Hier, mardi, la matinée a été particulièrement mouvementée à Saba. Des Koglwéogos ont bloqué plusieurs axes, provoquant des embouteillages à certains endroits. Ils protestaient contre l’incarcération à la MACO de six de leurs membres le 28 juillet, suite à une plainte déposée par Bernard Nikièma pour « extorsion de fonds ».
Mais c’est le frère cadet, Jules Nikièma qui est au centre de l’affaire qui vaut la privation de liberté aux leaders des groupes d’autodéfense.
Après les Koglwéogos de Goudrin, dans la banlieue est de Ouagadougou, Kaceto.net a rencontré hier après-midi, les frères Nikièma, pour entendre leur version des faits, et "tordre le cou aux mensonges qui sont colportés contre nous ».
Témoignage à deux voix !

Le rendez-vous a été fixé quelque part dans un maquis du quartier Bendogo. Les deux frères, Bernard, l’ainé, et Jules le cadet, sont déjà sur les lieux avec des amis. Ils veulent absolument que leur version des faits soit connue et qu’on cesse de les indexer dans le quartier comme ayant fait enfermer les leaders des groupes d’autodéfense de Goudrin.
Les faits remontant à 2014-2015 quand les Koglwéogos mettent la main sur un mineur, dénommé Moctar Nassa, sur lequel pèsent de forts soupçons de vol de 13 moutons. Ils les auraient remis à un certain Nikièma Boubacar Sidiki, lequel les aurait vendus à Boureima Zongo, un boucher de métier. Ayant eu vent de ce que les Koglwéogos le recherchaient, Nikièma Sidiki disparait de la circulation. C’est donc Boureima Zongo que les Koglwéogos contraignent, fin décembre 2015, à payer 1,995 000 F CFA, soit l’équivalent du prix des moutons.
Quelque temps après, c’est Idrissa Kaboré qui déclare aux Koglwéogos la perte de ses trois bœufs. Moctar Nassa est à nouveau interpellé par les Koglwéogos qui l’interrogent pour savoir s’il est au courant de cette nouvelle affaire de disparition d’animaux. Il aurait répondu que Sidiki Nikièma lui a confié avoir conduit des bœufs dans la cour de Jules Nikièma, ce que réfute Sidiki Nikièma, qui reconnait tout au plus avoir reçu 14 animaux de Moctar Nassa dans le passé.
Mais les Koglwéogos ne croient ni à son innocence, ni à celle de Jules Nikièma. Ils gardent le dernier dans leurs locaux pour l’interroger. Ils lui réclament le paiement de 3 000 000 F CFA, l’équivalent du prix des trois bœufs.
Jules Nikièma raconte : « Ils m’ont gardé avec eux et inquiet, mon frère Bernard a alerté la gendarmerie de Saba ; il est venu quelques heures après avec des gendarmes. Quand les Koglwéogos ont vu les phares du véhicule, certains ont fui et seul leur chef, une personne âgée, est restée sur place. Ils m’avaient ligoté les mains et des pieds et je ne pouvais plus bouger ».
La gendarmerie embarque Jules Nikièma, l’enferme dans leur locaux et commence alors à mener l’enquête. Elle convoque le propriétaire des bœufs, Nikièma Idrissa afin de trouver un terrain d’entente avec les présumés coupables, faute de quoi, ils seront déférés à la MACO. « Il a refusé de répondre aux convocations de la gendarmerie en disant que toute façon, il s’en fout parce qu’il a confié son affaire aux Koglwéogos et de voir avec eux », explique Jules Nikièma. « On m’a donc déféré fin janvier 2016 jusqu’à ce que le procès ait lieu en novembre 2016. Devant le juge, Moctar Nassa a reconnu qu’il a menti sur moi et a demandé pardon. J’ai même demandé de vérifier mes appels depuis les cinq (5) dernières années pour voir si j’ai déjà eu un contact avec lui. Ils n’ont rien trouvé, mais en revanche, on a vu que Moctar Nassa et Sidiki Nikièma communiquent entre eux », poursuit-il. Pour prouver son innocence dans cette affaire de bœufs, il demande à toute personne résidant dans le quartier et pouvant témoigner contre lui de venir le faire. « Personne n’est venu donner son kaceto », confie-t-il. Le procès a quand même lieu devant la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Ouaga.
Pour assurer sa défense, son grand frère vend sa moto « 135 » à 500 000 F CFA pour lui payer les conseils d’un avocat, finalement au prix de 200 000 F CFA contre 350 000 F CFA au départ.
Après plusieurs reports, le jugement a enfin lieu le 9 novembre 2016 et le verdict tombe : Jules Nikièma est relaxé des faits qui lui sont reprochés au bénéfice du doute. En revanche, le tribunal déclare coupable d’incitation au vol de 14 moutons Nikièma Boubacar Sidiki, également Moctar Nassa coupable des faits qui lui sont reprochés. En répression, le tribunal condamne Nikièma Boubacar Sidiki et Nassa Moctar à la peine d’emprisonnement ferme de 12 mois chacun et les condamne solidairement aux dépens. Le même jour, Jules Nikièma quitte la MACO d’où il était entré le 28 janvier 2016 « pour vol portant sur des animaux ».

