« Port du textile africain en milieu scolaire », c’est autour de ce thème que les différents acteurs de la filière cotonnière ont débattu toute la journée du 22 novembre au centre Cardinal Paul Zoungrana. Tisseuses, parents d’élèves sociétés privées du secteur textile, grossistes, etc., ont exploré des pistes pouvant déboucher sur le port du textile dans les établissements primaires et secondaires au Burkina à l’horizon 2020

16h35 mn le 22 novembre au centre Cardinal Paul Zoungrana à Ouagadougou. Le président de la commission Forum, Sébastien Sanon, termine son discours en remerciant les participants et leur souhaite un bon retour dans leur foyer respectif. La salle se vide. On échange les cartes de visite et autres contacts. Fin du Forum débuté peu après 9 heures et consacré au thème de la 4ème édition du Salon international du textile africain (SITA) qui se tient depuis le 18 novembre jusqu’au 25 prochain : Port du textile africain en milieu scolaire.
Les participants sont venus de plusieurs régions et provinces du pays. Tisseuses en majorité, parents d’élèves, société de filature, institutions publiques et privées de soutien aux acteurs de la filière cotonnière, tous étaient là pour débattre de la problématique du développement de la filière et réfléchir sur les mécanismes pouvant faciliter le port du Faso dan Fani (FDF) comme tenue scolaire. C’est en tout cas le pari que s’est fixé le commissariat général du SITA et la directrice du Salon, Antoinette Yaldia. Dans son discours d’ouverture, elle a souhaité que les échanges débouchent sur des « recommandations et des propositions pour le port du textile en milieu scolaire, secondaire et
universitaire ».

Parrain du Forum, le ministre de l’Education nationale et de l’alphabétisation a brillé par son absence, lors de la cérémonie d’ouverture tout comme durant les débats. Une absence d’autant plus regrettable que le SITA a eu plusieurs rencontres avec ses services pour préparer le Forum, sachant que le port du textile en milieu scolaire n’est envisageable sans une implication forte du département dont il a la charge. Les forumistes l’ont souligné, espérant que les recommandations qui ont sanctionné les débats aient un écho favorable dans l’exécutif et à l’assemblée nationale.
C’est le président de la Commission Forum, Sébastien Sanou qui a présenté la situation globale du secteur textile en mettant en exergue ses atouts et la problématique de sa valorisation en milieu scolaire. Il a rappelé que l’Afrique se classe au troisième rang mondial des producteurs de coton derrière les USA et l’INDE. Mais une production essentiellement destinée à l’exportation à l’état brute, - à peine 5% transformé sur place-par manque de structures industrielles de transformation. Il a souligné également le manque de programmes d’enseignement et de formation sur le coton dans nos écoles et instituts, sans oublier le manque d’outils modernes à coût modéré qui permettraient d’alléger la pénibilité du travail et d’augmenter le rendement des tisserands et tisseuses.
La deuxième communication a été faite par la directrice générale de la chambre des métiers du Burkina Faso, Patricia Badolo et a porté sur la « Production, transformation et commercialisation du textile traditionnel africain pour le milieu scolaire : Défis, opportunités et perspectives ».

Elle a longuement insisté sur la qualité du coton burkinabè, le savoir-faire des tisseuses et tisserands, ce qui a permis à notre pays d’exporter des produits issus du textile (nappe de table, fouloirs écharpes, etc.) sur le marché américain au titre de l’African Growth Opportunities Act (AGOA), la loi sur la Croissance et les Opportunités de Développement en Afrique qui permet aux pays africains d’exporter sans droits de douanes des produits sur le marché américain.
Afin d’impulser une dynamique au secteur textile burkinabè, elle a suggéré entre autres, « la subvention du matériel de tissage, la réduction du prix du pagne tissé, l’amélioration de la qualité et la production en quantité ».
Les forumistes ont ensuite eu droit à une communication faite par l’ABNORME (Agence burkinabè de la normalisation et de la métrologie) d’où il est ressorti que l’insertion du textile burkinabè sur le marché international passe par le respect de certaines normes de qualité. Depuis 2012, le Burkina dispose de normes de qualité qui permettent de contrôler la conformité des produits proposés aux consommateurs à des normes, dans un souci de santé publique de satisfaction de ces derniers.
Enfin, la dernière communication, faite par la secrétaire chargée des relations extérieures de la Fédération nationale des tisseuses du Burkina (FENATI-BF) Thérèse Coulidiati, a monté les potentialités du secteur textile en termes d’emplois. Selon elle, le Burkina compte 50 000 tisserands dont 40 000 tisseuses, chacune employant en moyenne 3 à 4 personnes, soit au bas mot, 200 000 emplois créés. Elle a toutefois noté le besoin de renforcer les capacités des tisseuses et la création d’écoles de formation d’ingénieurs dans les métiers du textile.

Place aux débats au cours desquels, les forumistes ont surtout insisté sur la nécessité d’associer tous les acteurs de la filière dans l’objectif de faire adopter le Faso dan Fani comme tenue à l’école et à l’université. Le coût pour les parents d’élèves de cette mesure a été longuement évoqué sachant que le pagne tissé coûte en moyenne 5000F CFA comparativement au tissu kaki qui ne coûte que 3500 F CFA. Le Forum a été l’occasion pour les tisseuses d’interpeller leur partenaire qu’est FILSAH, (les filatures du Sahel) la société de filature auprès de laquelle elles s’approvisionnent en fil. Mécontentes de la qualité du fil et la quantité qu’elles estiment en baisse, elles ont vivement interpellé les représentants de Filsah qui ont dû apporter des explications sur l’augmentation du prix de la balle, qui est passé de 60 000 à 82500 F CFA. Appelé « à la barre », le directeur financier, Salif Konaté s’est expliqué. Selon lui, Filsah bénéficiait d’avantages fiscaux qui lui permettaient de maintenir le prix à 60 000, mais depuis lors, le gouvernement les a supprimés. Le maintien de l’ancien prix était dès lors devenu intenable pour une société industrielle comme Filsah. « Même à 82 500 F CFA la balle, c’est un prix d’équilibre » a-t-il expliqué.
Une tisseuse a martelé : il faut faire quelque chose pour protéger nos productions contre la concurrence déloyale que nous opposent les marchands de la friperie, et surtout contre les contrefaçons. « Quand on a institué le Faso dan Fani comme pagne du 8 mars, nous avons eu beaucoup de commandes, mais du jour au lendemain, le marché a chuté à cause des pagnes importées de Chine », a-t-elle déploré. La balle est donc dans le camp du gouvernement et qui ne pourra faire l’économie d’une telle mesure d’autant que l’impact des pagnes imprimés sur la baisse de revenues des tisserands et tisseuses est énorme.

Parmi les recommandations, cette préoccupation y figure d’ailleurs aux côtés d’autres, dont la création d’un fond régional de production et de transformation du coton, l’ouverture d’école et d’institut de formation professionnelle en textile et la règlementation de l’importation de la friperie dans l’espace CEDEAO et surtout, l’adoption du textile africain comme tenue scolaire à l’horizon 2020 !

Georges Diao
Kaceto.net