Elu pour la première fois en 2015 dans un contexte post-insurrectionnel au moment où les principaux responsables du CDP sont soit en exil, soit en cachette, Eddie Komboïgo a réussi à conserver son fauteuil pour les trois prochaines années. Au grand désarroi des ses adversaires les plus irréductibles.

Hier soir, dans la cuvette du Palais des sports de Ouaga2000. Il est 16h39mn. Le nouveau président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) Eddie Komboïgo termine son discours de clôture du 7è congrès ordinaire de l’ex-parti au pouvoir. Il remercie les congressistes pour la qualité des débats, rend hommage à tous ceux qui ont œuvré à la réussite du congrès, s’engage à préserver l’unité et la cohésion du parti, s’excuse pour les désagréments subis, invite ses camarades à aller désormais au combat, demande un standing-ovation pour le fondateur du parti, Blaise Compaoré, et souhaite un bon retour de chacun chez lui.
Puis, le président du bureau d’âge, Bernard Nabaré, lui remet, dans une indescriptible pagaille, le flambeau. Tout sourire, il se prête aux séances photos des journalistes et autres selfies.
Heureuse fin du 7è congrès du CDP, au grand soulagement des militants et des 3200 congressistes venus des 45 provinces du Burkina. Le scénario catastrophe, c’est-à-dire, l’implosion de leur parti qu’ils redoutaient avant le début du congrès a été conjuré. Pour les trois prochaines années, c’est toujours Eddie Komboïgo qui va présider aux destinées du parti créé en février 1996 par le président Blaise Compaoré, et qui a régné sur la vie politique depuis lors, avant de perdre brutalement le pouvoir fin octobre 2014. Une victoire qu’il a arrachée face à des adversaires qui avaient juré de l’éjecter du fauteuil présidentiel qu’il occupait depuis le dernier congrès de 2015. Dans les rangs du CDP, beaucoup n’avaient de cesse de lui intenter un procès en illégitimité, estimant qu’il avait accédé accidentellement à la présidence du parti, dans des circonstances exceptionnelles.

Après avoir tenté, en vain, de lui retirer la chose, ils avaient du bout des lèvres, reconnu la légalité de son poste le 25 février, mais n’avaient nullement renoncé à le destituer à l’occasion du 7è congrès. A la clôture du dépôt des candidatures jeudi 3 mai à 19heures, 19 candidatures avaient été enregistrées. Sur la ligne de départ, figuraient entre autres, Boureima Badini, ancien ministre de la Justice, Alpha Yago, Mahamadi Kouanda, Achille Tapsoba, 1er vice-président du parti, Jean Koulidiati, ancien ministre de l’Environnement et du développement durable, Lassina Ouédraogo, Adama Tiendrebéogo, Mahama Yanogo, Awa Bikienga et Juliette Bonkoungou, députée à l’assemblée nationale, qui avait pourtant renoncé deux jours plus tôt à briguer avant de se raviser.
Cette pléthore de candidatures, qui n’est nullement l’expression de la vitalité du parti comme certains ont tenté de le faire croire, est en fait, le résultat d’une stratégie mise en place par les deux principaux concurrents, en l’occurrence, Boureima Badini et Eddie Komboïgo. Le premier se prévaut du soutien du fondateur du parti, Blaise Compaoré, et incarne le camp de ceux qui sont décidés à arracher la présidence du parti à celui qu’ils considèrent comme un usurpateur.
Le combat fut épique. Faute de consensus, le président Blaise Compaoré, dont l’ombre a plané durant ce congrès, s’était résolu à recommander l’organisation d’élection pour départager les candidats. Tout s’est joué dans l’après-midi du samedi 5 mai, peu après l’ouverture du congrès. A l’issue d’une réunion tenue dans une des salles du palais des sports, les candidats qui soutiennent en réalité Boureima Badini, au nombre de huit (8) se désistent. Informés de ce qui se trame dans le camp d’en face, les partisans d’Eddie Komboïgo font pareil : neuf (9) candidats qui lui sont proches renoncent à briguer la présidence. Il ne reste don que les deux. Le jeu de cache-cache est terminé.
Le face à face devient inévitable. Le bureau d’âge, mis en place pour organiser le scrutin, qui croit toujours qu’il est possible de trouver un consensus et éviter le vote, demande aux deux candidats de se concerter. Il est deux heures du matin. Les deux se retrouvent effectivement pour une ultime chance. Du temps perdu. De discussions, il n’y en a pas eu. D’entrée de jeu, Boureima Badini déclare qu’il n’est pas venu pour occuper un poste, mais pour prendre la présidence du parti. A quoi le président sortant réplique qu’il entend aussi conserver son fauteuil. Le consensus devient donc impossible et le vote inévitable.

Dans le salon VIP du Palais de sports, tout est fin prêt pour le scrutin. Les 72 membres du bureau exécutif national, dont certains n’étaient plus apparus en public depuis des années, sont là. Ils sont les seuls habilités à voter, à bulletins secrets comme l’a préconisé le fondateur du parti, Blaise Compaoré. Les bulletins et l’urne sont prêts. Au dernier moment, comme tétanisé à l’idée de perdre, Boureima Badini fait marche arrière en remettant, à la surprise générale, l’idée de consensus sur la table. Eddie Komboïgo et ses partisans refusent. Trop tard. La tension monte d’un cran. On va au vote. Tout se déroule dans la transparence, y compris, bien entendu, le dépouillement. Aux environs de 4h30mn, les résultats tombent : Eddie Komboïgo obtient 39 voix, contre 33 pour Boureima Badini.
Dépité, ce denier, en mauvais perdant, quitte la salle, pendant que les partisans du vainqueur fêtent la victoire de leur candidat par des cris de joie et des bruits de Vuvuzela.

Joachim Vokouma
Kaceto.net