Dans ce texte parvenu à notre rédaction, l’Union pour le progrès et le changement (UPC) s’en prend à la politique économique du gouvernement en dénonçant l’augmentation du prix du carburant et l’instauration de nouvelles taxes dès le mois de janvier 2019. Toutes choses, qui pour le premier parti de l’opposition conduiront à la baisse drastique du pouvoir d’achat des consommateurs et leur appauvrissement.

Le Burkina Faso fait aujourd’hui face à une situation de vulnérabilité économique, surtout budgétaire, sans précédent. Au-delà des discours mirobolants et de la bataille des statistiques, la population burkinabè, en l’occurrence la classe moyenne, assiste impuissante, ces derniers temps, à la chute vertigineuse de son pouvoir d’achat (baisse du salaire réel), résultant de la baisse des salaires nets (nouvelles taxes sur les salaires) combinée à l’augmentation des prix des biens et services de première nécessité (hausse du prix du carburant, nouvelles taxes sur les biens). Quant aux populations rurales (la paysannerie), elles ne savent plus à quel saint se vouer car croulant sous le poids d’une pauvreté endémique devenue particulièrement insupportable depuis l’arrivée de Roch Marc Christian Kaboré et du MPP (Mouvement du Peuple pour le Progrès) au pouvoir.
C’est dans ce contexte de marasme économique et budgétaire, que le Gouvernement envisage une réforme du système de rémunération des salaires dans la fonction publique pour restaurer, disent-ils, l’équité entre les travailleurs et ce, dès janvier 2019. Dans ce débat encore largement ouvert, l’on pourrait légitimement s’interroger ainsi qu’il suit :
Doit-on s’attendre à une baisse ou à une hausse des salaires des fonctionnaires en 2019, au regard de la situation sus-évoquée ?
Quelle stratégie dispose le Gouvernement pour ramener le ratio masse salariale sur recettes fiscales, de plus de 55% actuellement à 35% d’ici à 2021 afin de respecter la norme UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) édictée en la
matière ?
Quel niveau d’épargne nationale espérer afin d’assurer un minimum d’investissements afin de limiter le déclassement accéléré de notre pays, sans oublier la nécessité impérieuse d’un investissement conséquent en armements pour doter les FDS (Forces de Défense et de Sécurité) d’équipements adéquats dans le cadre de la lutte implacable contre les forces du mal ?
Dans ce contexte de montée rapide de la dépense publique et de faible niveau de mobilisation des recettes fiscales, le Burkina Faso pourrait-il faire face au service de la dette ? En d’autres termes, la dette intérieure et extérieure serait-elle soutenable au regard de l’affaissement des fondamentaux économiques du pays ?
Toutes ces questions, et bien d’autres, méritent d’être posées, analysées et comprises à temps par nos braves populations des villes et des campagnes, et cela assortie de stratégies claires, innovantes et résolument centrées sur l’homme, notamment avant les grandes échéances électorales de 2020. Une bonne compréhension de la situation actuelle des finances publiques du Burkina Faso et de la portée des mesures fiscales récentes prises par le Gouvernement peut nous permettre de prévoir le sort qui sera réservé aux travailleurs de la fonction publique dès 2019.

