Le Président Guillaume Soro Kigbafori vient de faire cette adresse au peuple de Côte d’Ivoire et d’Afrique. Normal puisqu’il a toujours incarné au moment décisif de l’histoire balbutiante, le pardon et la réconciliation. L’acceptation du dialogue direct avec le président Laurent Gbagbo, l’application de l’Accord politique de Ouagadougou, la rectitude morale et l’impartialité dans l’organisation de la présidentielle, la défense de l’intérêt général et aujourd’hui la défense de l’intérêt de la paix, témoignent de cet attachement et engagement pour la République, la démocratie et la fraternité. L’amour de la Côte d’Ivoire et la justice comme partage et le dialogue, arme des forts selon le Père fondateur, ont toujours prévalu dans son engagement politique, du cycle scolaire au perchoir de la représentation nationale. Pourquoi tant de dévouement à ces causes parfois même au détriment de son propre confort de vie et celui des siens ? Comment saisir le sens intime de cette fulgurance politique, cette sérénité pour mieux incarner le courage de ses responsabilités envers les citoyens ivoiriens, envers la justice comme égalité de traitement, le sens de l’Etat et de l’intérêt général autant que l’intérêt de la paix, le sursaut patriotique lorsque les vaines divisions grondent ? Parce que précisément le président Soro a compris que la dévastation de la cohésion nationale par l’irresponsabilité de quelques-uns est le risque mortel pour la nation ivoirienne. Hier c’était les irresponsables de l’ivoirité et aujourd’hui une supposée cache d’armes comme pour corroborer –machiavélisme de service- un rapport de l’ONU tellement démentiel que j’y avais consacré un éditorial.
La passion du monde, c’est la guerre tandis que les intrigues sont le fait des politiciens accrocs au fait accompli, aux exclusions malveillantes attentatoires à la cohésion nationale tant recherchée par l’homme d’Etat. La défaite guette ces enfants du monde, y compris ceux de la nation ivoirienne qui s’y adonnent. Il n’est point pessimisme le rappel de ces bellicismes puisque leur vérité se constate. C’est ce constat, cette défaite nommée « la mort tombée du ciel » qu’un autre homme d’Etat, le président Obama a pointé du doigt lorsqu’il visitait ce 27 mai 2016 le Mémorial de la Paix à Hiroshima. Les enfants d’Afrique comme les autres enfants du monde ont vécu, vivent encore les affres de la guerre. Le temps du pardon est arrivé.
Pour conjurer ces affres de cette épée posée sur des mains nues comme aimait à dire la poétesse Anne Hebert du Québec, il est indispensable de restaurer le sens du politique comme engagement, comme construction de consensus sur le pardon et la réconciliation, producteurs de prospérité économique, comme droits démocratiques et discipline au service de l’esprit républicain. La Côte d’Ivoire sort d’une grande crise. Je l’ai vécue dans ma chair, cloîtré dans mon bureau et ce pendant deux semaines tandis que les miens étaient de l’autre côté des ponts, moi le fils adoptif de la Côte d’Ivoire depuis ma tendre enfance. Elle y a été entraînée par le refus de la démocratie et la défense de la république pour tous. L’ironie veut que ce soit une faction, le FPI, membre de la gauche démocratique qui refusa la démocratie en 2010. Mais la réconciliation s’impose. Le pardon est la sagesse du temps que l’homme d’Etat doit susurrer à l’oreille du peuple. Aidons les bâtisseurs de ponts entre les cœurs. Le Saint Père François taxait le candidat Trump de non chrétien parce qu’il projetait de construire un mur entre les enfants du monde, ceux des Etats-Unis et du Mexique. Elu Président, Trump a rendu visite à cette conscience morale de ces temps troubles. Le sursaut d’âme le permet au-delà du protocole tandis que la mesquinerie, le sectarisme abject et la myopie politique nous éloignent du dialogue, reçu en héritage du président Houphouët-Boigny. Le pardon est la sagesse du temps.
Merci Excellence. Président Soro, maintenez ce cap, vaille que vaille.

Construisez les ponts entre les cœurs troublés aux fins de les libérer de la haine thésaurisée et autres intrigues, ces méfaits politiques des temps politiques africains. Le futur de paix et de prospérité partagée est l’objet de notre foi en la république. La République et le durable vivre ensemble, c’est l’audace que nous devons incarner au quotidien. C’est votre choix. Nous vous suivons. C’est le nôtre. Et la parole sage est contagieuse. Persévérons !
