Afin de renforcer le processus de démocratie engagé dans notre pays, de nombreuses institutions ont été créées et mises et place. Reste que leur efficacité dans la recherche de solutions aux problèmes qui frappent notre pays est plus que douteuse.
Notre chroniqueur pointe du doigt la vacuité de ces institutions par ailleurs hautement budgétivores.

Pour tout observateur attentif, il y a des sujets inépuisables dans nos pays.
De ceux-là, font incontestablement partie, l’accaparement des ressources par l’élite politico-administrative, les grands commerçants abusivement appelés opérateurs économiques, et le dévoiement de l’idée même de démocratie.
Ainsi, les tribulations des partisans de la construction du nouveau CHU de Bobo-Dioulasso dans la forêt classée de Kua ont une fois de plus jeté une lumière crue sur l’ineffectivité de nos lois et nos institutions Potemkine.
L’expression "village Potemkine" vient d’un événement historique de 1787 dans lequel le ministre russe Grigori Potemkine aurait fait construire de luxueuses façades à base de carton-pâte afin de masquer la pauvreté des villages lors de la visite de l’impératrice Catherine II en Crimée en 1787."
Bref, un trompe-l’œil construit à des fins de propagande extérieure qui ne trompe personne dans le pays.

Dans ce cas d’espèce, nous avons :
 des lois y afférentes ;
 un président du Faso ;
 un gouvernement ;
 une administration centrale ;
 des administrations locales ou déconcentrées ;
 un maire central de Bobo-Dioulasso et son conseil municipal ;
 des maires d’arrondissements de Bobo-Dioulasso et leurs conseils municipaux ;
Mais pour le maire, ce sont "les dix chefs de village qui composent la ville de Bobo-Dioulasso" qui tiennent lieu d’étude d’impact et d’enquête d’utilité publique. Et tant qu’à faire, sont également l’instance de délibération sur un tel dossier… Pourquoi se gêner ?

Le fait que la bronca soulevée par cette affaire ait obligé les autorités à se donner au moins la peine de faire semblant de respecter les règles et les procédures ne change en rien au fait que cela n’est pas leur réflexe naturel.
Les institutions sont de plus en plus systématiquement dépouillées de leurs prérogatives au profit des “personnes ressources” et des “forces vives de la nation”, au mépris du droit et en dehors de tout cadre institutionnel.
Il est d’ailleurs très intéressant de remarquer que c’est le président français François Mitterrand qui, en 1982, a popularisé cette expression "forces vives de la nation" ; pour désigner les citoyens contribuant à améliorer la société par la vigueur de leurs engagements, quelqu’en soient les secteurs : social, environnement, sport, éducation, recherche, etc.
Les "forces vives de la nation" ne sont donc pas antinomiques ou en concurrence avec les institutions, mais viennent en renfort des institutions. En principe du moins !
Or, force est de constater qu’il en va tout autrement sous nos cieux.

Le paradoxe, c’est que dans le même temps, on multiplie la création d’institutions Potemkine et de comités Théodules. La lecture du Rapport Général de la Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation (sic) sur le système de rémunération des agents publics de l’État, tenue à Ouagadougou du 12 au 14 juin 2018 est fort passionnante.
Le format de ladite conférence, boycotté par certains syndicats dont l’action avait pourtant provoqué sa tenue, pose déjà question.
Selon les termes du gouvernement, la conférence avait pour but “de mobiliser et capitaliser toutes les intelligences et sagesse des forces vives de la Nation vers la recherche de solutions durables à la problématique de la rationalisation du système de rémunération des agents publics de notre pays”.

Parmi les recommandations de cette conférence, figurent au chapitre “ Réduction du train de vie de l’Etat “, entre autres :

● supprimer certaines institutions de la République telles que le CES, le Médiateur du Faso, le HCRUN et le Haut Représentant du Président du Faso ;
● adopter et mettre en œuvre le plan d’actions de la politique immobilière de l’Etat ;
● rationaliser les établissements publics de l’Etat (EPE) et optimiser leurs charges de fonctionnement ;
● procéder à une réorganisation institutionnelle des départements ministériels pour une mise en cohérence avec le budget programme (réduction du nombre et réorganisation).

