Père de l’indépendance de son pays obtenue de haute lutte en 1980 et grand militant
panafricaniste, Robert Mugabe avait été destitué en 2017. Il vient de tirer sa révérence à l’âge de 95 ans

L’ancien président zimbabwéen Robert Mugabe, qui a dirigé le pays de 1980 à 2017, est décédé à l’âge de 95 ans, a annoncé vendredi 6 septembre le chef de l’État, Emmerson Mnangagwa. « C’est avec la plus grande tristesse que j’annonce le décès du père fondateur du Zimbabwe et de l’ancien président, le commandant
Robert Mugabe« , a déclaré Emmerson Mnangagwa, avant de poursuivre : « Le commandant Mugabe était une icône de la libération, un panafricain qui a dédié sa vie à l’émancipation (…) de son peuple. Sa contribution à l’histoire de notre nation et de notre continent ne sera jamais oublié. Que son âme repose en paix ».
Un hommage qui se veut sincère et plus que mérité, car avant d’entamer une carrière d’apprenti dictateur dans les années 2000, Robert Mugabé a été un combattant de la liberté et de l’indépendance de son pays, l’ex Rhodésie du Sud.
Avec des camarades de la ZANU-PF, il a milité pour arracher l’indépendance du Zimbabwé en 1980, un événement vécu dans la liesse et la fierté sur tout le continent africain et célébré par l’immense star de reggae Bobo Marley avec son titre "Zimbabwe".

Dès les premières années de son long règne, Robert Mugabé ménage les anciens colons qui, comme en Afrique du Sud, détiennent des pans entiers de l’économie. Il parle d’unité nationale et de réconciliation. Un discours qui plait aux Occidentaux et surtout à la population blanche qui redoutait que leurs privilèges acquis parfois dans l’injustice soient fondamentalement remis en cause.
Mais cette politique atteint très vite ses limites. La pauvreté qui frappe durement les Zimbabwéens, les inégalités sociales et accaparement des meilleures terres par les fermiers blancs créent des frustrations et des mécontentements généralisés de la population. Le statut quo devient intenable.
Au tournant des années 2000, Robert lance la réforme agraire visant à redistribuer équitablement les terres et permettant aux paysans d’augmenter leurs productions.
Reste que cette réforme a pris un tour très politique sur fond de népotisme. Des barons du régime qui n’ont qu’une idée poétique de l’agriculture acquièrent de grandes surfaces agricoles et dont, malheureusement ils sont incapables de mettre en valeur.
Résultat, une chute brutale de la production de biens agricoles et une tension alimentaire qui frappe des milliers de Zimbabwéens. Le gouvernement est contraint de consacrer d’importantes ressources financières pour importer des céréales pour nourrir la population. La gestion économique est pour le moins cahoteuse avec un taux d’inflation qui donne le tournis...1000% !
Au plan politique, Mugabe qui se montre incapable d’apporter des solutions aux problèmes de ses compatriotes se raidit ; il accepte de moins en moins les critiques des opposants qu’ils rangent dans le camp des ennemis et valets locaux de l’impérialisme.
A l’occasion de l’élection du président du parlement en mars 2008, Lovemore Moyo, le candidat du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai bat à plate couture Paul Themba Nyathi, le candidat présenté par la faction dissidente du MDC dirigée par Arthur Mutambara et soutenu par le parti de Mugabé, l’Union nationale africaine du Zimbabwé-Front patriotique (Zanu-PF).

Dans son propre camp, des grincements de dents de certains cadres de la ZANU-PF face à la dégradation du climat social deviennent carrément une opposition ouverte ; le leadership du camarde Bob est remis en cause. Robert Mugabe fait la sourde oreille. De fait, il a entamé une carrière de dictateur et de mégalomanie que la présence de sa jeune épouse, Grâce ne contribue pas à modérer.
Dans la nuit du 14 au 15 novembre 2017, des officiers supérieurs de l’armée fomentent un coup d’état, le démettent et installe Emmerson Mnangagwa, un de ses bras droit qu’il avait limogé auparavant.
Les nouveaux chefs du Zimbabwe lui accordent toutefois une retraite paisible en prenant en charge l’essentiel de ses besoins.
Très vite, son état de santé, qui n’était guère meilleur, s’est vite dégradé en raison sans doute de l’inactivité dans laquelle il s’est retrouvé après des décennies au service son pays.
Il laisse à la postérité l’image d’un patriote qui a consacré une bonne partie de sa vie au combat pour la liberté et le bonheur de son peuple.

Dominique Koné
Kaceto.net