Poursuivi pour diffamation par six (6) magistrats, le journaliste Lookmann Sawadogo a comparu hier devant le tribunal correctionnel de Ouagadougou. Une audience qui a donné lieu à une bataille entre les avocats des deux parties

« Il n y a pas eu diffamation puisqu’il n’a pas menti. Lookman Sawadogo a dit qu’une plainte serait déposée contre un juge de la commission d’enquête mise en place par le Conseil supérieur de la magistrature et cela est vrai ». C’est ainsi que Me Birba Christophe a développé sa plaidoirie dans un long procès qui aura duré environ 10 heures de temps ce jeudi 27 juillet 2017. Les avocats des six juges de la commission d’enquête du Commission d’enquête de la magistrature (CSM) pour leur part ne l’entendent pas de cette oreille. Me Hervé Kam demande la condamnation ferme de l’accusé parce qu’il aurait atteint l’honneur des demandeurs.

Est-ce qu’un journaliste reconnu qui publie sur la page Facebook de son journal fait du journalisme ? A cette question, les avocats de l’accusé répondent oui. Ils ont donc estimé que Lookman Sawadogo, directeur de publication du quotidien Le Soir devrait être jugé selon le code de l’information. Mais les avocats des magistrats arguent que Facebook n’est pas une presse en ligne et que de ce fait, il ne s’agit pas de journalisme. Ces derniers ont donc tenu à ce que le tribunal statue en matière pénale. Cette question fera l’objet d’une exception soulevée par les défendeurs.
Les juges se retirent pour délibérer et après de longues minutes d’attente, rejettent l’exception. Le procès peut donc se poursuivre sur la base du droit pénal. Les avocats de Lookman Sawadogo dont Mme Salembéré, Me Bobson et Me Birba, vont également en début de procès, demander à ce que le tribunal se déclare incompétent pour statuer du fait du lien de subordination existant entre les juges de la cour et les juges plaignants. Mais là encore cette demande sera rejetée. « Quand j’essaye d’accéder au site web du journal lesoir.bf, on me dit site bientôt en ligne, ce qui veut dire que le site n’est pas fonctionnel », déclare Me Guy Hervé Kam signe qu’on entre dans le fond du dossier. Il va tenter de convaincre les juges que le la publication a été faite sur la page facebook et non sur un journal en ligne et que cela n’est pas du journalisme. Il parle de l’accusé comme quelqu’un qui « se prétend journaliste », et demande en conséquence sa condamnation à une peine d’emprisonnement ainsi que le paiement des sommes demandées par les magistrats, soit 60 millions de francs CFA.
C’est à une leçon de journalisme et de morale que le procureur pour sa part s’est livré à l’endroit de Lookman Sawadogo. « Vous devriez aller aux sources ; vous auriez pu les appeler pour leur apporter les éléments que vous aviez en votre possession ». Le procureur a en substance estimé que le travail du journaliste n’était pas bien fait et a demandé sa condamnation à 12 mois de prison avec sursis et à payer la somme de 300.000FCFA d’amende.
« La partie civile et le procureur sont passés à côté et de la forme, et du fond du dossier », répliquera le conseil de Lookman Sawadogo. Citant une publication émanant de la commission d’enquête du Conseil supérieur de la magistrature, Me Birba martèlera qu’il y a bien eu une plainte déposée contre un membre de la commission, et donc le journaliste n’a pas menti. « Il ne saurait y avoir d’honneur à défendre quand c’est la vérité qui est dite ». Selon son conseil, le journaliste n’a fait qu’attirer l’attention de la commission sur l’existence probable d’une plainte contre un de ses membres et les répercussions que cela pourrait avoir sur la crédibilité de leur travail. Il demande donc la relaxe pure et simple de leur client et la condamnation des magistrats aux dépends. La cour a pris bonne note de tous les débats et à renvoyer le dossier au 10 août prochain pour le délibéré.

Hermann Wendkouni Nazé

Kaceto.net