Les campagnes de sensibilisation commencent à porter des fruits. De plus en pus de jeunes filles ont recours aux méthodes contraceptives pour mieux vivre leur sexualité.
Témoignages au marché de Bobo-Dioulasso

Jeudi 7 septembre 2017, début d’après-midi au marché de Ouezzin-ville de Bobo-Dioulasso. Devant leurs étales bien garnies à proximité de la route, des jeunes filles proposent de chenilles séchées et des cacahuètes aux passants. Très expressives quant il s’agit d’alpaguer les clients, elles deviennent subitement timides lorsqu’il s’agit de parler de la sexualité. Après quelque moment d’explication, elles consentent à répondre à nos questions. Les langues se délient. Nematou Barry est élève en classe de 2nd. Pendant les vacances, elle devient vendeuse de chitoumou, les chenilles sautées, très prisées dans la région.
A 18 ans, elle dit avoir entendu parler des méthodes contraceptives. « Je connais les méthodes contraceptives, mais je ne les utilise pas. Je ne suis pas mariée et je n’ai pas encore d’enfant », confie t-elle. A quelques mètres d’elle, Minata Diarra s’attelle à aménager son étal pour attirer d’éventuels clients. Elève en classe de 3ème, elle non plus n’a encore pas utilisé de méthodes contraceptives, mais est bien informée de leur existence. « Il y a les pilules, les injectables et les condoms », énumère t-elle. Minata Diarra a déjà été dans un centre d’écoute pour jeunes ; mieux, elle a eu la chance d’échanger sur la planification familiale avec des agents de santé. « À l’école, nous avons souvent la visite d’agents habilités qui s’entretiennent avec nous sur les bienfaits des méthodes contraceptives », indique t-elle.

Contrairement à ces camarades, élève en classe de 2nd, vendeuse de légumes dans le marché, Pascaline Naon préfère la méthode dite naturelle, quitte parfois à faire recours aux préservatifs. Cette fille qui dit avoir eu ses premiers rapports sexuels à 18 ans, utilise aussi d’autres moyens contraceptifs, tels que le norplant et la méthode injectable. « S’il faut adopter les autres méthodes et avoir des conséquences après, il faut y réfléchir », opine t-elle, allusion certainement aux effets secondaires qui surviennent dans certains cas.
Mais selon une animatrice de l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBF), ces effets sont dus à la réaction de l’organisme et sont d’ailleurs passagers et "il suffit que les femmes prennent le temps de venir au centre pour être rassurées".

Assise entre ses deux petites soeurs, Faitmata Millogo vend aussi des chenilles. Un peu timide, elle a 24 ans, mariée et mère d’un enfant. Comme devant son enseignant, elle récite sa leçon sur la planification familiale : « Pour ne pas tomber enceinte, il faut bien suivre ses règles et aller à l’hôpital se consulter. On peut te conseiller de faire une piqûre, prendre la pilule ou mettre un norplant ». Parmi les méthodes citées, elle a opté pour le norplant, car pour elle, c’est une décision prise avec son mari. « Mon mari m’accompagne à l’hôpital. Nous nous sommes mis d’accord sur cette méthode contraceptive parce qu’elle permet d’espacer les naissances". Mieux, cela lui permet d’exercer tranquillement son commerce.
De l’avis général, les jeunes commerçantes rencontrées au marché de Ouezzin-ville s’accordent à dire que les méthodes contraceptives procurent le bien-être aux femmes.
Outre le fait d’éviter les grossesses et les maladies sexuellement transmissibles, elles estiment que les méthodes contraceptives permettent à la femme de vaquer à ses activités. Pascaline Naon, la vendeuse de légumes ne cesse de conseiller sa petite sur : « Je lui dit de savoir se tenir. Du moment où je ne peux pas l’empêcher d’avoir des rapports sexuels, je la conseille d’aller voir un médecin pour adopter une méthode contraceptive ».
L’ABBEF est une structure qui conseille également les couples en matière de planification familiale. L’antenne de Bobo-Dioulasso est située à quelque mètres des deux grand lycées de la ville, le lycée Ouezzin Coulibaly et le lycée municipal.
A 14 h passée ce jour-là, ce n’était plus la grande affluence à notre arrivée. Selon une animatrice trouvée sur place, Germaine Zongo, le taux de fréquentation des jeunes filles est en moyenne de six (6) consultations par jour. « Ce faible taux de fréquentation est dû au fait qu’elles ont leur centre à part, appelé Centre d’écoute pour jeunes. Elles préfèrent s’y rendre », a-t-elle expliqué. Un centre que Minata Diarra connait bien pour l’avoir fréquenté.

Bien que ces jeunes commerçantes aient des connaissances sur les différentes méthodes contraceptives, beaucoup hésitent encore à les utiliser. Or, selon Georgette Zerbo, sage femme et cadre à la direction de la santé de la famille, elles gagneraient à s’y mettre au regard des multiples avantages. Ce sont notamment pour la femme, le repos entre deux accouchements, sa disponibilité vis-à-vis de son mari, l’harmonie au sein du couple et surtout, le progrès économique que cela procure à la famille. Point focal du sous projet "Ecole des maris et des futurs époux" dans le cadre du projet "Autonomisation des femmes et des filles et dividende démographique au Sahel" (SWEDD en anglais), Georgette Zerbo est convaincue que si ces jeunes commerçantes adoptent une méthode contraceptive, elles disposeront plus de temps pour mener leurs activités rémunératrices.

Frédéric Thianhoun
Kaceto.net