Finances publiques : le pouvoir du MPP a perdu le contrôle

Sous l’impulsion et la gestion des gouvernants actuels, le pouvoir du MPP, le ratio masse salariale sur recettes fiscales a atteint un seuil critique, estimé actuellement à plus de 55%, contre une norme de l’UEMOA fixée à 35%. Si aux dépenses du personnel, on y ajoute les autres dépenses de fonctionnement, notre pays n’a plus de marge de manœuvre pour financer un tant soit peu son développement (santé, éducation, infrastructures, sécurité…). Autrement dit, celui-ci va désormais dépendre presqu’entièrement de la charité et des prêts des autres pays pour financer son avenir. C’est le résultat du manque d’inspiration et de clairvoyance de la part du Gouvernement depuis 2016.
Par ailleurs, il convient de remarquer que le taux de croissance économique de 6% prévu pour 2018 a été revu à la baisse selon le rapport de la dernière mission du FMI (18 au 30 octobre 2018). En outre, le déficit budgétaire de 7,5% du Produit Intérieur Brut (PIB) (soit 7500 milliards de FCFA) observé en 2017 devrait rester élevé à 5% en 2018, selon les dernières prévisions du Gouvernement, contre 3% maximum fixé par les critères de convergence de l’UEMOA. Ce qui explique en partie l’annulation des dépenses publiques de plus de 200 milliards initiée par la dernière loi de finances rectificative de 2018.
Dans la loi de finances 2019, la masse salariale devrait passer de plus de 700 milliards actuellement à environ 836 milliards FCFA en 2019, selon le Ministre de l’Économie, des Finances et du Développement, Hadizatou Rosine Coulibaly/Sori.
On voit bien que la mauvaise situation financière du pays n’est pas prête de se stabiliser, ce qui sans doute aura indirectement des répercussions négatives sur le pouvoir d’achat des ménages.

Le régime MPP et la dégringolade du pouvoir d’achat 

Nombreux étaient les Burkinabè qui n’arrivaient pas à avoir deux repas par jour sous l’ancien régime. Cette situation s’est rapidement aggravée sous le régime MPP, avec l’arrivée de nouveaux pauvres occasionnés par la démultiplication des situations de précarité économique et la baisse du pouvoir d’achat. Pourtant, « Roch la solution » avait promis monts et merveilles au peuple, avec le fameux PNDES (Plan national de développement économique et social) qui est devenu "l’évangile" des thuriféraires et des laudateurs du gouvernement. À l’arrivée, le constat effarant dressé est que « la solution PNDES est devenue la quadrature du cercle des Burkinabè ».
D’abord, il convient de souligner que le pouvoir d’achat de la majeure partie des Burkinabè est dérisoire au regard des salaires nominaux qu’ils perçoivent, comparaison faite avec le coût réel de la vie au Burkina Faso. Nonobstant cela et contre toute attente, le Gouvernement a procédé, en conseil des ministres du jeudi 08 novembre 2018, à une augmentation, sans précédent, de 75 F CFA des prix à la pompe de l’essence et du gasoil, soit respectivement une hausse de 12% et 14% du prix du litre.
En sus de l’augmentation du niveau des prix du carburant et partant des produits et services de première nécessité, sans état d’âme, le Gouvernement a instauré au forceps en novembre dernier, la taxe de résidence aux citoyens des zones aménagées de la ville de Ouagadougou avec plusieurs irrégularités.
En effet, trois cas d’erreurs sont constatés comme suit : (1) les personnes imposables qui ont soldé leurs dettes mais qui continuent de subir des retenues à la source par les services des impôts ; (2) les femmes mariées qui ont été imposées alors qu’elles vivent sous le même toit que leurs époux qui ont déjà apuré leur crédit de taxe de résidence ; et (3) les fonctionnaires qui vivent dans des zones non-aménagées mais qui ont fait l’objet d’une imposition à la taxe de résidence. Il faut noter que cette mesure sur la taxe de résidence est appelée à s’étendre progressivement aux autres localités du pays.
Comme si cela ne suffisait pas au regard de la précarité des populations, le Gouvernement envisage dès 2019, d’instaurer de nouvelles taxes. Sont prévues dans ce cadre, la taxe sur les véhicules à moteur dont les tarifs sont fonction de la puissance administrative et de la charge utile des véhicules. Cette nouvelle taxe s’applique uniquement aux véhicules à quatre roues, parce qu’elle pourrait probablement être récupérée lors des visites techniques des véhicules. De plus, les maquis et autres endroits de débits de boissons seront dorénavant soumis aux impôts à travers la suppression de la contribution du secteur boisson. Autres mesures prévues, le rehaussement des tarifs des taxes sur les armes, les boissons non alcoolisées, les produits de parfumerie et des cosmétiques, sur le café et le thé. Seront également imposés, des prélèvements sur les billets d’avion de 40.000 francs CFA pour la classe affaires et 20.000 francs CFA pour la classe économique.
Au regard des mesures proposées par le Gouvernement en réponse aux difficultés financières qu’il connait, l’on voit aisément une réduction plus drastique du pouvoir d’achat des ménages dans les mois à venir (plus de baisse des salaires nets et de hausse des prix), eux qui croulent déjà sous le poids des difficultés financières et peinent à maintenir la tête hors de l’eau.
Dans la mesure où c’est la dégradation des finances publiques qui justifie les nouvelles mesures fiscales proposées par le gouvernement, on ne devrait pas s’attendre à une amélioration des salaires réels en 2019.

