêchés à deux reprises par la police de l’aéroport de se rendre à Abidjan. Le 4 juin, ces deux hauts responsables avaient déjà pris place dans l’avion quand la police les a sommés de descendre, expliquant aux infortunés du jour que l’ordre venait de la hiérarchie. Le 1er juillet, le même scénario s’est répété avec les mêmes acteurs.

. « Nous avons embarqué dans le vol air Burkina DG 521 depuis 13 h 30. Nous attendions le décollage quand le commissaire spécial de l’aéroport et un de ses collègues sont montés en tenue civile nous demander de descendre parce que la hiérarchie nous dit qu’on ne peut pas voyager. Nous avons demandé à savoir qui de la hiérarchie ? Il nous a dit qu’il n’est pas obligé de nous le faire savoir et il ne le dira pas », raconte Achille Tapsoba.
La hiérarchie n’est autre que le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale, de la décentralisation et de la sécurité intérieure, Simon Compaoré.
Interrogé le 7 juin à Kaya, il avait d’ailleurs assumé et expliqué l’interdiction de fait opposée aux deux responsables du CDP : « Ce n’est pas une préoccupation. Chaque jour, il y a des gens qui ne voyagent pas. N’en faites pas un particularisme. Nous sommes très branchés sur la sécurité des citoyens de notre pays. Toutes les informations que nous avons, vous ne les avez pas ». Autrement dit, le premier flic du Burkina agit pour déjouer un projet maléfique que les deux cadres du CDP s’apprêtent à exécuter en lien avec des complices ou soutiens qui seraient du côté d’Abidjan. Pourquoi alors ne pas engager une procédure judiciaire en bonne et due forme contre eux ? Un juge les mettrait éventuellement sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire. C’est en effet le devoir de l’Etat de protéger les citoyens contre les fauteurs de trouble. Sommes-nous dans ce cas de figure ?
Le 4 juin et le 1er juillet, les deux infortunés sont rentrés chez eux. Librement. Rien ne leur a été notifié. On s’inquiète donc que des citoyens soient privés d’un droit fondamental garanti par la constitution et les lois de la république, celui d’aller et venir. Car, ce à quoi nous assistons n’est pas seulement un déni de justice. Au-delà de l’arbitraire, il s’agit d’une volonté d’humilier des citoyens, cette forme de violence qu’on inflige à autrui qui le dévalorise, l’abaisse et l’atteint dans sa qualité d’être humain. Or, fondamentalement, l’humiliation est une pathologie politique dont il faut se prémunir, au risque de semer les graines de la haine et la division dans notre pays au moment où la Commission de la réconciliation nationale est à pied d’œuvre pour panser des plaies ouvertes ou mal cicatrisées.

Joachim Vokouma
Kaceto.net