Candidat à sa propre succession, le président sénégalais Macky Salla a été réélu dès le premier tour le 24 février avec 58,27% selon les décomptes de la Commission de recensement des votes. Mais les résultats sont contestés par ses concurrents et mis en doute par une bonne partie de l’opinion sénégalaise, dont l’auteur du texte ci-contre.

Une victoire est avant tout, belle. Elle se fête, elle se mérite mais elle ne se décrète pas. Et Macky Sall n’a ménagé aucun effort pour se faire déclarer réélu à l’issue de la présidentielle du 24 février dernier, l’élection la plus controversée de l’histoire du pays. Un scrutin dont les résultats ont leur place dans la corbeille de l’histoire politique du Sénégal.
En effet. Jusqu’ici perçu comme un modèle de démocratie et une référence en matière d’élections, le Sénégal vient de basculer dangereusement dans le lot des pays aux scrutins contestés, où le vote peut être détourné, avec toutes les conséquences politiques que cela pourrait engendrer. Mais ce détournement supposé des suffrages, des experts devront le prouver, étant donné la suspicion latente car même dans l’entourage des membres de la majorité présidentielle, la gêne se fait sentir à tous les niveaux. L’heure n’est pas aux réactions euphoriques dans les rues de Dakar comme en 2012.

Mais de quoi ont-ils honte ? D’avoir triomphé sans gloire ou d’avoir réussi à se positionner comme les auteurs de la fin d’une exception, de l’exception sénégalaise qui faisait tant notre fierté à tous ? Pourtant, obtenir un second mandat ne devrait pas être si compliqué pour un président de la république après une première élection à 65% des suffrages il y a seulement 7 ans. Avec les 58,27% dont le crédite la commission de recensement des votes, Macky Sall doit se regarder dans le miroir et dire aux Sénégalais, les yeux dans les yeux, que c’est eux qui l’ont réélu sous fond de contestation et de rejet massif. En 2019, il est le président de la république déclaré, légal, mais il a fini d’être le président légitime qu’il fut en 2012.

Si jusqu’ici chaque sénégalais pensait qu’avec une carte d’électeur il pouvait exercer sa souveraineté et choisir librement, et que son vote sera respecté, ces élections ont fini de convaincre que le suffrage, désormais, est passible d’être détourné. Que s’est-il passé depuis dimanche soir ? Pourquoi toute cette attente longue à déclarer une « victoire » au goût si insipide ? Ces résultats proclamés par le juge Demba Kanjdi sont loin de refléter le choix des Sénégalais à la lumière des tendances observées dimanche soir et qui habituellement, se confirment dans les heures qui suivent la fermeture des bureaux de vote, et non 96 heures après. Désormais, le citoyen sénégalais qui croyait à la puissance de sa carte d’électeur, peut la jeter à la poubelle, s’il n’est pas tenté de la brûler comme le recommande un ancien chef de l’Etat.

En 2000, Diouf avait félicité Wade. Et Wade en 2012 n’a pas hésité à en faire de même pour Macky. Mais en 2019, Macky devra se féliciter lui-même d’avoir réussi à se faire déclarer réélu à une majorité entachée de suspicion et de tricherie.

Momar Mbaye - Seneweb.com