La saison des pluies s’installe progressivement avec son corollaire d’intempéries. Cette année l’autorité sera ferme pour ce qui est des interventions de secours d’urgence dans les zones inondables. La ministre de la solidarité nationale par ailleurs présidente du Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR) Helène Marie Laurence ILBOUDO a précisé dans un communiqué publié fin juin 2018 que le CONASUR n’interviendra pas cette année dans les zones inondables dûment identifiées, pour la gestion des mêmes situations. Et souhaite que l’information soit diffusée à destination des populations concernées.

Pour comprendre cette fermeté gouvernementale, il faut se référer à la cartographie des risques et la liste des bénéficiaires des secours d’urgence ces dernières années. Si nous prenons l’exemple de Bissighin où les pluies diluviennes du 23 juin 2018 ont fait plus de 100 familles sinistrées (bilan dressé par le Conseiller municipal Roger NIKIEMA de l’arrondissement 8), les populations depuis 2009 ont été informées du risque réel encouru en s’installant très proche d’un passage d’eau. Lors des inondations du 1er septembre 2009, les familles qui ont vu leurs maisons écroulées ont reçu pour certaines des parcelles à Yagma et à Bassinko, pour d’autres des matériaux de construction.
Qu’avons-nous constaté plus tard ? Certains chefs de ménage ont vendu les parcelles reçues et sont revenus s’installer dans la zone inondable. Un habitant de la zone qui a requis l’anonymat nous a soufflé à l’oreille, que ces derniers après leur forfaiture « menacent même de démembrer avec une machette toute personne qui les dénoncera ». Autres situations rapportées par les riverains de la zone inondable toujours sous l’anonymat, il y a également « ceux qui ont rejoint les différents sites offerts par l’Etat et qui ont revendu leur terre ». Beaucoup de ces nouveaux occupants ignoraient que la zone était inondable, ces derniers aussi contribuent à grossir le lot des sinistrés chaque année. Mais les sinistrés balaient ces arguments du revers de la main. Ces arguments à eux seuls n’expliquent pas le cas de Bissighin. Le spectacle qu’offrait cette localité qui longe le principal cours d’eau était toujours des plus tristes après les pluies du 23 juin 2018 avec la trentaine de maisons écroulées.
L’occupation anarchique de ces zones inondables trouve ses origines dans le lotissement de 2002 du côté droit de Bissighin et la mauvaise gestion des dédommagements suite aux inondations du 1er septembre 2009. Ils sont toujours nombreux à Bissighin (nous y étions le 3 juillet 2018) qui jurent la main sur le cœur qu’ils n’ont pas eu des parcelles sur les sites de Yagma et Bassinko après les inondations de septembre 2009, les attributaires de nouvelles parcelles n’étaient pas tous des sinistrés. Les membres de la Commission de recensement à l’époque constituée pour la plupart de conseillers municipaux en ont fait un fonds de commerce faisant un recensement par affinité. « Ils n’ont recensé que leurs électeurs et leur parents et amis », accuse un sinistré de juin 2018.

La confusion née de la gestion de l’inondation du 1er septembre 2009
Au total, 42 000 maisons situées principalement dans les zones inondables et submersibles et construites avec du matériel non définitif ont été détruites selon le rapport général de fin de gestion des secours d’urgence suite aux pluies diluviennes du 1er septembre 2009 (plus de 300 mm d’eau de pluie s’était abattue sur la capitale en 12h). Dans le but de reloger les sinistrés l’Etat, avait dégagé 15 456 parcelles à usage d’habitation à Yagma et 14 096 parcelles à Bassinko. Beaucoup de sinistrés avaient pu être relogés dans ces zones. La décision du ministre de la Solidarité nationale, de ne pas intervenir dans les zones inondables identifiées comme telles cette année, n’est pas acceptée à Bissighin. Après les pluies du week-end des 23 et 24 juin 2018, le maire de la commune de Ouagadougou Armand Pierre BEOUINDE a fait le déplacement dans la zone pour réconforter les sinistrés et expliquer le bien-fondé de cette mesure gouvernementale. Aux populations, les risques encourus leur ont été expliqués par le bourgmestre de la capitale qui n’a pas omis de leur faire part des prévisions météo qui annoncent cette année des pluies diluviennes sur le Burkina. En tout cas, chacun a été mis devant ses responsabilités par le maire de la commune de Ouagadougou. « Cela fait 20 ans que nous sommes dans la zone, le passage d’eau n’était pas aussi large » confie Salifou KABORE un habitant de la zone que nous avons rencontré. « Après les inondations du 1er septembre 2009, l’Etat a envoyé une équipe pour recenser toutes les maisons écroulées. Il y en a qui ont été bénéficiaires de parcelles, ils sont partis d’autres sont revenus. Mais tous les sinistrés n’ont pas été bénéficiaires notamment les riverains du barrage qui n’ont pas vu leur habitation écroulée », poursuit-il. Pour lui chaque année, c’est la même rengaine, « tout ce que nous voulons, c’est que l’autorité vienne délimiter le lit du barrage et reloger ceux qui seront déguerpis ».
Moussa Zougouri, autre sinistré qui vit dans cette zone depuis 20 ans a vu sa maison écrouler le 1er septembre 2009 et n’a pas été recensé. Boureima DIANDA réside depuis 14 ans dans la même zone inondable, il n’a pas non plus été recensé en 2009 bien que sa maison se soit écroulée. Mais pourquoi ne veulent-ils pas partir après avoir vécu trois inondations majeures en ces lieux en 2009, 2015 et 2018 ? Pour eux la raison est simple, « nous n’avons pas où aller, si l’Etat nous attribue des parcelles ailleurs nous libèrerons les lieux », jure un sexagénaire.

Une délimitation des zones inondables s’impose

Les populations de Bissighin affirment ne pas savoir identifier les zones inondables dont la ministre de la Solidarité nationale fait mention dans son communiqué. Les balises n’ont pas été placées sur toutes les zones inondables si bien que les populations continuent de s’installer de façon anarchique du fait de la forte pression démographique. Après le lotissement du côté droit de Bissighin jusqu’à Yagma par la suite de Bassinko et de Zekounga, les populations qui n’arrivaient pas à avoir des parcelles se déportaient sur le côté gauche de la RN2 qui est en grande partie constituée de bas-fond. Ce n’est pas la zone inondable uniquement qui constitue le problème de Bissighin, il y a aussi ceux qui sont installés sur la ceinture verte (zone reboisée délimitée autour de la ville de Ouagadougou pour ralentir la désertification). Aujourd’hui, ce sont des marchés, des mosquées, des terrains de foot qui sont sur la ceinture verte, il convient de trouver une solution selon le conseiller municipal de Tanghin Dassouri, Daouda Zongo. « Montrez-nous les zones inondables et la bande verte parce que quand les populations construisaient, elles n’ont pas vu de bornes dans ces zones », se plaint un habitant.
« La zone inondable de Bissighin recouvre toute la bande du bas-fond sur deux kilomètres et il convient de la matérialiser. L’autorité doit vraiment prendre ses responsabilités », commente Roger Nikièma, conseiller municipal de l’arrondissement 8 et habitant de Bissighin. Chacun doit être mis devant ses responsabilités pour nous éviter d’autres drames à l’avenir. Pour lui, « la récurrence de ces inondations dans les mêmes localités nous conduit à proposer les solutions suivantes : les populations doivent arrêter de faire des dédommagements un fonds de commerce et l’autorité quant à elle doit urgemment délimiter et baliser toutes les zones inondables dans les principales villes ».

Félix Ouédraogo
Direction de la communication de la commune de Ouagadougou