L’examen de la liste des institutions ciblées est extrêmement instructif quant aux luttes d’influence au sein du pouvoir, car à l’évidence, ce sont les personnes à leur tête qui étaient visées.
En effet, ces institutions ne dysfonctionnent pas plus que d’autres et sont loin d’être les plus budgétivores ! De plus, début mai, face aux multiples revendications des travailleurs et des syndicats que cette joyeuse sauterie n’a visiblement pas suffit à calmer, le gouvernement a mis en place un Haut conseil du dialogue social (HCDS). Une institution composée de représentants du gouvernement, des employeurs et des travailleurs. Sa mission serait d’instaurer le dialogue social entre les travailleurs et le gouvernement, afin de régler les conflits sociaux du monde du travail ou de les prévenir. Un comité Théodule de plus, mais moins décrié celui là, curieusement…
Il faut dire qu’il est présidé par un cacique du parti au pouvoir contrairement aux institutions vouées au gémonies et aux velléités de suppression !

Curieusement, l’Assemblée nationale ne figure pas parmi les institutions inutilement coûteuses que la Conférence nationale sur les rémunérations des agents de l’État préconise dans ces conclusions, de supprimer ...
Au contraire, Le Médiateur du Faso y figure !
À mon avis, au vu du fonctionnement réel de nos institutions et de notre pays, c’est un non sens. Selon l’article 84 de la constitution du 11 juin 1991 (version du 11 juin 2012) : "Le Parlement vote la loi, consent l’impôt et contrôle l’action du Gouvernement conformément aux dispositions de la présente Constitution."
[loi de révision du 11 juin 2012]
Pour ce qui est de votre assemblée, il y a peu ou pas de projets de loi d’initiative parlementaire. Et les projets de loi du gouvernement sont votés comme un seul homme par la majorité parlementaire, et rejetés aussi unanimement par les députés de l’opposition.
Or, la même constitution stipule en son article 85 que "Tout mandat impératif est nul. [...] Tous les membres du Parlement ont voix délibérative. Le droit de vote des parlementaires est personnel. [...]
Quant au consentement de l’impôt et au contrôle de l’action du gouvernement, le feuilleton de la crise du MINEFID a permis au grand public de découvrir ce qu’il en est réellement. Or, les résultats aux élections législatives sont la principale clé de répartition du "National Cake" comme disent les Nigérians, exacerbant ainsi les tensions jusqu’au sein des populations.

Les députés par ailleurs, tout comme les populations du reste, confondent le rôle du député et celui de représentant des intérêts de leurs circonscriptions qu’il n’est pas sensé être. l’Assemblée nationale au vu de son rapport coût/bénéfice devrait donc être la première institution qu’on doit supprimer et de toute urgence, vu les tensions communautaires qui tiraillent le pays.

Les municipalités, surtout depuis la décentralisation ratée, sont encore plus des facteurs de division que les députés. La plupart des maires, à quelques exceptions notables près comme feu Arba Diallo, ne sont pas les architectes du développement de leurs villes.
Ils ne sont que les représentants des partis politiques dont tous les chefs sont à Ouagadougou. Du reste, la moitié des maires du Burkina habitent également à … Ouagadougou !
La raison en est simple : on préfère voter pour le "fils du coin" même s’il n’habite pas là, plutôt que pour un "halogène" parfois installé depuis des générations et impliqué dans la vie de la ville ! Cela a abouti aux nombreux incidents lors des dernières élections municipales. Karanguasso-Vigué et Saponé n’étant que les cas les plus emblématiques.
Ces municipalités ainsi que la décentralisation telle que mise en œuvre, versent de fait de l’eau au moulin de ceux qui, de plus en plus nombreux, pensent que la démocratie libérale n’est pas faite pour l’Afrique !
Pourtant, des exemples de démocraties exemplaires existent en Afrique. Le Botswana par exemple !

Maixent Somé
Analyste politique
Kaceto.net