Du 17 au 21 mai, la caravane de presse sur les mariages précoces était dans le Centre-Est, une région où, plus qu’ailleurs, le phénomène a atteint des proportions inquiétantes.

Le Burkina Faso et six autres pays de la sous-région (Cote d’Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad, et Bénin) ont souscrit au projet sous régional « Autonomisation des femmes et dividende démographique au sahel (SWEDD) », financé par la Banque mondiale et dont objectif est d’accélérer la transition démographique afin de créer les conditions de la réalisation du dividende démographique et la réduction des inégalités entre les sexes dans la région du Sahel. Il comporte des sous-projets dont l’un dénommé « Sukaabé Rewle » ou lutte contre le mariage d’enfants mis en œuvre par le ministère de la Femme, de la solidarité nationale de la famille et de l’action humanitaire.
Sukaabé Rewle est une vaste campagne de sensibilisation de plaidoyer à travers une caravane dans 15 communes de trois régions, la Boucle du Mouhoun, les Hauts Bassin et le Centre Est. Lancée le 05 mai 2019, ladite campagne de sensibilisation a parcouru des régions comme la Boucle du Mouhoun ainsi que les Hauts-Bassins, avec différents organes de presse pour s’imprégner des réalités dans ces régions en matière de mariage précoces des jeunes filles. La dernière étape de cette campagne a eu lieu dans la région du Centre-Est, ou l’équipe presse de la caravane s’est rendue dans des localités comme Bissiga, Dourtenga, Bagré et Bané pour s’imprégner de la situation qui y prévaut. C’était du 17 au 21 mai 2019.

La région du Centre-Est bat le record en matière de mariage précoce des jeunes filles. « 248 cas de mariages précoce enregistré dans le Centre-Est entre 2016 et 2019. C’est la situation qui prévaut dans la région, d’après le gouverneur de cette région, Antoine Ouédraogo. A en croire Marie-Thérèse Sombougma, directrice régionale en charge de la Femme, de la solidarité nationale, de la famille et de l’action humanitaire du Centre-Est, cette situation peut s’expliquer par le fait que la région comprend diverses ethnies qui pratiquent beaucoup les mariages précoces. Selon elle, de nombreuses causes explique ce phénomène dans la région. Dans la commune de commune de Bissiga, les autorités religieuses notamment les musulmans affirment que le mariage précoce de jeunes filles existe belle et bien dans la localité. Selon le président de la communauté musulmane de Bissiga, el Hadj Mahamadi Delma, cela s’explique par le fait que souvent les parents ne prennent pas le soin de vérifier l’âge de la fille en question avant de la marier. Il confie que depuis que les conséquences de cette pratiques sont maintenant connues, des campagnes de communications sont menées auprès des fidèles afin qu’ils y renoncent car elle cause du tort aux jeunes filles, notamment les complications lors de l’accouchement, etc. Il espère que la caravane de presse contribuera à renforcer le travail fait par les responsables des communautés musulmanes de la localité.

Quant à la communauté catholique, elle soutient que le phénomène tend à disparaître depuis 2014 dans la commune. Cathéchiste de Bissiga, Cyprien Minoungou
témoigne : « A mon arrivé ici en 2014, j’ai appris que la pratique qui existait, c’était des échanges de fille ; je donne ma petite sœur en mariage à une famille, qui en retour me donne également leur fille et même si celle-ci est encore mineure. Dans l’Eglise catholique, nous avons combattu le mariage de jeunes filles puisqu’il y en avaient qui étaient seulement âgées de 13 à 14 ans . Vous savez que chez nous, pour célébrer un mariage, il faut avoir des papiers qui attestent que les conjoints ont bien 18 ans. Si la fille n’a pas l’âge requis, le mariage ne peut donc pas être inscrit ».
Interrogé sur la question, Raymond Paré, directeur provinciale de la femme, de la solidarité nationale, de la famille et de l’action humanitaire du Koudpelogo reconnait aussi que le phénomène persiste malgré les nombreuses campagnes de sensibilisation. « Le mariage d’enfant se traduit par des échange de jeunes filles ou par des rapts consistant à enlever une fille qui va souvent à l’école, de force pour aller l’épouser ", explique t-il. « Lorsque notre service est saisi d’un cas, nous confins la fille à une famille d’accueil afin d’entamer la médiation avec les parents ».
Depuis 2019, une quinzaine de cas a été traité. Dans la commune de Dourtenga, l’imam Segueda Hamadou confie que la communauté musulmane ne vérifiait pas l’âge des jeunes filles avant de célébrer le mariage, ce qui explique ce fort taux. « Avant, lorsqu’on célébrait les mariages, on ne se préoccupait pas de savoir l’âge des futurs mariés, mais maintenant que l’équipe de la caravane nous a sensibilisés sur les conséquences des mariages précoces, nous avons pris l’engagement de nous renseigner désormais sur l’age des conjoints et même de nous rassurer que les deux sont consentantes », a t-il raconté aux journalistes.

Qu’en est de la position des leaders coutumiers sur le sujet ?
Selon Naaba Boulga, chef de Canton de Dourtenga, la coutume a toujours été indexée pour cette pratique de mariage d’enfant, « pourtant nous combattons le phénomène ». Il accuse les parents de ne pas écouter les conseils qu’on leur prodigue et mais ils e cachent toujours pour continuer cette pratique. Il confie que les chefs coutumiers sont organisés en association pour combattre le phénomène.
Dans la commune de Bagré et de Bané, le mariage précoce des jeunes filles est tout aussi déplorable. Les causes sont identiques à celles des autres communes de la région.
Toutes les autorités rencontrées lors de la caravane ont pris l’engagement de combattre sans relâche cette pratique qu’ils réprouvent.

Frédéric Tianhoun
Kaceto.net