Le 9 octobre 2016, en début d’après-midi, Françoise Toé, ex-candidate à la présidentielle de novembre 2015 trouvait la mort à Ipendo, à la sortie de Sabou, alors qu’elle se rendait dans sa ferme, dans les environs de Bobo-Dioulasso. Un an après, un épais mystère entoure encore sa disparition brutale

Parmi les 14 candidats qualifiés par le conseil constitutionnel pour briguer la magistrature de novembre 2015, figuraient deux femmes : Saran Serémé/Séré, candidate du Parti pour le développement et le changement (PDC) et Françoise Toé, porte-drapeau du Mouvement de libération nationale/Burkina Faso (MN/BF). La première est la plus connue des Burkinabè. Sankariste, torturée aux lendemains du coup d’Etat du 15 octobre 1987, elle s’est par la suite ralliée au pouvoir du président Blaise Compaoré. Elue députée sous l’étiquette du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) en 2002 et 2007, elle avait claqué la porte du parti en 2012 après que la direction du CDP lui ait refusée l’investiture pour les législatives de 2012. C’est la même année qu’elle a créé le Parti pour le développement et le changement (PDC) dont elle était la présidente jusqu’à sa démission le 3 octobre dernier suite à sa nomination en tant Médiateur du Faso.
Bien que militante politique de longue date depuis les bancs de l’université dans les années 70, engagée aux côtés de la figure emblématique du socialisme burkinabè, le Professeur Joseph Ki-Zerbo, c’est seulement à l’occasion de la présidentielle de novembre 2015 que le grand public l’a découverte.
Expert-comptable, patronne de la société SECCAPI, elle avait dans un premier temps été investie le 28 juin 2015 candidate par le Parti pour la démocratie et le progrès/ Parti socialiste, lors d’un congrès extraordinaire. Seulement voilà, cette décision n’a pas été entérinée par la direction légale du parti, à l’époque incarnée par Théophile Dentiogué et qui était plutôt favorable à un ralliement au candidat du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), Roch Marc Christian Kaboré. C’est finalement sous l’étiquette MLN-BF qu’elle s’était présentée.
Déjà affaiblie dans son propre camp, sans base établie sur l’ensemble du pays et disposant peu de ressources humaines et financières, Françoise Toé avait mené une campagne à minima. Résultat, elle avait recueilli seulement 0,26% des suffrages. Un score minable qu’elle avait accueilli avait beaucoup de philosophie. L’essentiel pour elle, était d’avoir profité de la tribune qu’offre la campagne pour développer ses idées et faire des propositions sur des sujets d’intérêt public. Loin de l’avoir découragée, elle considérait que la présidentielle marquait un nouveau départ pour sa carrière politique. Avec ses proches, elle avait engagé une procédure auprès du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation pour « récupérer » le nom du parti, mais après sa disparition, tout laisse penser que la bataille a peu de chance de réussir.

Ayant revendiqué l’héritage de Joseph Ki-Zerbo, Françoise Toé était active au sein de l’international socialiste, la grande famille de ceux qui se réclament de la gauche. Grâce à l’entregent du défunt Salifou Diallo, le MPP en est devenu rapidement membre de plein droit en juillet 2016, en tant que parti se réclamant de la social-démocratie.
Françoise Toé préparait sa rentrée politique prévue le 13 octobre 2016, et dans la foulée, elle devait se rendre en Allemagne à l’invitation de l’Alliance progressiste, une organisation parallèle à l’International socialiste, regroupant de partis et de personnalités pas très satisfaits du fonctionnement de cette dernière. Le sort en a décidé autrement. Le 9 octobre, aux environs de 14 heures, la mort l’a fauchée sur la route de Bobo-Dioulasso. Dans les environs de la capitale économique du Buirkina, Françoise Toé cultivait du maïs, du riz et de la banane à Séguéré. A Dinguesso, du maïs, du riz et élavait des porcs.
Un dimanche maudit !
Ce jour-là, avec sa sœur cadette, elle fait le tour pour présenter ses condoléances à des familles amies endeuillées, dont celle de Ignace Sandwidi, celui-là qui a présidé la commission chargée de désigner le président de la Transition. Décédé le 14 septembre 2016 à Paris, il y siégeait en tant que représentant de l’église catholique. Les deux sœurs rejoignent ensuite son domicile qui sert également de siège de SECCAPI.
Comme d’habitude, sa gouvernante Augustine, a préparé le nécessaire au voyage. Son chauffeur Martin Somé, 52 ans, à ses côtés depuis 2012, a fait réviser le véhicule 4x4 la veille. Comme disent les Burkinabè, « c’est propre ». Les passagers s’installent. Augustine est devant avec le chauffeur, pendant que Françoise Toé et son compagnon, Yves Lapeyrère prennent place derrière. Vers 13h30, le chauffeur démarre. Quelques minutes après, ils font une petite escale à Pissy, à la boulangerie Wend-Konta, le temps d’acheter des sandwichs, des fruits et de la boisson. Ils repartent après que tout le monde ait attaché, comme d’habitude, sa ceinture de sécurité. En ce jour de dimanche, la circulation est moins dense qu’en semaine. Vincent Somé connait bien le trajet qu’il a parcouru plusieurs fois. Après le péage à la sortie de Ouaga, il met le cap sur Bobo. Ils atteignent rapidement Sabou, ville connue pour ses crocodiles sacrés. Devant eux, roule un transport de transport STAF, parti de la gare de Gounghin vers 12h30. Vincent Somé le suit et attend le bon moment pour opérer un dépassement. L’occasion se présente à LA, peu après Sabou. Il profite d’un ralentisseur, les fameux « gendarmes couchés », pour passer devant. Il roule à une vitesse raisonnable, pas plus de 80km/h sur ce tronçon. Ils viennent de dépasser Ipendo. La ligne est droite, aucun obstacle devant. Vincent Somé aperçoit de loin une voiture arrivant en sens inverse, à vive allure. Puis, à son grand étonnement, la voiture, de marque Mercedes, se déporte sur la gauche, se retrouve face à lui, puis continue sa trajectoire, comme si le conducteur avait l’intention de se garer sur le bas-côté pour une pause pipi. Les deux roues avant mordent pratiquement la bordure de la route. Subitement, il se ravise et braque le volant pour rejoindre la voie. Vincent Somé actionne le klaxon pour l’en dissuader. En vain. Augustine comprend qu’il y a danger. Le conducteur continue sa manœuvre. La collision des deux véhicules devient inévitable. La 4x4 des Toé fait un tour et se retrouve dans la direction de Ouaga. Un choc d’une extrême violence vu l’état de deux véhicules transportés et garés à la brigade de gendarmerie de Sabou.
L’aile gauche de la Mercedes est littéralement défoncée, ne laissant aucune chance à son conducteur, Christian Nébié, un agent des impôts à Koudougou. Il faut du temps pour découper la carrosserie pour sortir son cadavre, dans un état lamentable.
Tétanisé, Vincent Somé est accroché au volant, immobile. Comme un zombie.

