La reconnaissance des vraies valeurs n’empêche pas pour autant les humains de céder à la séduction des artifices. Résultats surprenants d’une enquête menée aux Etats-Unis

Dans son essai paru en 2013 sous le titre Plaidoyer pour l’altruisme, le chercheur français en génétique cellulaire devenu moine bouddhiste, Matthieu Ricard, relate les résultats d’une enquête intéressante menée Etats-Unis et qui est révélatrice du paradoxe humain. Deux questions étaient posées à un échantillon représentatif de la population.

La première : « Qui admirez-vous le plus : le Dalaï-lama (le leader spirituel du Tibet dont la sagesse est reconnue dans le monde) ou Tom Cruise (le célèbre acteur de cinéma, icône de la réussite matérielle et de la beauté physique) ? ».A cette question, 80% des personnes interrogées ont répondu qu’elles admiraient plus le Dalaï-lama. Puis on leur a posé cette deuxième question : « Si vous pouviez choisir, lequel des deux préféreriez-vous être : le Dalaï-lama ou Tom Cruise ? ». Mais là, 70% des personnes interrogées ont répondu qu’elles préfèreraient être Tom Cruise.

La leçon de ce sondage se tire d’elle-même : la reconnaissance des vraies valeurs humaines n’empêche pas pour autant les humains de céder à la séduction des artifices et du « miroir aux alouettes de la richesse, du pouvoir et de la célébrité ». De là vient aussi toute la difficulté à rendre le monde plus juste. Car, à vouloir tous être riches et célèbres tout en sachant que les vraies valeurs ne résident pas là, les humains piétinent chacun les droits des autres à une vie décente.
Mais le constat n’est pas nouveau. Au 19ème siècle, Victor Hugo écrivait : « La grande erreur de notre temps, cela a été de pencher, je dirais même de courber, l’esprit des hommes vers la recherche du bien matériel. Il faut relever l’esprit de l’homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand. C’est là et seulement là que vous trouverez la paix de l’homme avec lui-même et par conséquent avec la société. »
Tant que l’éducation visera surtout à apprendre aux enfants à concourir pour les meilleures places plutôt qu’à mettre au premier plan les valeurs humaines de solidarité et de recherche du bonheur collectif, le monde sera de plus en plus inégalitaire.

Denis Dambré