L’affaire aurait pu s’arrêter là, à moins que les condamnés interjettent appel. Sauf qu’entre-temps, les Koglwéogos ont arrêté Bernard Nikièma, le frère ainé de Jules. Ils lui reprochent d’avoir amené la gendarmerie qui leur a retiré son frère. Ils lui réclament le paiement de 3 000 000 F CFA, l’équivalent du prix des trois bœufs, plus 900 000 F CFA, montant de leurs commissions. « Comme mon grand-frère n’avait pas l’argent, il a appelé notre père qui a remis les papiers de sa parcelle pour déposer en garantie et prendre 2 000 000 pour remettre aux Koglwéogos sous forme d’acompte en attendant le jugement. Il restait 1,800 000 à solder », explique Jules Nikièma.
Bernard Nikièma, alias « Tipson » est désormais aux mains des Koglwéogos qui le gardent pendant 4 jours. Il s’en souvient : « Un jour je suis allé dans un maquis pour manger du poisson et d’un coup, des gens sont arrivés et se sont mis à me battre. C’était juste avant Pâques. Ils m’ont d’abord emmené à Seloghin, au milieu d’eucalyptus, ensuite dans un endroit plus loin, puis on m’a remorqué sur une moto escortée jusque dans un marché. De là, des gens m’ont pris en taxi-moto jusqu’à V7 (zone d’aménagements des vallées, vers Linoghin). Ils m’ont mis des chaines aux pieds et m’ont attaché à un arbre. Le matin, on m’a donné de l’eau pour laver mon visage et après, on m’a amené dans un autre marché où on m’a posé sur un gros caillou ; les gens me regardaient et m’insultaient. On m’a par la suite emmené dans une localité qui s’appelle Zanga. Je ne mangeais que du pain sec et c’est peut-être ce qui explique que je ne suis pas allé aux selles durant plusieurs jours ».
Le tribunal ayant relaxé son frère, Bernard Nikièma va trouver les Koglwéogos et leur demandent de lui restituer les 2000 000 F CFA qu’il avait versés sous forme d’acompte en attendant de solder les 1,9000 000. Mais il ne dispose d’aucune trace écrite du versement de l’acompte, sauf le témoignage de son oncle. Interrogés par la gendarmerie, les Koglwéogos confirment bien avoir reçu les 2000 000 FCFA " mais ils refusent de me rendre mon argent" enrage Bernard Nikièma qui se décide à déposer une plainte à la gendarmerie de Saba pour rentrer dans ses fonds. « Nous avons communiqué les noms des Koglwéogos qui nous ont maltraités et après les auditions, la première audience est fixée le 25 juillet. Tout le monde est venu s’expliquer », racontent les frères Nikièma. Une seconde audience est fixée le 28 juillet à laquelle étaient seulement convoqués ceux qui sont nommément mis en cause, environ une dizaine de personnes. C’est à ce rendez-vous que six Koglwéogos sont mis aux arrêts et déposés directement à la MACO pour extorsion de fonds. La nouvelle a vite fait le tour du village et provoqué l’énervement chez les Koglwéogos. « Ils sont venus en masse dans le quartier, puis sont allés chez moi, fouillé ma maison, et comme ils ne m’ont pas vu, ils ont attrapé ma fille, et voulaient l’attacher pour emmener. Les gens ont dit non, vous avez à faire à son père, pas à ses enfants, et ils l’ont laissée. Je suis allé signaler la situation à la gendarmerie qui m’a conseillé de me cacher durant le week-end en attendant lundi », raconte Tipson, qui se dit victime de menace de mort. « Depuis vendredi, des gens m’appellent et quand je décroche, ils récitent des sourates du coran. Un musulman à qui j’ai fait écouter les messages m’a dit que ce sont les sourates qui ont un lien avec la mort », confie-t-il. Avant de conclure : « Je veux que la vérité éclate au nom du Mogho-Naba. Si ce que je dis est faux, que les fétiches de mon village m’attrapent ».

Joachim Vokouma

Kaceto.net