Promiscuité, équipements de travail dans un état lamentable, délestages incessants, réseau informatique pas toujours fonctionnel, etc., le quotidien de ceux qui collectent les impôts est à l’invserse de l’image qu’ils donnent dans l’opinion

Depuis plus d’un an, ils sont régulièrement à la Une des médias en raison des mouvements de grève qu’ils mènent et dont l’impact sur l’économie nationale et la vie des citoyens est immédiat. Mais récemment, leur actualité a littéralement saturé l’espace public avec la polémique sur l’affaire dite des fonds communs. Un sujet qui continue de diviser les Burkinabè et sur lequel le gouvernement semble embarrassé.
Pour beaucoup de Burkinabè, il faut tout simplement supprimer les Fonds communs parce qu’ils ne se justifient pas. Comment diable, verser des bonus à des fonctionnaires parce qu’ils font correctement leur boulot ? Pour d’autres, à commencer par les syndicats des agents du ministère de l’Economie, des finances et du développement (MINFID), pas question de toucher à un progrès social chèrement acquis. Et puis, pourquoi s’acharne-t-on sur les seuls agents du MINEFID alors que les fonds communs existent dans d’autres ministères ?
Cette polémique, au demeurant salutaire sous un gouvernement qui se réclame de la social-démocratie, occulte malheureusement la réalité du quotidien de ceux qui collectent l’impôt. Il suffit de mettre les pieds dans un centre des impôts pour découvrir l’état piteux des équipements avec lesquels les fonctionnaires s’acquittent de leur mission.
A la Direction du centre des impôts de Bogodogo, en bordure du Boulevard Charle de De Gaulle, le contribuable qui s’y rend pour des besoins doit être patient. On écarte ici volontiers les agents médiocres, pas du tout serviables, à la limite mal élevés, bref, sans conscience professionnelle et qui agacent les usagers du service public. On s’intéresse ici à ceux qui, heureusement les plus nombreux, veulent faire leur travail et qui sont parfois gagnés par le découragement. Ce qui est certain, c’est que leur ardeur au travail s’émousse.

L’autre jour, ils avaient le sentiment d’être victimes d’un gag. Quand ce n’est pas la Sonabel, ironiquement baptisée « sonavilaine », -un pseudo qui, à vrai dire, lui va particulièrement bien depuis quelques jours- qui est responsable des coupures intempestives de courant, ce sont les installations électriques qui sont défectueuses et provoquent des délestages toutes les cinq minutes. « Ca dure depuis des semaines, et on en a marre de cette situation ; c’est juste une affaire de fusible qu’on n’arrive pas à régler », peste un agent. Son collègue enfonce le clou : « La hiérarchie a été informée à plusieurs reprises, mais ne bouge pas. Nous, on regarde maintenant. Quand le courant est là, on travaille. Mais ce n’est pas notre boulot de remplacer les fusibles ».
Résultat, dans le hall de l’immeuble, les usagers transpirent et attendent, résignés. Entre-temps, arrive une vigile. Visage grave, elle grommelle. On ne saisit pas ce qu’elle dit, mais elle n’est pas contente. Elle peste aussi contre quelqu’un qui ne fait pas son boulot. Elle en a assez de faire ce qui ne la regarde pas. Elle se dirige vers le compteur électrique, fixé à l’extérieur de l’immeuble. On l’observe. La porte du compteur est largement ouverte. Un long bâton en bois est posé sur une table au pied du compteur. En s’en saisit et remonte le fusible qui avait sauté. Houpi ! Le courant revient. Les brasseurs se mettent à tourner de l’air chaud, mais on s’en contente. En retournant occuper son poste, dehors, à l’entrée de l’immeuble, elle prévient que c’est la dernière fois qu’elle le fait.
Dans les bureaux, les ordinateurs sont à nouveaux allumés. Du moins, ceux que les délestages n’ont pas abimés. Car, il y en a. Un agent est inquiet. La page d’accueil de son ordinateur tarde à s’afficher. Sur l’écran, il voit défiler des milliers de chiffres et de lettres. Son voisin est chanceux, il est bien sur la page d’accueil de son écran, mais le réseau sur lequel tous travaillent est interrompu. « Depuis ce matin, c’est comme ça, et on nous demande de faire rentrer de l’argent », commente-t-il, les nerfs à fleur de peau. Il ronge ses ongles en attendant que ce fichu réseau marche à nouveau. Il est assis un fauteuil qui n’en est plus un. Les accoudoirs ne tiennent plus sur place et pis, les pieds menacent de céder. « Celui que j’avais était totalement foutu et je suis allé négocier celui-ci dans un autre bureau », explique-t-il.
Au centre des impôts de Bogodogo, les agents travaillent dans la promiscuité. Pas moins de 7 dans un même bureau. Le mobilier est dans un état lamentable et il faut slalomer entre les tables et les fils qui tapissent le sol pour parvenir à son siège.
« On ne devrait même pas avoir de délestages ici parce qu’il y a un groupe électrogène qui devrait assurer le relais. Mais, souvent, et vous ne pouvez pas l’imaginer, il manque de carburant pour le faire fonctionner. Quand il y a coupure, on attend et quand ça dure, on va prendre de l’air dehors », raconte un cadre de la maison.

Joachim Vokouma
Kaceto.net