La scène se déroule sur la Circulaire peu avant la station CGEL-B et c’est un témoin qui la rapporte. En plein milieu de la voie, un monsieur qui avait remorqué une femme sur une moto, ralentit et immobilise l’engin. Il descend et remet le guidon à la dame. Puis, tranquillement, il traverse la voie opposée, pendant que la dame continue sur la moto. Comme si de rien n’était. Les automobilistes qui le suivaient n’avaient d’autres choix que s’arrêter, le temps qu’il libère le passage.
Pour lui, les autres n’existent pas et leur droit à la voie publique passe après le sien.
Le mercredi dernier, jour où une grosse pluie est tombée à Ouagadougou, l’incivisme sur la voie publique a atteint son paroxysme. Voulant rejoindre à tout prix le domicile et se mettre à l’abri, on a assisté à des scènes dont seuls les Burkinabè sont capables. Comme s’ils avaient perdu le bon sens, ils ont créé des bouchons et parfois des blocages monstres à certains carrefours en ne respectant pas les feux de signalisation. Les accrochages, quand ce ne sont pas des accidents ont été enregistrés aux quatre coins de la ville. Il suffisait pourtant de respecter les feux et chacun allait rejoindre son domicile saint et sauf, quitte à être mouillé.
La forte pluie qui se préparait pourrait servir de prétexte pour justifier un tel incivisme, mais cette ligne de défense n’est pas tenable. Même en temps normal, de nombreux Burkinabè sont de véritables dangers pour les autres usagers de la circulation. Parfois, par ignorance du code de la route, les utilisateurs des deux roues provoquent accidents aux conséquences graves.
Des exemples que tout usager peut observer à longueur de journée ? Vous êtes arrêtés au feu rouge ; à votre droite, un motocycliste s’y gare, alors qu’il veut tourner à gauche, mais vous le savez évidement pas. Quand le feu passe au vert, il accélère, coupe la route devant vous et continue. Une connaissance sommaire du code de la route l’aurait conduit à se mettre sur votre gauche, ce qui facilite son changement de direction. Autre exemple ? Vous commencez à clignoter indiquant votre intention de tourner à droite, mais cette précaution ne suffit pas. Des gens continuent à vous dépasser sur ce côté et personne ne semble prêt à vous laisser passer. Il faut patienter, parfois s’arrêter carrément et attendre qu’une âme généreuse vous "autorise" à tourner. "L’autre jour, je me suis mis sur le côté pour vérifier que mes feux de signalisation fonctionnent, car je ne comprenais pas pourquoi les gens continuaient de passer sur ma droite alors que j’ai indiqué mon intention de tourner", explique, furieux un usager, cadre dans une société privée.
Pays où les deux roues sont le moyen le plus utilisé, les pouvoirs publics feraient mieux de simplifier la réglementation en matière de circulation. Sur le Bld De Gaulle par exemple, il est fréquent que des deux roues délaissent la voie cyclable et viennent partager celle réservée aux automobilistes. La cohabitation n’est pas toujours heureuse. Les esprits s’échauffent parfois et les noms d’oiseau fusent. "Où vas-tu toi ? Tu as vu que tu as cogné mon rétroviseur ? c’est quoi ça ?", peste un automobiliste, mais l’autre ne s’en émeut guère. Selon l’Observatoire de la sécurité de la commune de Ouagadougou, les deux roues ont fait 7229 victimes (4958 hommes et 2271 femmes) en 2016, soit 95,82% du nombre total des victimes d’accidents enregistrées dans la commune. Les personnes les plus touchées étant dans la tranche d’âge de 16 à 35 ans et représentent 61,27% du nombre total de victimes. Quant aux causes de cette plaie sociale, elles sont bien connues de tous : excès de vitesse, non-respect des panneaux stop et des feux tricolores, présence sur la chaussée réservée aux autres usagers de la route, l’intolérance, non respect des règles de la priorité à droite dans les intersections…

Des cyclomotoristes ont-ils le droit de circuler sur la voie principale ? Oui, répond un policier. "Ca dépend du volume du cylindre de la moto. Supérieur ou égale à 150 cm3 c’est permis ; en dessous, non", explique un policier. Mais savoir à vue d’œil le volume d’une moto avec exactitude ? "Nous le savons grâce aux noms des motos comme les 125, 135, 150, Apache, etc.", poursuit-il
Sur certaines voies interurbaines, cette confusion cause de nombreux accidents. Vous vous apprêtez à faire un dépassement ; vous vérifiez qu’aucun véhicule ne vient en face et quand vous accélérez, paf, vous avez en face de vous un motocycliste qui a délaissé la piste qui lui est réservée qui, parce qu’elle n’est pas fréquentée, demeure rappée. En l’espace d’une semaine, l’auteur de ces lignes a été témoin de deux accidents causés dans ces circonstances.
On a déjà déploré ailleurs l’impuissance des forces de sécurité face à la délinquance routière. Le temps passe, mais les mauvaises habitudes ont la peau dure. La condamnation en comparution immédiate de deux motocyclistes fin 2016 avait eu un impact sur la conduite des usagers de la route. Mais ça n’a pas trop duré. Chassez le naturel...
Que faut-il faire ? On a aussi déjà plaidé dans d’autres publications l’urgence d’inscrire dans les programmes scolaires l’apprentissage du code de la route. Il ne s’agit pas d’initiation ou de leçons d’observation de quelques séances. Le code de la route serait une matière entière comme le calcul, la grammaire ou le dessin. Nos enfants assimileraient ainsi le contenu du code et éviteraient de s’exposer à des dangers sur les routes. Durant la campagne présidentielle, la regrettée Françoise Toé avait défendu une telle proposition, qui a d’ailleurs été reprise à son compte par le premier ministre dans son discours de politique générale prononcé début février 2016.
C’est un impératif de sécurité nationale et le ministre des Transports, de la mobilité urbaine et de la sécurité routière, Souleyane Soulama doit s’impliquer pour que dans 10 ans, nos enfants qui entreront au secondaire soient instruits sur ce qu’il faut ou ne faut pas faire dans la circulation.
Restera à l’état de brandir ses muscles contre ceux qui, intentionnellement bafouent son autorité, en violant en permanence les règles élémentaires de la circulation. Les sanctions contre les délinquants routiers doivent être suffisamment fortes et dissuasives. L’Etat a bien le monopole de la violence dans le but de garantir la sécurité des citoyens. Il doit en faire usage. Particulièrement contre les automobilistes qui eux, connaissent le code de la route, mais l’oublient souvent. Quant aux conducteurs de tricycle, ils causent d’énormes dégâts sur les voies, qu’il est plus qu’urgent de leur imposer l’apprentissage du code de la route.

JV ; Kaceto.net