La génération des Pères Fondateurs a arraché la liberté et l’Indépendance en 1960. Elle a accompli avec une vision solidaire au moyen du RDA et la responsabilité fraternelle, obtenu la libération du joug colonial et de toutes les servitudes inhérentes. La Génération qui a pris le relais en 1993 a marqué le pas. Cette génération est composée tant des collaborateurs que des opposants du président Houphouët-Boigny. Elle a obtenu le multipartisme. C’est beaucoup. Mais une génération qui a plongé le pays dans des crises successorales dont les spasmes résonnent encore dans la ville chérie de mon oncle, Bouaké. J’ai consacré un éditorial en janvier 2016 exhibant le réquisit républicain d’optimum d’équilibre social induit par le devoir de nous concilier avec la réconciliation, réquisit que doit relever l’homme politique ivoirien et africain recevant son contrat de représentation des citoyens. Cet homme ou cette femme doit constamment se rappeler le mot célèbre de Diderot : « Aucun Homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres ». Puisque seules les lois de la république prévalent, il s’ensuit que le pouvoir est le patrimoine absolu du peuple souverain. Les manquements de la génération de 1993 restent cette incapacité pour ainsi dire générale, de faire corps avec cet idéal de représentation datée et donc finie et ces prétentions et orgueils à vouloir régler, d’autorité, les modalités institutionnelles et constitutionnelles de dévolution du pouvoir d’Etat. Une usurpation de compétence qui met au cœur de son projet politique, la préférence de tel profil au détriment de tel autre, toute entreprise qui saborde la cohésion nationale par le fractionnement des forces sociales et politiques. Les déchirures sociales qui en découlent comme revendication de droits démocratiques ou de politiques d’égalité citoyenne, dénotent de l’incapacité de cette génération à parfaire la conjonction entre république et citoyenneté et lien de représentation. Les récentes grognes, les revendications –les syndicats, les militaires, les planteurs, les investisseurs dans l’agro-business, les sociétés civiles pour la convivialité sociale etc., administrent la preuve que la vérité de la construction de l’optimum d’équilibre social par l’immédiate génération post-Houphouët-Boigny est dans l’impasse. Pourtant, le Président Houphouët-Boigny épaulé par ses collaborateurs y est parvenu avec le sens du pardon, l’écoute bienveillante, la patience visionnaire ; cette sagesse du temps.
La génération de 1993 est au pouvoir comme PDCI, FPI et RDR, et comparativement à la génération du RDA, elle est mieux formée comme masse critique suffisante, mieux ouverte sur le monde, mieux qualifiée pour remporter la bataille de la cohésion nationale et de la prospérité partagée. Si seulement elle se comportait en artisan de la paix. Hélas, elle a conduit le pays à l’impasse. Pourquoi ? Parce qu’il manque à cette génération le sursaut d’âme, ce supplément d’âme patriotique de vision et de pratique de l’excellence morale et exemplarité. Or, ce sursaut d’âme est tissé par les identités de culture, l’ancrage émotionnel, l’amour du terroir des pères et donc l’attachement patriotique et l’ouverture. Il manque à cette génération sortante une identité de culture forte. Aussi, vit-elle une identité d’emprunt, assez mal ficelée d’ailleurs, tiraillée entre des chiasmes improbables : argent, le favoritisme, le clientélisme, l’exclusion, les privilèges et prérogatives exécutives, la ruine de la redistribution comme marque de l’Etat post-Houphouët-Boigny. C’est la question primordiale d’identité posée par Cheick Amidou Kane : ce que nous allons acquérir par notre ouverture vaut-elle plus que celle que l’on perd en allant à l’école occidentale ? La réponse est négative avec le recul que notre génération en attente de se frotter aux enjeux de son destin, peut apprécier comme flottaison débridée, constater des agissements déviants de la génération sortante. Sur tous les sujets, il y a maldonne, ça et là sur le continent : l’école publique qui n’assure plus l’égalité des chances, le mal logement, la mobilité urbaine dans la pagaille, le mérite et l’apprentissage de la citoyenneté en panne ; la solidarité intergénérationnelle méprisée, le travail qui ne présentifie plus à la claire conscience de l’individu, les promesses de l’indépendance comme pouvait en rêver Bernard Dadié ; les complexes de comportements face à l’étranger hors d’Afrique parce que le manque d’identité de culture y a laissé des séquelles, l’extraversion des solutions socio-économiques prétendument accélératrices du progrès social africain etc. Bref, toutes ces boursouflures statistiques d’une extraversion de la pensée destructrices du bien commun local, du bien- être émotionnel et du capital d’estime sociale et d’entraide acquis par les générations de fiers Africains et Africaines.
Le bonheur serait-il réfugié dans les chiffres que l’Africain contemporain serait le plus heureux, de l’Afrique du Sud à l’Egypte ? Le tableau s’assombrit lorsqu’on constate enfin, que la génération des pères fondateurs a laissé un outil efficace pour l’atteinte de cet équilibre d’optimum social : le dialogue. Le dialogue exige le courage de la vérité. Les collaborateurs et opposants du président Houphouët-Boigny n’ont jamais compris, je l’affirme, pourquoi le sage disait que c’était l’arme des forts.