Augustine, descend de son siège et va ouvrir la portière arrière du côté de Françoise Toé. Cette dernière ne bouge pas. Elle a les yeux fermés et la bouche ouverte. Comme plongée dans un profond sommeil. Elle hurle son nom, sans réponse. Yves Lapeyrère a le visage tuméfié mais il est conscient. Il crie aussi, « Françoise, Françoise ! », sans réponse. Le car STAF vient d’arriver sur le lieu de l’accident. Le conducteur, qui comprend la gravité de la situation, en descend et va voir Vincent Somé. Il ne bouge pas, toujours agrippé au volent. Le conducteur de STAF le délivre de la ceinture, l’aide à sortir et va l’allonger. Il se plaint de douleurs à la poitrine. En provenance de la direction de Bobo, un véhicule de la Croix rouge arrive aussi sur les lieux. Trois personnes, deux Blanches et un Noir en descendent. Ils sortent Françoise Toé et la couchent au sol. Elle a les yeux convulsés. On lui administre des massages. Une des Blanches dit qu’elle respire encore. On continue de lui administrer des massages. En vain. « Elle est décédée », aurait dit une d’elle. On lui couvre le visage. Contactée par Kaceto.net, cette dernière promet de nous rappeler. Las d’attendre, on la rappelle. Elle est « désolée, mais ne souhaite pas parler de ça ».
Entre-temps, une ambulance, qui avait été sollicitée est arrivée. Trop tard. Mais c’est à son bord que sont transportés Yves Lapeyrère, Viencent Somé et Augustine vers l’hôpital de Koudougou, pendant que le personnel de la Croix-Rouge reste avec le cadavre tout chaud de Françoise Toé
A Koudougou, les rescapés subissent des examens. Le bilan n’est pas alarmant, mais par précaution, ils sont transférés sans la nuit à l’hôpital Yalgado Ouédraogo. Les médecins décident de les y garder, le temps de faire d’autres examens plus approfondis. On ausculte surtout la tête de Yves Lapeyrère qui a eu un choc. Rien de grave. Au matin, ils obtiennent l’autorisation de rentrer chez eux.
La nuit, le corps de Françoise Toé a été transporté à la morgue de l’hôpital Blaise Compaoré. Ses parents et amis et camarades politiques, bouleversés par la nouvelle, sont venus nombreux assister aux veillées organisées à sa mémoire. Puis, elle a été inhumée au cimetière municipal de Ouagadougou. Augustine s’en souvient : « Tantie avait mangé les fruits et avant l’accident, elle dormait ». Un sommeil éternel !

A l’occasion du premier anniversaire de sa disparition, des messes ont été dites pour implorer la paix à Dieu pour elle. Ses trois enfants tentent de faire tourner sa boite, pour qu’elle reste toujours vivante parmi eux. Quant à son compagnon, Yves Lapeyrère, sa fille était venue assister aux obsèques de Françoise Toé, puis ils sont rentrés ensemble en France.
De quoi la femme du « Luili Peendé » est morte ? Mystère !

Joachim Vokouma
Kaceto.net