Dans la tribune ci-contre, le député de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) Alitou IDO, analyse les maux qui minent la société burkinabè et qui freinent son développement. Il en appelle à la réconciliation nationale pour bâtir ensemble un nouveau contrat social

Salifou NEBIE, ce magistrat intègre, originaire de ma Sissili natale, avait été assassiné sur la route de sa province, parce qu’il refusait la compromission. On s’en souvient encore comme si c’était hier. Avant lui, plusieurs autres personnes ont été régulièrement assassinées, sans que le pays des hommes intègres ne puisse mettre la main sur les auteurs de ces odieux crimes, qui ont toujours réussi comme par enchantement, à s’échapper.

Je me suis toujours posé ces questions (comme chacun de vous du reste) : Pourquoi ne trouve-t-on jamais ces meurtriers crapuleux ? Pourquoi au fait, la vie d’un être humain au Burkina Faso n’a-t-elle plus sa valeur d’antan ? Que faisons-nous chacun individuellement face à sa conscience, pour restaurer cette valeur capitale de notre société, à savoir « ON NE TUE JAMAIS UN ÊTRE HUMAIN ? »
La province de la Sissili veut savoir pourquoi son fils a été tué, et par qui ? Tout comme les parents, amis et les proches de tous les autres Burkinabè assassinés, ont soif de justice ! Cette partie du peuple que sont les parents et amis (des Burkinabé assassinés) ne peuvent, hélas, pas faire leur deuil et le faire convenablement, chacun selon ses us et coutumes.

Des êtres chers ont brusquement été arrachés à notre amour, abandonnant dans l’extrême détresse veuves et orphelins, sans que la moindre explication ne soit fournie, sans que la moindre demande de pardon sincère ne soit formulée, et sans la plus petite repentance qui sied. Alors, les cœurs sont longuement et douloureusement meurtris au Faso depuis ces trente dernières années, car à ces vagues d’assassinats sont venus s’ajouter les sacrifiés (sur l’autel de la chère patrie) de l’insurrection, puis, ceux du dernier coup d’État et, à présent, les Burkinabè qui, régulièrement, tombent sous les balles et explosions des terroristes.

Tous ces Burkinabè tombés pendant l’insurrection et le dernier coup d’état, sont comme des soldats tombés sur le champ de bataille pour la mère patrie. La nation entière leur doit éternelle reconnaissance. Ils doivent être hautement décorés et une pension de combattant mort pour son pays, versée à leurs ayant droit et leurs enfants, des pupilles de l’Etat. Voilà le minimum que notre pays, le leur aussi, doit faire pour ces bouts de bois de Dieu à jamais perdus, mais qui vivent dans nos mémoires et dans les livres d’histoire du Burkina Faso.

Nous avons subi des épreuves en tant que peuple certes, mais beaucoup moins pires que d’autres pays africains.

Le Rwanda, parti d’un génocide ayant englouti plus d’un million d’âmes, a su patiemment chercher et trouver les paroles et les attitudes qui apaisent les douleurs des cœurs, et les tourments des âmes meurtries, pour refonder une société aujourd’hui en pleine transformation, enviée et citée en exemple. Ne réinventons pas la roue, mais inventons notre propre voie de développement avec des façons intrinsèquement burkinabè. Pour que tous ces morts, les nôtres, ne le soient pas en vain, l’exemple du Rwanda doit nous inspirer.

Au lieu de construire des monuments en mémoire des martyrs, ou de jouer toute cette comédie chaque année pour, soi-disant honorer leur mémoire, arrêtons tout cela et construisons sincèrement une seule et solide unité du peuple, tels les cinq doigts de la main qui se replient pour former un poing. Cette unité est plus forte que toutes nos armes de guerre ; elle est plus intelligente que tous les ordinateurs du monde. Cette unité est tout ce dont nous avons réellement besoin pour transformer radicalement le Burkina Faso et en faire un pays réellement en voie de développement.

Hommes et Femmes du Burkina Faso, nos ancêtres nous ont légué un Burkina uni, en développement certes, mais uni et en paix ! Si nous ne pouvons faire mieux que nos pères, conservons au moins ce legs intact pour les générations futures. Comment ? Taisons nos profondes divergences pour enfin construire le bouclier qu’il nous faut pour protéger, défendre et développer notre cher pays, le Burkina Faso, si réellement nous sommes des dignes filles et fils de ce pays ! Ce bouclier, c’est l’unité du peuple ! Regardez par vous-même, notre nation est d’abord affaiblie par nos interminables querelles de gestion du pouvoir d’État, par le lourd tribut que nos citoyens payent pour l’absence de règlement des nombreux dossiers pendants devant la justice.

Nous ne devons plus raisonner « majorité versus opposition », car notre nation est en danger, car le nord du pays est en passe d’être amputé….Il faudrait que nous trouvions rapidement des solutions politiques et sociétales pour convenir à tous les niveaux d’un consensus national de gestion du Burkina Faso, en intégrant toutes les strates sans exclusion aucune, afin que tous les citoyens de ce pays soient impliqués dans la gouvernance.

