Du 7 au 12 août dernier, la capitale du Bénin a accueilli les 16è championnats d’Afrique de Karaté Zone3. Le Burkina avait engrangé au total 23 médailles dont 8 en or, 8 en argent et 11 en bronze, occupant le premier rang du classement loin devant la Côte d’Ivoire et le Nigeria (http://kaceto.net/spip.php?article3188). Des résultats qui sonnent comme un miracle vu les querelles intestines qui ont miné la famille du karaté burkinabè depuis deux ans et perturbé le bon fonctionnement de la Fédération, présidée depuis le 6 mai par Oumar Yugo, élu dans un contexte très agité.
Pour sa première sortie, les résultats sont au rendez-vous, à la grande surprise des commentateurs et de lui-même. Celui qui est aussi vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina revient sur les bons résultats des Etalons à ces championnats et affiche clairement ses ambitions pour le karaté burkinabè

Lors des 16è championnat d’Afrique de karaté zone 3, qui se sont déroulés début août, le Burkina est arrivé en tête du classement devant le Nigeria et la Côte d’Ivoire, deux grandes nations dans la discipline. Franchement, vous attendiez-vous à ce résultat ?

Très honnêtement non ! D’abord, nous n’avons eu que peu de temps pour nous préparer ; en gros 4 mois, et ensuite, ça fait deux ans que le Burkina n’a pas participé à ces championnats. Pour un ancien directeur technique comme moi, arracher 23 médailles dont 8 en or à ce niveau, planter le pays organisateur et être loin devant le Nigeria et la Côte d’Ivoire, est quelque chose à laquelle je ne m’attendais pas. J’ai été agréablement surpris par la volonté et la détermination des athlètes burkinabè qui ont fait la différence en finale, avec cette envie aussi de faire du spectacle. Les Burkinabè sont connus pour leur humilité, pas du genre à faire la fête, mais là, les jeunes se sont lâchés et donné le meilleur d’eux-mêmes. D’ailleurs, à chaque finale, dès qu’on prononçait le nom du Burkina, le public applaudissait et à chaque fois qu’on prenait une médaille, c’était au rythme d’une musique burkinabè, puis le Dytaniè entonné à plein poumons !

Les karatékas burkinabè étaient des jeunes, sans expérience internationale. C’est finalement la fraicheur qui a fait la différence…

Absolument ! Nous avons volontairement fait le choix de prendre des jeunes qui n’avaient aucune expérience du haut niveau, puisque sur 28 athlètes, seulement 2 avaient déjà participé à ce championnat. Nous voulons ainsi les aguerrir pour qu’ils soient plus solides et en bonne forme pour Tokyo 2020. Très honnêtement, ces enfants nous ont créé une agréable surprise dans leur façon d’appréhender la compétition, et c’est de bons augures pour la saison prochaine. La pression est maintenant sur nous, qui devons organiser la prochaine édition, et nous avons l’obligation de faire aussi bien, sinon mieux qu’au Bénin. Nous n’avons pas de complexe vis-à-vis de personne et je suis convaincu que nos sportifs seront à la hauteur de ce rendez-vous. Côté organisation, le défi sera de bien accueillir les délégations étrangères et leur offrir de bonnes conditions durant leur séjour afin que les jeunes puissent se surpasser. Car, gagner une médaille, c’est faire honneur au drapeau national.

La Fédération burkinabè de karaté a été minée par des querelles internes depuis deux ans. Comment avez-vous dans ces conditions pu mobiliser les moyens pour être présents à Cotonou ?

Je pense que véritablement, nous avons su nous élever au dessus de ces querelles. A titre personnel, j’ai refusé de rentrer dans la polémique et préféré mettre en branle les moyens pour que les entraineurs et directeurs techniques puissent mettre en marche les chantiers que nous avons conçus ensemble. Ce qui nous unit avant tout, c’est la passion de l’art et de la compétition. Quant aux moyens qu’il fallait mobiliser pour le voyage et le séjour de la délégation burkinabè à Cotonou, j’ai la chance d’être président de la Fédération, mais aussi vice-président de la chambre de commerce et d’industrie du Burkina. Je connais du monde et j’ai simplement joué sur mon carnet d’adresses pour sensibiliser certains chefs d’entreprises de miser sur cette discipline peu connue.
Heureusement, ils ont joué le jeu et au final, nous sommes tous contents du résultat qui nous facilite la tâche quant il faudra demain aller les voir à nouveau. Pour les remercier, nous allons organiser un diner au cours duquel des diplômes leur seront décernés en présence de nombreuses autorités

Vous n’avez donc pas reçu de financement public ?

La participation à ces championnats a coûté 20 millions et l’Etat s’est engagé pour 5 millions, déblocables en septembre prochain. On peut donc dire que nous avons financé à 100% cet évènement de Cotonou

Combien gagne un médaillé en or, argent et bronze en karaté ?

La valeur de la médaille est très symbolique et n’a pas de prix. J’ignore d’ailleurs ce qui est prévu dans les textes au Burkina, mais nous sommes évidemment preneurs du montant qu’on nous proposera.

Quels sont les prochains défis de la Fédération ?

