Ca y est, la fumée blanche est enfin sortie hier soir très tard, signe que le gouvernement et les syndicats sont parvenus à un protocole d’accord. Le 27 janvier marque donc le début d’une crise qui aura duré quatre mois

Dans la matinée du 27 janvier, la direction de la communication du premier ministère avait envoyé des correspondances aux différentes rédactions sur la tenue de la rencontre entre les syndicats de l’éducation nationale et le gouvernement. Cette correspondance était ainsi libellée : « Ce soir à 17h, à la primature, examen probable du projet de protocole d’accord de sortie de crise au MENA. Merci de couvrir ». Galip Somé est donc plus que prudent.
A 17h, nous sommes au rendez-vous. Sur le parking de la primature, les engins se comptent sur les doigts d’une main. Les formalités de sécurité remplies, nous accédons à la primature. Les deux parties prenantes des négociations ne sont pas encore arrivées pour l’arbre à palabre. Il faut donc patienter. Après quelques minutes d’attente, le directeur de la communication la primature arrive. Tout sourire, il distribue des poignées de mains, puis nous informe que finalement, la rencontre a été repoussée à 19h au lieu de 17h, une information qu’il venait de recevoir.

Une nouvelle qui ne fait pas plaisir aux journalistes. La veille, certains ont poiroté ici-même jusque tard, se sont battus contre les moustiques, avant de repartir « bredouilles ». « On espère que cela ne se passera pas comme hier », lancent-ils au dircom, lequel répond par un, « on l’espère vraiment ».
Il faut meubler le temps, attendre et attendre, car quasi certain, nous ne quitterons pas les lieux de sitôt. Des groupes de causeries se forment pour certains, pendant que d’autres profitent pour dormir et récupérer. A 19h, les représentants des autorités religieuses et coutumières et les membres du bureau de l’Union nationale des associations de parents d’élèves arrivent. Puis, c’est autour du premier ministre de faire son entrée. Mais pas de syndicalistes. « Où sont-ils ? », demande un confrère. A 21h00, toujours rien. Les nerfs commencent à s’échauffer. « Donc, ça veut dire qu’on va passer notre samedi ici quoi ? », peste un autre confrère. Par des contacts, on apprend que des concertations se déroulent au MENA entre les syndicats et le ministre Coulibaly depuis 17h. Pour les gratte-papiers, il n’y a plus de doute : c’est à la primature qu’ils vont passer une bonne partie de la nuit de samedi. Mais l’enjeu en vaut la peine. Il faut être témoin de ce qui va se passer dans cette crise qui dure depuis 4 mois.
A 21h15 précises, le ministre de l’Education nationale et de l’alphabétisation arrive enfin et affiche une mine des mauvais jours. Les négociations auraient-elles tourné au vinaigre ? Deux heures après son arrivé, les syndicats apparaissent enfin. Les visages des confrères se desserrent tout doucement, on a espoir que le protocole d’accord sera enfin signé. Signe encourageant, on demande aux caméramans de venir faire des images de la rencontre. Après ce fut encore de longues heures d’attentes.

La fatigue se fait sentir sur les visages et certains manifestent ouvertement leur agacement, d’autant que le directeur de communication nous demande de leur « donner encore juste quelques minutes ». En réalité, il faut encore attendre durant de très longues minutes jusqu’à …23h55 pour que les choses commencent à bouger sérieusement quand les cadreurs sont à nouveau inviter à venir faire les images de la signature du protocole d’accord. Ouf, c’est donc sûr que la fumée blanche va enfin sortir ce soir. Personne ne veut se faire conter cet instant historique. A l’intérieur de la salle, l’ambiance est quelque peu tendue. Le moment tant attendu est enfin arrivé. Il est 00h00 pile poil, quand le ministre Coulibaly et Wendyam Zongo échangent les cahiers contenant le protocole d’accord qu’ils ont signé quelques instants avant. Instants solennels qui marquent le début de sortie d’une crise qui aura duré quatre mois.
Calme mais visiblement soulagé, le premier ministre, Paul Kaba Thiéba prend le premier la parole : « J’aimerai remercier tout d’abord les acteurs qui ont contribué à la signature de cet accord marquant ainsi la fin de cette grève qui n’a que trop duré et qui a perturbé le bon fonctionnement de l’école. Tout le peuple burkinabè est soulagé par rapport à l’accord que nous avons conclu ce soir avec la coordination des syndicats et du MENA. Je félicite toutes les parties prenantes notamment les autorités religieuses et coutumières, les parents d’élève, surtout sa majesté le Mogho Naaba qui a usé de toute son autorité pour faciliter le dialogue et permis aujourd’hui à ce que nous arrivons à un compromis, à un protocole d’accord qui remet l’école burkinabè sur la bonne voie », dit-il. Il remercie également les syndicats et le MENA qui « ont passé des nuits blanches, des journées entières assis à discuter et qui sont parvenus à cet accord », poursuit-il, louant « l’élan patriotique et le sens de l’intérêt général des uns et des autres qui nous permettent d’espérer que dès lundi, nos enfants pourrons retrouver le chemin de l’école dans la sérénité ». La parole est ensuite donnée au coordinateur national, Wenyam (littéralement, la volonté de Dieu en mooré) Zongo. Lui aussi salue cet acte qui vient d’être posé. « Ce soir, Dieu merci, nous avons pu signer un protocole d’accord pour mettre fin à la crise, au nom de l’intérêt général et de l’enfant burkinabè », a-t-il déclaré. Il a révélé que dans les négociations, les points que les syndicats ont présentés au départ, notamment l’adoption d’un statut valorisant les personnes de l’éducation et de la recherche a connu une évolution. Pareil sur les points concernant l’amélioration de l’accès à l’éducation, l’amélioration des conditions de travail et enfin la revalorisation de la fonction enseignante. « Au nom de la coordination, je prends la parole pour dire merci à toutes les parties prenantes qui ont accepté mettre en œuvre nos différents mots d’ordre de grève, qui ont suivi nos directives pour qu’il n’y ait pas de débordement durant ces mois. La lutte a duré mais elle a duré dans l’ordre. Après la signature de ce protocole, nous pouvons reprendre les cours sans ambiguïté parce que les mots d’ordre de grève ne mettaient pas en cause le système éducatif, mais visait juste à renouveler l’école burkinabè », a-t-il confié. Mais qu’en est-il du retard dans les évaluations ? « Dans le protocole d’accord, les deux parties ont convenu au plus tard le 31 janvier de prendre les dispositions nécessaires pour que l’année puisse se terminer sans problèmes », a-t-il répondu. Puis d’ajouter : « A partir de cet instant, les mots d’ordre en cours sont levés » et même si « nous ne sommes pas satisfaits à 100%, ce qui est sûr, c’est que les choses ont bougé ».

Sur la question du « statut autonome de l’enseignant », Wendyam Zongo préfère rencontrer la base, discuter du protocole, avant de communiquer sur les différents points, y compris sur la question du statut ».
Le vicaire général de l’Archidiocèse de Ouagadougou, Alfred Ouédraogo et le président de l’Union nationale des associations des parents d’élèves du secondaire et supérieur, Hector Ardent Ouédraogo, ont tous salué l’accord paraphé par les deux parties, appelé au respect des engagements pris, et invité les élèves à reprendre le chemin de l’école dans la quiétude.

Frédéric Tianhoun
Kaceto.net