Depuis quelques temps, notre pays connait des grèves à répétition qui paralysent malheureusement des pans entiers de l’économie nationale. Si le droit de grève est un droit constitutionnel fondamental, force est de reconnaître que certaines revendications de certains Syndicats ne résistent pas à l’analyse tant elles sont souvent mal fondées, voire surréalistes en comparaison de la situation économique de notre pays.

Pour preuve, les mouvements des ex-travailleurs de l’hôtel Sopatel Silmandé en constitue un exemple patent. Certes, le rôle d’un syndicat est de défendre les intérêts moraux et matériels de ses membres. Mais encore faut-il que cela se fasse dans le respect strict de la législation en vigueur.

Afin de mieux appréhender la situation de Sopatel Silmandé, il faut nécessairement faire la genèse des faits. Jadis l’un des plus grands et luxueux hôtels de Ouagadougou, Silmandé avait perdu son lustre d’antan. Toutes choses qui ont conduit à sa privatisation. Après une concession infructueuse à une structure hôtelière privée en 2010, l’Etat du Burkina Faso a concédé en août 2012 la gérance de l’hôtel à la Société de promotion et d’aménagement touristique et hôtelière (SOPATEL). Au regard de l’état de délabrement du bâtiment, des équipements, du matériel et du mobilier, SOPATEL effectue de 2012 à 2014 des travaux de rénovation sur l’établissement hôtelier à hauteur de plus de 11 milliards de francs Cfa. Grâce à cette heureuse initiative les emplois ont été conservés. De plus, du sang neuf a été injecté pour renforcer les capacités opérationnelles de la société.

Ainsi, l’exploitation reprit le 1er juillet 2014. Mais, dès le 14 septembre 2015, des travailleurs observent une grève au mépris des procédures édictées en la matière. Le dialogue ayant été privilégié, la direction et les représentants des travailleurs parviennent à un accord à travers duquel toutes les revendications d’ordre professionnel sont satisfaites.

Après cette grève illégale, l’activité hôtelière s’est poursuivie dans un climat apaisé avec quelques remaniements à la tête de l’équipe managériale dont la nomination d’un nouveau Directeur Général en fin février 2017. Celui-ci, à sa prise de fonction, a bien voulu imprimer sa marque et son style de management qui sont axés sur la rigueur dans la gestion et une tolérance zéro pour le laxisme. Ainsi, au cours d’une réunion d’exploitation, quelques irrégularités sont constatées dans la gestion des stocks de produits. Il commandite un audit interne qui débouche sur la confirmation de ces irrégularités et même sur des manquants considérables dans les stocks de l’Economat. L’un des deux acteurs de la gestion des stocks est licencié pour son implication dans les manquements constatés. Deux jours plus tard, un groupe de travailleurs monte des barricades, bloque l’accès à l’hôtel, vocifère, profère des menaces et exige le départ du Directeur Général de l’établissement Monsieur Oumar Sall au motif que depuis son arrivée une dizaine de personnes ont été remerciées et des contrats annulés de façon abusive : une grève illégale est encore déclenchée. Sopatel Silmandé est momentanément fermé. Les activités reprennent deux jours plus tard. Des demandes d’explication individuelles sont adressées aux travailleurs. Aussi curieux que cela puisse paraître, les réponses à ces lettres d’explication ont le même contenu avec en sus des propos discourtois à l’endroit du Directeur Général.

La direction générale, dans le souci de restaurer la discipline au sein de l’entreprise et conformément aux lois et règlements en vigueur, prononce des sanctions à l’encontre des meneurs de la grève : en somme, 29 employés sont licenciés dont 08 délégués syndicaux et du personnel.

Le 15 mai 2017, date de la signification des lettres de licenciement ou de suspension de fonction aux travailleurs grévistes, environ une soixantaine d’employés (non concernés par ces licenciements ou suspension de fonction) abandonnent leur poste de travail en guise de solidarité avec les grévistes licenciés. Une quinzaine d’entre ces cas d’abandon de poste réintègre librement l’entreprise après une absence au poste de travail d’une durée allant de 02 à 30 jours consécutifs. Chacun d’entre eux a été réaffecté à son poste initial sans la moindre sanction.

Le Gouvernement du Burkina, dans sa noble mission de garantir la paix sociale, a tenté une médiation en organisant des rencontres bipartites ou tripartites impliquant les partenaires sociaux et les premiers responsables de l’hôtel. Grâce à cette médiation gouvernementale, SOPATEL Silmandé, certainement dans un élan d’apaisement et de respect à l’endroit des plus hautes autorités du pays, a bien voulu accepter de réembaucher tous ces ex-travailleurs, excepté un seul qui est licencié pour faute de gestion (faute professionnelle) en plus du fait de grève. Il sied de préciser que tous les cas de licenciements pour fautes professionnelles intervenus avant la grève, c’est-à-dire avant le 29 avril 2017 ne sont pas concernés par ce réembauchage. Ainsi, par un communiqué en date du 9 septembre 2017, la direction générale a invité les ex-travailleurs concernés, dont l’effectif atteint les 70 agents, à une reprise du travail. Seuls quelques-uns ont répondu à cet appel. La majorité ayant refusé de reprendre le service se livre à des sorties médiatiques endiablées sous la houlette de l’UAS.

Sopatel Silmandé tourne à plein régime

En réalité, le mouvement, selon nos informations, n’a pas d’impact direct sur le fonctionnement de l’hôtel : Sopatel Silmandé tourne à plein régime sans ces ex-travailleurs ; puisque les postes vacants ont été pourvus en vue de favoriser une continuité du service. Mais tout ce tintamarre et autre ramdam ont des effets collatéraux sur la réputation de l’établissement et sur l’image du pays tout entier. Ces manifestations sont reprises par des médias à l’étranger et desservent la destination Burkina Faso qui souffre déjà des différents attentats en plein cœur de la capitale. Sopatel Silmandé fait partie des hôtels les plus sûrs de Ouagadougou en termes de sécurité. Si donc l’on donne l’impression d’une crise interne qui pollue « l’atmosphère de l’hôtel », cela pourrait dissuader de nombreux touristes, visiteurs, investisseurs et autres séminaristes à venir « au pays des Hommes intègres » en raison du manque d’infrastructures hôtelières calmes et à moindre risque sécuritaire.

Par ailleurs, un hôtel (ou tout simplement une entreprise) sous-entend la création d’emplois directs et indirects. Combien de fournisseurs et de prestataires gravitent autour de Sopatel Silmandé et qui offrent des services se chiffrant à des centaines de millions de francs CFA ?

En outre, au-delà de ces considérations financières et matérielles, il est d’une nécessité de défendre et de respecter le droit du personnel jusque-là dévoué à la tâche au quotidien (c’est-à-dire les 120 travailleurs actuellement en poste dont l’effectif est bien supérieur à celui des ex-employés en question et auxquels les syndicats ne semblent pas accorder la moindre attention) qui commence à être agacé par cette situation née de l’attitude de leurs ex-collègues.

Si la grève est un droit, le refus d’aller en grève l’est également. Si pour un oui ou un non, les employés d’une société privée prennent en otage les activités, il y a de fortes chances que beaucoup de patrons mettent la clé sous le paillasson. Si un patron ne peut plus sanctionner des comportements indélicats de ses employés, on va inexorablement vers la mort du secteur privé.

Traoré B. Armel