Ceci concerne aussi bien l’ancien comme le nouveau régime, les « brûlés » comme les « insurgés ». Il s’agit de constituer une logique plus holistique de développement intégré afin de mettre en communauté nos intelligences et nos ressources pour construire le Faso et faire bloc contre les attaques tant de l’extérieur que de l’intérieur, évitant du même coup le chaos que couve la cacophonie actuelle, car il n’y a pas de gâteau à se partager ; il n’y a ni gagnants, ni perdants.

Notre posture actuelle est belliqueuse et favorise l’exclusion en alimentant le terrorisme. C’est celle qui consiste à créer deux types de Burkinabè : L’un croulant sous la misère et l’autre sous l’abondance, l’un ayant droit de s’exprimer avec arrogance et l’autre contraint de la fermer, l’un propriétaire de tout et l’autre étranger dans son propre pays, l’un considéré d’office comme patriote et l’autre comme ennemi de la nation.

Le discours de suspicion entretenu depuis le sommet de l’Etat aura des conséquences dramatiques si le peuple l’assimile. Aujourd’hui c’est un débat théorique qui est mené sur l’identité ou les affinités des terroristes. Demain, ce discours pénétra les quartiers, divisera des voisins, confrontera des frères de même calebasse. Evitons ce scénario à notre pays, à notre jeunesse ! Nos dirigeants sont ceux qui donnent le ton. Ils doivent donner le bon ton pour un « warba » harmonieux, et non pour une danse macabre.
Dans la situation actuelle du Burkina Faso, aucun développement véritable n’est possible car, pendant que les uns se battent pour faire avancer le pays (je pense ici aux millions de paysans oubliés), d’autres rament à contre-courant. Il est impossible à l’état actuel de nos mentalités divisées et férocement opposées les unes aux autres, de réussir un quelconque développement.

Le MPP risque fort d’échouer avec son PNDES, tout simplement parce que l’un comme l’autre font face à un tel rejet violent de plusieurs couches de notre société, et pas les moindres s’il vous plait ! Ce probable échec du MPP programme logiquement l’échec des autres gouvernances qui viendront après. C’est illusoire de penser que le MPP croisera les bras et laissera la gouvernance suivante réussir là où elle a précisément échoué… et le cycle infernal continuera si courageusement, le peuple n’y met fin.

La nation burkinabè est très divisée du fait de la politique. J’en arrive très souvent à me demander quelle est l’utilité réelle des partis politiques dans un pays comme le Burkina Faso ? Car je les rends responsables en grande partie de la situation actuelle de ce pays. Tous parlent de développer ce pays mais dans le quotidien de leurs comportements et décisions, ils le sous-développent en réalité.

Fondamentalement, il nous faut trouver rapidement la bonne logique pour que tous les Burkinabè se retrouvent à nouveau pour faire face aux menaces auxquelles le pays est confronté : multiples attaques terroristes, détérioration du climat social, exclusion, incivisme grandissant.

Il ne s’agit nullement de constituer un simple gouvernement intégrant tous les contraires (c’est du reste le moins important), il faut d’abord, sans calculs politiciens, arriver rapidement à la réconciliation des cœurs et au pardon, car comme nous le constatons, l’absence de réconciliation fragilise d’avantage notre pays.

En l’espèce, il nous faut revoir sérieusement la situation des policiers et militaires radiés pour réintégrer ceux qui sont injustement pénalisés ; prendre à bras le corps les injustices en cours subies par les populations du Nord, ouvrir un large front de dialogue social avec toutes les composantes politiques, syndicales et les organisations de la société civile (chefferie, ONG, associations, communautés religieuses, …) du Burkina Faso pour déterminer un large consensus qui sera traduit en un CONTRAT SOCIAL engageant toutes les parties.

Nous devons nous mettre debout et nous donner tous la main dans une logique de défendre et bâtir notre cher Faso. Je suis écœuré, comme bien de mes compatriotes, de voir notre nation s’effriter profondément, alors que nous avons en main les matériaux pour véritablement la construire, que sont l’unité et la cohésion sociale, mais que ce chantier national-là les politiques n’en veulent pas. Car pour eux, cela reviendra à partager leur gâteau. Un peuple uni est puissant, incorruptible et déterminé, finira par chasser en son sein les mauvaises graines qu’il ne peut convertir.

Mais nous préférons la facilité comme aller vendre notre dignité (comme nos « guaribous » aux feux tricolores !) aux ambassades et instituions internationales pour espérer obtenir quelques milliards que leur peuple ont durement acquis. Et que faisons-nous en réalité de ces milliards acquis au nom de la misère de notre peuple et toujours annoncés en conseil de ministres ?

Le Ghana à côté, a fièrement refusé de ployer le genou devant le FMI en refusant tout prêt, car dit-il, son économie domestique financera son développement. Le pays des hommes intègres du capitaine Thomas Sankara peut faire autant que le Ghana, sinon mieux, à condition que tous ceux qui s’opposent se mettent ensemble.

Construisons un pacte social sans coloration politique aucune pour transformer qualitativement à l’instar du Ghana et du Rwanda notre pays.

Un dernier appel, mes frères et sœurs, cessons s’il vous plait de creuser le fossé entre nous ! Levons les obstacles qui nous divisent ! Notre silence complice et notre inaction sont les ingrédients dont le Burkina Faso a le moins besoin !

Que Dieu bénisse et protège notre pays !

Ouagadougou, le 08 mars 2018

Alitou IDO,

Député à l’Assemblée nationale