Réforme du système de rémunération des fonctionnaires de l’État : le piège du gouvernement

Il faut dire que lorsque les citoyens ne maîtrisent pas les rouages de la politique économique, les pouvoirs publics peuvent donner l’impression d’augmenter les salaires des travailleurs en provoquant une hausse des prix d’un taux supérieur au taux d’augmentation du salaire nominal. Les personnes non-avisées seront alors tentées de ne retenir que la hausse des salaires (la quantité de monnaie dont on dispose) et de ne plus voir la hausse, plus importante, des prix. Alors qu’ils subissent en réalité une baisse de pouvoir d’achat. C’est ce qu’on appelle l’illusion monétaire en économie.
C’est par ce stratagème que le gouvernement va tenter d’avoir les Burkinabè et faire passer ses réformes antisociales. En effet, en faisant baisser les salaires nominaux par les taxes multiformes et en augmentant les prix des biens et services de première nécessité, la réforme sur le système de rémunération des salaires peut consister à ramener tout simplement le salaire réel (le pouvoir d’achat) à son niveau initial, voire plus bas. Déjà, avec les taxes prélevées et celles en cours, une hausse de 5% des salaires (à titre d’hypothèse) risque de ne pas couvrir le manque à gagner du fonctionnaire. Sans compter la hausse du prix du carburant de 12-14% qui risque de créer une inflation de la même envergure.
Si les choses restent en l’état, la réforme sur le système de rémunération des salaires serait tout simplement une opération technique sans incidence positive sur le pouvoir d’achat des travailleurs.
Dans la mesure où les couches populaires sont aussi durement touchées par la cherté de la vie, il est nécessaire que des mesures de revalorisation de leur pouvoir d’achat soient prises. Cela n’est pas gagné ; en cause : l’absence d’anticipation et de réflexion stratégique impliquant tous les acteurs économiques de notre pays.
Au regard de ces éléments d’analyse, il convient de se convaincre que le Gouvernement est appelé à gérer ses propres contradictions en 2019. Il s’agit notamment de réussir l’objectif déclaré d’équité dans la fonction publique en réduisant les écarts de rémunérations tout en évitant de causer de nouvelles frustrations. Par exemple, résoudre ce problème par une revalorisation demanderait une hausse importante des salaires nominaux pour les uns, au regard des écarts criards induits par les statuts particuliers des autres. À ce niveau, même une hausse de 20% des salaires nominaux de ceux qui sont en bas de l’échelle des rémunérations ne saurait à elle seule être suffisante pour résoudre l’équation. Ensuite, la réduction du ratio masse salariale sur recettes fiscales de 55% à 35% ou moins, d’ici à 2021, exige soit une diminution des salaires, soit une augmentation des recettes, soit encore ces deux mesures à la fois. Mais, vu que l’augmentation des recettes ne peut se faire immédiatement et dépend de beaucoup de facteurs, le plus sûr pour le Gouvernement serait peut-être de tenter une réduction des salaires. Mais comment coupler cette mesure avec une trêve sociale ? Enfin, les mesures fiscales proposées par le gouvernement ont un effet dévastateur sur le pourvoir d’achat des ménages, surtout les couches défavorisées du Burkina Faso, le contraire de ce qui était recherché.
L’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) pense que le peuple burkinabè devrait rester vigilant et éviter d’être pris au piège de l’illusion monétaire que concocte le régime MPP, surtout en cette année 2019 à la veille des élections. Le Gouvernement cherche actuellement à amener les travailleurs à applaudir lorsque les mesures de la réforme du système de rémunération seront annoncées. En réalité, cette partie représente la face apparente de la manœuvre. Pour la face cachée, elle va consister à augmenter les salaires nominaux d’un taux inférieur ou égal au taux de prélèvement sur les salaires (taxes de résidence) et des autres taxes instituées auquel on ajoute le taux d’inflation. Au total, l’opération va aboutir à une diminution des salaires réels (pourvoir d’achat) des travailleurs, ou à leur stagnation dans le meilleur des cas.
L’UPC constate que le régime MPP a une vision étriquée de la politique budgétaire. En voulant gérer la masse salariale des fonctionnaires du pays sans vision globale, le Gouvernement crée plus de problèmes aux Burkinabè et rend leur vie davantage difficile. En effet, les Burkinabè aux revenus modestes (les couches populaires), et même la classe moyenne, vont dans les faits devoir payer plus cher pour leurs biens et services.

