Boris Laurence VINBAMBA est étudiant dans un programme de master de recherche en économétrie appliquée, première du genre au Burkina Faso, à l’Institut de Formation et de Recherche en Economie Appliquée THIOMBIANO.
Passionné de la finance, de la bourse et de l’intelligence économique, il a d’abord été consultant dans le cabinet UNIMAN avant d’être analyste au sein du groupe VARIANT. Il est également consultant indépendant en intelligence d’affaire et membre de l’Association Burkinabè de l’Innovation et de l’Intelligence Economique(ABIIE).
Dans la tribune ci-contre, il s’interroge sur les avantages que notre pays peut tirer de l’accord sur la Zone de libre échange continentale signé le 28 mars dernier à Kigali, au Rwanda, dans le cadre de l’intégration africaine, mais aussi des inconvénients qui pourraient en résulter au regard de la fragilité de notre tissu économique.

L’objet de cet écrit est d’examiner l’accord signé par le Burkina Faso pour intégrer le Marché commun africain, assorti de critiques objectives et de recommandations. La présente approche interpelle tout Burkinabè, voire tout Africain à mener une réflexion profonde sur une initiative qui aura des conséquences sur nos États et chacun de nous pris individuellement.
Le 21 mars 2018, 44 pays africains ont signé à Kigali un accord portant sur les fonts baptismaux la Zone de libre-échange continentale (ZlEC) avec des perspectives de PIB cumulé potentiel de 2500 milliards de dollars (source : Geopolis/Afrique Michel Lachkar). A l’évidence, je ne vise ni à remettre en cause cette décision historique pour notre pays d’adhérer à cette grande vision du continent, ni à faire la morale à nos dirigeants qui sont élus pour défendre les intérêts de nos populations.
Ma préoccupation concerne cette même population qui demeure le plus souvent dans la plus grande ignorance quant à ce genre de sujets. Ces lignes expriment juste le fond de mes pensées et mon humble appréciation sur une initiative inédite car il est important d’amener notre pays à tirer profit de cet accord au lieu de le subir. Il serait souhaitable que tous les Burkinabè qui s’intéressent aux questions stratégiques puissent mener des réflexions exhaustives sur les tenants et aboutissants de ce marché commun.
De prime abord, le marché commun est une union de deux ou de plusieurs pays décidant de supprimer ou de diminuer les différentes formes de barrières (tarifaire, et non tarifaires) en vue de faciliter la libre circulation des personnes, des biens et des services. Pourtant, le 20 mai 2016, Marcel Alain de Souza, alors président de la commission de la CEDEAO déplorait à Ouagadougou toutes les difficultés constatées dans la mise en œuvre efficace des tests juridiques du marché commun de l’institution régionale ouest-africaine. Il a mis en exergue l’existence d’une certaine réticence au sein des administrations publiques de certains pays et d’une corruption systémique qui gangrène nos différentes frontières. Peut-on réussir au niveau continental ce qu’on peine à réaliser au niveau régional ?
En allant dans ce vaste marché, le Burkina vise nécessairement une forte croissance économique à long terme. Mais peut-on atteindre une croissance soutenable quand on ne consomme en majorité que des biens importés ? Sont rares les modèles économiques qui auront une réponse positive. Cette intégration expose pourtant d’une manière ou d’une autre notre économie aux griffes acérées de la concurrence exacerbée et de la compétitivité sur toutes ses formes.
Ce vaste marché engendrera très certainement une course effrénée à la productivité pour tous les pays membres. En effet, grâce à l’ouverture douanière que recommande ce vaste marché, cela va entraîner inexorablement une entrée massive de biens de consommation étrangers sur le sol burkinabè, ce qui devrait normalement se traduire par une baisse des prix au profit des consommateurs. Serons-nous capables de contrôler la qualité de ces produits dont certains pourraient mettre en danger la vie et la santé des consommateurs ? Selon les dernières informations disponibles, seulement 18 commerces sur 433 contrôlés respectaient les prix, poids et qualité des produits de grande consommation. Certes, il est économiquement intéressant pour les consommateurs de bénéficier d’une gamme diversifiée de produits et de services sur son sol. Mais il serait beaucoup plus avantageux si nous en offrons également des biens et des services en dehors de nos frontières. Cela passe nécessairement par la redynamisation des industries existantes et la promotion de l’entreprenariat. Mais nous constatons que nos industries fonctionnelles ne sont même pas capables de satisfaire la demande nationale. En regardant les derniers chiffres disponibles, le Burkina Faso a un déficit commercial abyssal.
Notons au passage que cette ouverture douanière fait perdre à chaque pays une certaine marge de recettes annuelles en termes d’impôts et taxes divers, manque qu’il faudrait chercher à combler pour permettre à l’État de fonctionner et d’investir. Au Nigeria, le chef de l’Etat, sous la pression des industrielles, opérateurs économiques et hommes d’affaires, n’a pas adhéré à l’accord de libre-échange car estimant que son pays allait se faire envahir par les produits importés. Au Kenya, la politique protectionniste décidée par le président Uhuru Kenyatta en faveur de la production laitière nationale a réussi à la faire adopter par les consommateurs kenyans.
Nous pouvons donc nous demander si nous avons réussi jusqu’aujourd’hui à tirer profit de l’accord de libre-échange qui est déjà effectif dans la zone UEMOA depuis le 1er janvier 2015 : le Tarif Extérieur Commun (TEC).
En définitive, mon point de vue est simplement le suivant : l’urgence, c’est la définition d’une politique volontariste légitimée par l’ensemble des Burkinabè, même au-delà de nos frontières, à promouvoir le made in Burkina. Il s’agit de travailler à atteindre un sursaut patriotique pour faire déborder nos productions. Loin des discours, des séminaires et des colloques qui n’en finissent pas, les Burkinabè doivent aller à la conquête du monde en créant cet exceptionnalisme qui sera notre engagement à donner le meilleur de nous-mêmes. Il faut que la gouvernance actuelle soit réinventée de fond en comble. Au-delà des déclarations d’intentions, des recommencements perpétuels, il faut inventer le Burkinabè nouveau, un individu mieux apte à relever les défis de demain.

Boris Laurence VINBAMBA
Kaceto.net