La dernière étape de la caravane de presse dans le cadre de la campagne de sensibilisation « 100 jours pour convaincre sur la planification Familiale » qui a débuté le 22 juin dernier dans le Nord du Burkina s’est achevée le 9 juillet par la visite des villes de Garango, Béguedo, Boussouma, etc., dans la région du Centre-Est.

Dans ces villes comme dans les autres villes de la région, le taux de prévalence de la planification familiale est de 22,3%, un taux jugé bas et très inquiétant par les autorités, d’autant que dans le même temps, le taux d’avortement est élevé. D’après le médecin chef du district (MCD) sanitaire de Garango, Mahamoudou Kagoné, « dans le seul district de Garango, "on a enregistré pour l’année 2017 environ 146 cas de soins après avortement".
Qu’est ce qui pourrait donc expliquer un tel paradoxe malgré la vulgarisation des méthodes contraceptives dans la zone ? Les femmes préfèrent-elles avorter une fois enceinte que d’utiliser des méthodes contraceptives modernes ? Interrogé, le médecin-chef de Garango explique que la plupart des femmes qui habitent Garango sont des femmes dont les maris sont partis en aventure hors du pays, les laissant seules. Elles n’y voient donc pas la nécessité d’adopter les méthodes contraceptives et c’est ce qui pourrait expliquer le fort taux d’avortement. « Il y a des hommes qui laissent leurs femmes pendant des années, souvent 5 ans ou 7 ans sans revenir. Vous comprendrez qu’une femme qui a son mari à l’extérieur ne peut prendre des méthodes contraceptives car les familles et les proches ne verront pas cela d’un bon œil. Celles qui n’arrivent pas à s’abstenir ont des rapports qui se soldent souvent par des grossesses et des avortements clandestins", explique t-il.
Au vu de cette situation le MCD a confié que pendant la semaine de planification familiale (semaine PF) dans la localité, une stratégie de porte à porte a été mise en place pour convaincre les femmes d’adhérer à la planification familiale. Cette stratégie a porté ses fruits, toutes les femmes sensibilisées ayant toutes adhéré à la planification familiale durant la semaine.

Arrivés à la mairie de Garango pour y rencontrer les autorités, une affiche attire notre attention : la publication de bans pour l’union d’un homme résidant en Italie et une fille, tous deux de la commune . Encore une qui pourrait être "abandonnée" par son mari, parti loin à la recherche de la pitance !
Lorsque l’équipe caravanière a fait le point de la situation sur la planification familiale, le secrétaire général de la mairie de Garango, Saidou Sougué, dit être conscient que ce fort taux d’avortement est souvent dû à l’effet d’émigration des hommes, mais estime "qu’on ne peut pas les en vouloir, surtout que beaucoup vont chercher l’argent pour revenir investir dans la localité et subvenir aux besoins de leurs familles".
Sur place, on constate effectivement que de belles maisons y sont érigées par les migrants et qui en plus, apportent des dons aux structures sanitaires.
Après l’étape de Garango, l’équipe s’est rendue dans la commune de Béguedo, distante de quelques kilomètres, une ville connue pour ses belles maisons et le niveau de élevé de ses habitants. Dans cette localité, le constat est le même : environ la moitié des femmes n’ont pas leurs maris sur place, ce qui explique le faible taux d’adhésion aux méthodes contraceptives et le nombre élevé d’avortements, environ 40 avortements enregistrés depuis le début de l’année 2018 d’après Nadège Maiga/ Zerbo, sage-femme maîtresse du Centre médical de Béguedo. Elle explique qu’au district, on y reçoit des femmes mariées qui viennent pour des soins après avortements.
C’est la même situation qui prévaut dans le district sanitaire de Boussouma où le taux d’adhésion aux méthodes contraceptives est faible, 13% et beaucoup d’avortements. "Le faible taux est dû au fait que la majeure partie des femmes mariées n’ont pas leurs maris sur place et cela explique aussi les nombreux cas d’avortements provoqués », explique la sage-femme Aïda Rouamba/ Compaoré. "Quand le mari n’est pas là, la femme cherche un partenaire et quant elle tombe enceinte, la grossesse ne peut pas se poursuivre. Elle se rabat sur des médicaments traditionnels pour avorter », explique t-elle.

Rencontrée à Béguedo, Salimata Compaoré* confie que son mari est parti à l’aventure et n’y est pas revenu depuis quatre ans. Elle ne voit donc pas la nécessité d’adopter les méthodes contraceptives et déconseille les jeunes filles de faire comme elle, parce "ce sont des souffrances à répétition, malgré l’amour qu’elle a pour son mari".
Elle reconnait que l’argent et les cadeaux envoyés chaque fin du mois permet de vivre correctement, "mais le résultat est notre homme n’est pas là et c’est ce qui pousse souvent les femmes à commettre des erreurs".
La caravane de presse s’est rendue ensuite à Dialgaye et Gounghin, deux villes où le taux de contraception est aussi faible, mais pas pour les mêmes raisons. Ici, les croyances religieuses sont très fortes et les femmes faire recours aux méthodes naturelles de contraception.

* Le nom et le prénom ont été changés

Frédéric Tianhoun
Kaceto.net