Propositions de solutions 

Pour atteindre son objectif, en plus d’élargir l’assiette fiscale en créant de nouveaux impôts, le gouvernement devrait vigoureusement et parallèlement prendre des mesures d’amélioration du système actuel. Il devrait en particulier mettre l’accent sur la réduction les niches fiscales et sur la lutte contre la fraude fiscale par la mise en place d’un véritable dispositif de contrôle fiscal et rendre plus opérationnels les agents de recouvrement. Le Gouvernement gagnerait plus de recettes avec les sociétés minières qui bénéficient de faveurs fiscales exorbitantes (taux d’imposition relativement faible) et des exonérations fiscales qu’avec les maquis et les bars qui risquent de fermer à tour de bras et mettre dans la rue leurs employés. À titre d’information, les exonérations fiscales sont estimées en moyenne à plus de 100 milliards de FCFA par an, ces dernières années.
Une rationalisation des dépenses publiques reste une partie importante de la solution, la moins coûteuse, pour accroître la marge de manœuvre financière du Gouvernement. Il est difficile de convaincre les Burkinabè aujourd’hui que les caisses de l’État sont vides, lorsque les citoyens observent tous les jours, un train de vie effréné des gouvernants (voitures de luxe, délégations pléthoriques pour les missions hors du pays, pré-campagnes déguisées aux frais de la princesse, locations intempestives et irrationnelles d’immeubles appartenant à des barons du régime pour des services d’État, nombre pléthorique de portefeuilles ministériels, etc.). Et que dire des institutions budgétivores, sans valeur ajoutée au développement du pays, créées pour caser des amis, des parents et connaissances ? À cet égard, le Haut Représentant du Chef de l’État, le Haut Conseil pour la Réconciliation Nationale, le Conseil Économique et Social, le Médiateur du Faso, pour ne citer que celles-là pourraient être supprimées, à l’instar du rejet du Sénat par les Burkinabè.
Toujours dans le sens de rationaliser les dépenses publiques et au regard des difficultés financières que connaissent certaines sociétés d’État, beaucoup plus liées à la mauvaise gestion, notamment la SONABHY, l’UPC invite instamment le gouvernement à engager des réflexions avec les compétences nationales afin de limiter l’hémorragie financière des sociétés d’État et prendre les mesures idoines qui s’imposent.
La vérité est qu’aujourd’hui, la gestion sans vision du pouvoir par le MPP et ses alliés a conduit notre pays dans des incertitudes économiques que le gouvernement veut faire supporter par le pauvre citoyen désemparé.

Pour le bureau politique National
le Secrétariat chargé de l’Economie, du
Développement et de la Planification