Précisément à mon sens parce que le dialogue est plus compliqué que complexe. Compliqué pour retisser les liens fraternels distendus, compliqué pour que l’humain se réarme, et se concilie avec le pardon et la réconciliation qui libèrent, l’intégrité morale pour que nos mandatés emmitouflés dans leur africanité dynamique décident par eux-mêmes et pour la communauté nationale et continentale dont ils détiennent un mandat de représentation. Comment incarner la république si l’on n’incarne pas intuitu personae cet idéal citoyen, ce principe de la participation citoyenne irrécusable, ce détachement éclairé de la sordidité matérielle du monde comme richesses, corruption, clientélisme et inaptitude à accéder à l’égalité de traitement des citoyens, à administrer la justice équitable incarnée par l’Etat impartial ? La professionnalisation de l’administration de la justice par les juristes nationaux et africains et non plus un processus dicté par les partenaires bilatéraux ou institutionnels. Nos institutions traditionnelles africaines y sont parvenues. Aussi, ont-elles construit un consensus social, un ordre social pacifié et donc convivial, une ouverture au monde comme accueil d’autrui, droits de l’hospitalité. De vibrantes sociétés tant traditionnelles qu’ouvertes contrairement à ce que pensait le philosophe Karl Popper. La royauté avait son Roi parce celui-ci était soumis aux desiderata de son propre conseil qui assumait l’instance de censure, de punition et parfois de donation de mort si le Roi était devenu indigne des ancêtres et de son serment.
De nos jours, la flottaison de nos dirigeants par rapport au cours normal de notre trajectoire historique, c’est que le président africain a sa république, sa constitution et ses us et coutumes personnalisées. Aucune séparation des pouvoirs constitutive des sociétés de droit démocratique n’est effective tout comme l’absence d’instance de sanction en raison de la redevabilité sociale des dirigeants. A chaque secousse populaire et tellurique, ces dirigeants partent avec leurs machins qui ont échoué à transcender les antagonismes pour en extraire la sève nourricière pour le processus démocratique arbitral ultime. Ce type de leadership en deçà des Pyrénées et au-delà du Zambèze est tout ce qui souscrit à la panne de rationalité, loin de la singularité universelle que l’Empereur Soundiata Kéita a incarnée à partir de 1236. Humble assez pour être empereur et redevable autant à ses peuples vigilants pour écouter leurs complaintes par le griot Balla Fasseké Kouyaté qui est pour ainsi dire, condamné à transmettre fidèlement celles-ci au souverain. Parce que sa parole a une immunité pérenne.
Puissent nos dirigeants de la génération 20 sur 20, celle du Très honorable Guillaume Soro Kigbafori, garder le sens du devoir, de l’honneur et de l’humilité, de l’intérêt général parce que fortifiés par une identité forte référencée sur la culture africaine et le leadership de bienveillance et d’écoute. Le rendez-vous du tournant décisif générationnel est, il me semble, celui-là. C’est précisément ce type de leadership reçu en héritage du président Houphouët-Boigny, comme patience, le temps comme sagesse de la patience et la redistribution sociale et l’écoute comme ascèses politiques permanentes. Nous nous sommes trop écartés des attentes populaires. Notre réarmement moral doit prendre son envol à partir de ce socle d’attentes. L’Afrique a trop souffert de tant de ratés, d’espoir trahi, de manipulations et d’instrumentalisation de la justice. Trop de traumatismes ! Que d’allégresse et de bienveillance dans le cœur des Africains, pourtant. Les circonstances et les évènements sont prêts pour l’accueil de l’inattendu générationnel. Les Français ont réussi avec audace, le test crucial avec le président Macron. Espoir !
La génération démocratique et patriotique a ses motifs de luttes et de conquêtes. Mais le présupposé métaphysique indépassable reste et demeure l’identité de culture, je souligne. Puisque la démission culturelle n’achète aucun progrès connu ou espéré. C’est la leçon reçue des Tigres d’Asie mais surtout des grands leaders de l’émancipation africaine. Alors la passion de l’Afrique ne sera plus la guerre et les intrigues stériles mais plutôt l’Humain, le destin de liberté, le respect d’autrui et de la parole, socle de l’honneur.
L’Espoir est alors cette offrande à nous-mêmes pour le renouveau démocratique et républicain ! Cette exigence est le fait escompté par une dynamique de trans-courants politiques et des attentes et préoccupations transversales des citoyens. Vivement, l’avenir !

Mamadou Djibo, Ph.D.,
Philosophie