Le 27 février prochain s’ouvre dans la salle des banquets de 2000, le procès du putsch manqué de septembre 2015. Selon Yves Millogo, ce rendez-vous judiciaire impose au Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), de revoir son calendrier, en accélérant la convocation du bureau politique national en vue de préparer le prochain congrès.

Dans mes précédents écrits sur le CDP, j’insistais sur la légalité et la démarche démocratique comme mode de fonctionnement du parti en plus de sa conformité avec son temps. Le moment est venu de traduire ces principes généraux de gouvernance du parti en comportements militants, voire citoyens. Autrement dit, comment opérer concrètement vers un fonctionnement normal du parti jusqu’au prochain congrès en prenant en compte les contraintes nationales.
Si les exigences de respect de la légalité dans une démarche démocratique ont été les objectifs défendus dans le parti, ils ne doivent pas faire ombrage ni entrer en conflit avec le bon fonctionnement des institutions de notre pays. C’est dans ce sens que les responsables en charges du parti doivent en toute conscience rétablir la présidence légale dans un délai bref. Car dans les jours à venir le procès du « Putsch manqué » s’ouvrira et à la barre, il y aura un certain nombre de camarades. Ce délai, sans être un impératif pour le parti, nous impose de rétablir la présidence du CDP pour éviter de vivre dans l’incertitude.
Des acteurs du Congrès pour la démocratie et du progrès ont fourni leurs contributions afin de permettre au CDP de retrouver son fonctionnement normal. Il s’agit de militants intrépides, du Haut Conseil et de certains cadres du parti. Par exemple le Haut Conseil a proposé ce qui suit : « … A l’issue de toutes ces concertations et des constatations qu’il a faites, le Haut conseil, dans son rôle de conseil visant la recherche de la cohésion au sein du parti, a dégagé les points suivants :
- l’hypothèque judiciaire en ce qui concerne le président du parti étant levée, celui-ci devrait assumer les fonctions que lui a confiées le Congrès. La référence est la légalité interne au parti.
-une session du Bureau politique national sera convoquée, au cours de laquelle le président devra faire amende honorable, reconnaître publiquement le travail fait par les deux autres responsables, ainsi que tous les camarades qui se sont battus et sacrifiés pour que le parti survive aux différentes attaques et adversités que le CDP a vécues, en son absence.
-les trois premiers responsables acceptent que chacun occupe son rang statutaire au sein du parti, et que la direction fonctionne comme elle l’a toujours fait.
-le président statutaire, en concertation avec le 1er vice-président, convoque une session du Bureau politique national, qui met en place le comité d’organisation du prochain congrès ordinaire…
… Le Haut conseil souhaite que tous les protagonistes et responsables ou militants fassent preuve de dépassement, pour que le consensus prévale autour de ces propositions pour l’intérêt supérieur du parti ».

Tout en saluant l’effort de cet organe du parti et de ses membres, et prenant en compte leurs recommandations, il convient de les situer dans un cadre de faisabilité dans le temps. Or le contexte national et ses exigences judiciaires influencent objectivement le calendrier du parti. Le procès dénommé « Putsch manqué » s’ouvre le 27 février 2018. Lors de ce procès, la plupart des membres de la présidence comparaissent soit comme accusés, soit comme témoins. Une telle situation exige premièrement, de rétablir la présidence légale du parti avant ce délai dans la mesure où l’hypothèque judiciaire du président statutaire a été levée. Deuxièmement, une telle démarche permettra au CDP d’une part de ne pas être tributaire de l’issue du procès, et d’autre part, de fonctionner normalement en respectant l’indépendance judiciaire de manière républicaine.
Dans l’ordre de faisabilité pour répondre efficacement aux exigences du temps et de la bonne gouvernance du parti, il convient de procéder à la tenue du bureau exécutif national (BEN) puis à celle du bureau politique national (BPN) dans le temps qui précède ledit procès. Mais dans le cas d’espèce, le processus est déclenché par le secrétariat permanent conformément à ses attributions aux termes de l’article 43 des statuts.
Si d’aventure, des responsables du parti devaient faire des choix en dehors de ces exigences chronologiques nationales, la question de la survie du CDP resterait fortement hypothéquée par ces choix dont la logique ne se situerait plus dans l’intérêt supérieur du parti. Au moment où des femmes et des hommes du parti ont œuvré pour sa survie au péril de leur vie, ont contribué par leurs réflexions pour une sortie de crise, la direction par respect militant et responsabilité citoyenne devrait dessiner un futur conquérant pour le parti. C’est en cela qu’elle montrera son respect pour le sang de martyr et pour l’encre du savant. Car dans toute société l’encre du savant est aussi précieuse que le sang du martyr. En tenir compte ne permet pas une équivalence parfaite mais contribue au respect d’un patrimoine commun et historique.
Comment le militant devrait-il comprendre l’immobilisme et le mutisme de ses responsables face une telle situation de blocage de la direction d’un parti ? Comment le citoyen burkinabè peut-il appréhender le comportement théâtral des responsables politiques qui ne réponde pas à leurs attentes ?
Cette démarche de mise en place de la présidence du CDP, qui exige de la direction du parti le respect de la légalité dans un moment de contingence mais nécessaire pour une vie du parti, n’est pas seulement une démarche partisane, elle est surtout une expression républicaine en termes de réponse solidaire aux attentes des populations du Faso.

Yves Millogo
Militant CDP, ancien secrétaire général de la section France
Kaceto.net