Nous allons préparer toute suite le championnat du monde qui se tient en octobre prochain, puis organiser en décembre les OPEN du Burkina en combat et en kata où nous allons recevoir 4 ou 5 pays de la sous-région. Nous serons aussi présents aux OPEN de Paris en janvier 2018 et au Rwanda fin août 2018. Le calendrier est donc hyper chargé, et vu nos récents résultats, nous sommes obligés de rester en haut de l’affiche.

Lors de votre élection, vous avez été violemment critiqué, voire insulté par vos adversaires. Est-ce que les bons résultats de Cotonou sont pour vous une revanche sur eux ?

Je ne raisonne pas en termes de revanche ; ce n’est pas mon mode opératoire et je n’ai pas de revanche à prendre sur qui que ce soit. Depuis mon élection, je suis dans une politique de main tendue, car plus on est uni, mieux la famille du karaté se portera mieux. Je pardonne tous ceux qui ont tenu des propos malveillants sur moi et ne suis pas du tout rancunier. Ceux qui me connaissent savent que j’ai un tempérament fort pour dire les vérités en face et assumer ce que je dis. Quand on est élu président et qu’on veut construire quelque chose de grand, on se met au-dessus de la mêlée pour être le président non pas d’un clan, mais de tous, y compris ceux qui vous insultent. Personne ne fait l’unanimité et c’est mieux ainsi parce que c’est la preuve qu’on n’est pas dans un système monarchique ou dictatorial. Les gens ont la liberté d’être différents et d’avoir des points de vue contraires aux dirigeants. Ce qu’il faut, c’est travailler à rassembler tout le monde pour parvenir à de bons résultats et rendre les gens contents. Ceux qui ont pu dire des choses désagréables sur moi sont néanmoins contents de voir que le Burkina est numéro un de la Zone3 même s’ils ne sont pas d’accord avec moi. Beaucoup connaissent ma valeur shotokan et ils savent ce que je vaux puisque j’ai été compétiteur et certains m’ont eu en face sur le tatami. Ils me connaissent également en tant que directeur technique puisque parmi ceux qui m’ont insulté, beaucoup me doivent leur grade. C’est moi qui ai signé leur grade et il n’y a pas de raisons que la différence entraine la haine.

A l’occasion de ces championnats, des Burkinabè ont obtenu leur diplôme d’arbitre de niveau international et d’autres sont devenus des coaches…

Oui, c’est exact ! Aujourd’hui, le Burkina est étoffé d’une dizaine d’arbitres de niveau continental dont 7 juges B et trois arbitres A, c’est-à-dire le plus haut niveau de grade en arbitrage. Pour nous, c’est très important parce que si vous allez en compétition et que vous n’avez pas d’arbitre, vous n’avez pas de poids. A Cotonou, toutes les finales à enjeux ont été arbitrées par des Burkinabè. Je félicite donc M. Corneille, Brice Tapsoba et Moctar Ouédraogo qui sont devenus des arbitres catégorie A, et aussi les deux coachs de niveau mondial, c’est-à-dire habilités à coacher n’importe quel athlète burkinabè. C’est également important pour la Fédération puisque nos athlètes peuvent désormais bénéficier de leurs conseils jusqu’au dernier moment, juste avant de monter sur le tatami. Avant, on était obligé d’emprunter des coachs au niveau international et c’est quand même un peu déshonorant qu’une personne d’une autre nationalité conseille vos athlètes. Donc, en plus des résultats sportifs, le Burkina a été aussi présents dans les autres compartiments.

Le Burkina a obtenu aussi l’organisation des 17è championnats zone3 en 2018 au détriment du Nigeria. Une autre victoire à mettre à votre crédit…

C’est au crédit de tout le monde ! Le verdict était connu avant même le début
de la compétition puisque l’assemblée générale s’est tenue 24 heures avant. Entre le Burkina et le Nigeria, la bataille a été rude car nous pensions être le seul candidat à l’organisation de la prochaine édition. A notre grande surprise, le Nigeria a aussi présenté sa candidature, mais fort heureusement, notre dossier était bon et a vite fait la différence. Nous nous sommes mis à jour de nos cotisations un mois avant, et aux Jeux de la francophonie qui se sont déroulés à Abidjan, nous avons profité rencontrer le président Yayi Vincent à qui nous avons remis officiellement notre dossier de candidature en présence du ministre des Sports Tahirou Bangré. Sans hésiter, le Togo, le Bénin et la Côte d’Ivoire ont toute suite donné leurs voix au Burkina et on s’est retrouvé à 5 voix contre 3 pour le Nigeria qui a préféré jeter l’éponge.
Nous dédions toutes ces victoires aux victimes de l’attentat du 13 août 2017, car au moment où nous venions d’obtenir nos médailles, juste après, il y a 18 personnes qui ont été tuées [NDLR : un gendarme a succombé après l’interview à ses blessures, portant le total des victimes à 19].
Nos karatékas médaillés vont se substituer spirituellement aux victimes en respect de leur mémoire, afin que ces personnes qui sont des destructeurs et qui veulent la mort sachent qu’il y a la vie au Burkina.

La Fédération burkinabè de Karaté a-t-elle un budget ? Si oui, combien s’élève t-il ?

Nous avons présenté un budget de 71 millions F CFA au ministère des Sports et dans les arbitrages, nous avons reçu… 13 millions qui sont déblocables en septembre prochain.

Interview réalisée par Joachim Vokouma
Kaceto.net