Auteur de sept livres dont "Pulongo", une pièce de théâtre jouée par l’Atelier théâtre burkinabè, conteur et libraire, Ousséni Nikièma se bat avec des amis pour promouvoir la lecture dans les établissements via l’association « Burkina lecture ».
Présent à Bobo dans le cadre de la semaine nationale de la culture, il explique à kaceto.net les objectifs de l’association, déplore le manque de soutien de l’Etat dans la promotion du livre et se désole de la pauvreté du vocabulaire des élèves burkinabè, happés pat l’Internet et la télé

Comment l’association Burkina lecture est-elle née ?

Burkina lecture a commencé par la librairie parce que les lecteurs qui se réunissaient régulièrement, ont éprouvé le besoin de créer une association pour la promotion de la lecture à l’école. Au début, nous avons organisé un évènement à l’Institut français qui a débouché sur la création de Burkina lecture en 2012. Elle a été officiellement reconnue en 2015 tout simplement parce que nous avions eu besoin de prouver ce dont nous sommes capables sur le terrain avant de chercher la reconnaissance officielle. Le bureau est comprend huit personnes et une vingtaine de membres militent dans l’association. Nos principales portent sur la promotion du livre en milieu scolaire à Ouaga d’abord, parce que nous n’avons pas les moyens. Au ministère de la Culture, on a une oreille attentive si on présente un projet en lien avec la musique, mais le livre…

Comment se porte la lecture en milieu scolaire ?

Elle se porte très mal ! Quand on a la chance de voyager, on a mal au cœur parce que franchement, le niveau de lecture dans notre pays est très bas. Quand je rencontre les élèves ou étudiants, je leur demande quels sont les auteurs burkinabè qu’ils ont lus, rares sont ceux qui peuvent répondre à cette question. Certains ne peuvent même pas citer le nom d’un seul auteur burkinabè. Mais l’élève sénégalais est capable de citer cinq auteurs de son pays, pareil pour les Ivoiriens. Les Burkinabè confondent même parfois les auteurs burkinabè et africains.

Qu’est-ce qui explique cela ?

Beaucoup de facteurs. Il y a les Technologies de l’information et la communication qui nous ont apporté l’Internet et qui créent des ravages au niveau de la lecture. J’ai l’habitude de dire que les Occidentaux sont entrés dans le wagon de l’Internet avec leurs livres pendant que les Africains ont jeté les leurs avant d’y entrer !
Il y a aussi un problème de transmission, car il est rare de voir un enfant qui lit alors que ses parents ne lisent pas. Il faut déjà que l’enfant ait bien entendu accès au livre, mais aussi qu’il voie ses parents en train de lire.
Ce qui se passe, c’est que les gens passent des heures devant la télé et ont de moins en moins envie de faire travailler leur cerveau. Quant au prix du livre qui serait cher, c’est faux parce qu’on peut en avoir à toutes les bourses à partir de 1000 ou 2000 F. Mais combien coûte le poulet ou la bière ? J’entends parfois évoquer le manque de temps pour lire, mais les mêmes gens passent deux ou trois heures tous les soirs dans les maquis !

Comment faciliter l’accès aux livres aux élèves, mais aussi au grand public ?

J’ai commencé à éditer mes livres et avec l’expérience, j’ai voulu aider les jeunes écrivains à éditer leurs œuvres, surtout que dans l’association, il y a des écrivains et des imprimeurs. L’objectif étant de favoriser l’accès aux livres dans le milieu scolaire. En tant qu’auteur, je suis en collaboration avec les établissements scolaires et j’apporte un soutien dans l’organisation des bibliothèques.
Mais le livre sur l’étagère ne fait pas lire le livre ; il faut faire autre chose en plus, comme les animations que nous faisons. En tant que conteur, je raconte des histoires dans les classes et quand les élèves disent qu’ils les apprécient, je leur dis qu’elles se trouvent dans tel ou tel livre. Quelques semaines après, on constate que certains ont acquis le livre. C’est ainsi que nous les incitions à la lecture.

Chaque fin d’années scolaires, les perles du brevet et du BAC sont des occasions de déplorer la baisse de niveau des élèves. Quel est votre avis sur ce sujet ?

Oui, on sent évidemment une baisse de niveau chez les élèves. Il suffit de discuter avec eux pour s’en rendre compte toute suite. On voit bien la pauvreté de leur vocabulaire qui est une conséquence de la baisse de niveau de la lecture ! Quand vous regardez la télé pendant dix heures et qu’on vous demande de vous rappeler d’une phrase, ce n’est pas évident. En revanche, quand on lit pendant une heure, on est capables de faire sortir dix mots et deux phrases. Ça veut tout dire !

Propos recueillis par Joachim Vokouma
Kaceto.net