La crise à l’Union pour le progrès et le changement (UPC), consécutive à la démission de 13 députés du groupe parlementaire suscite suscite des commentaires plus ou moins passionnels. Ci-contre, l’analyse du politologue Abdoul Karim Saidou*

La crise au sein du groupe parlementaire UPC soulève plusieurs questions à la fois éthiques, politiques et juridiques. Au plan juridique, la première question qui est posée est celle de savoir si le fait de démissionner du groupe parlementaire d’un parti constitue une démission tacite de ce parti. Pour avoir une réponse républicaine, c’est simple, il faut saisir le Conseil constitutionnel. C’est le seul interprète républicain de la loi fondamentale. La seconde question juridique selon moi c’est de savoir si le mandat du député est national ou provincial. A ce niveau, la Constitution est claire. Le mandat est national, et le mandat impératif est nul. Cela veut dire qu’une fois élu le député n’est pas censé recevoir d’ordre de qui que ce soit, ni son parti ni ses électeurs n’ont le droit de lui faire des injonctions. Il est libre de ses opinions au parlement. Le député n’est pas un délégué mais un représentant. Cette théorie repose sur l’idée que le député est élu avant tout par les citoyens (même si c’est le parti qui l’a inscrit dans la course), et que le fait que le parti lui dicte sa conduite est une violation de la souveraineté du peuple.
Cependant, dans nos pays, les choses ne sont pas perçues de cette manière. En effet, les députés se considèrent comme des députés des provinces, et les populations aussi les considèrent comme tels. Les députés sont aussi perçus comme les députés d’un parti, alors qu’une fois élus, la Constitution les érigent en élus nationaux. Si on veut des députés nationaux, il faudra alors considérer le territoire national comme la circonscription électorale, et ainsi il n’existera que des listes nationales. Il y a aujourd’hui un fossé entre la fiction juridique et les perceptions sociales. Et c’est cette contradiction entre le droit et la pratique qui explique en partie la crise actuelle.

En effet, si le député est dans son droit de refuser toute injonction de son parti ou de ses électeurs, il se pose des questions éthiques et politiques. Car le fait de se faire élire sous la bannière d’un parti et aussi, dans certains cas, de bénéficier de l’argent du parti pour la campagne, voudrait que le député soit loyal au parti. Le fait de se faire élire sous la bannière d’un parti signifie aussi qu’on a pris l’engagement de défendre les idées du parti au parlement. Toute insubordination est donc perçue comme une trahison. Ce qui dérange donc du point de vue éthique chez les députés démissionnaires de l’UPC, c’est leur refus de démissionner du parti, tout en affirmant qu’ils n’approuvent plus la gestion de ce parti. Est-ce à dire qu’ils s’accrochent au parti pour garder leurs sièges et les privilèges qui y sont attachés ? Peut-on se réclamer d’un parti qu’on ne considère plus comme un parti respectable ? La réponse sera difficile sur le plan éthique, même si juridiquement elle peut prospérer.

Pour l’avenir, le code électoral burkinabè a réglé le problème en partie en consacrant depuis 2015 les candidatures indépendantes. Donc ceux qui souhaitent jouir de toute leur liberté de député peuvent se présenter en indépendants à la prochaine législative. Il me parait difficile aujourd’hui de pouvoir être dans un parti et réclamer une liberté totale. Il y a une incompatibilité entre la discipline qui existe dans les partis et les prérogatives que la loi donne au député. En attendant, encore plus fois, la meilleure solution est dans la saisine du juge constitutionnel, si on veut régler le problème dans le cadre de la République. Et chaque partie doit se soumettre à la décision des sages, que leur décision soit sage ou pas. C’est à ce prix qu’on construit la démocratie et qu’on pacifie les rapports sociaux.

Abdoul Karim Saidou, chargé de programme à l’Institut Général Tiémoko Marc Garango pour la Gouvernance et le Développement (IGD), membre du Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD).