Catastrophes naturelles, terrorisme, criminalité transfrontalière, cybercriminalité, trafics d’êtres humains, conflits de type nouveau sur un mode asymétrique, etc., autant de menaces auxquelles les Etats, particulièrement ceux d’Afrique, par manque d’expertise, ne prennent pas toujours les bonnes décisions

Réservoirs à idées, groupes de pression, regroupements d’experts indépendants produisant des analyses à destinations des gouvernements ou des privés, créateurs d’opinion, etc., les think thanks sont devenus des acteurs majeurs de la vie politique internationale. Ils jouent un rôle fondamental dans la compétition économique et la volonté de puissance qui structure les rapports entre les Etats, puis entre les gouvernants et les citoyens. D’après François-Bernard Huyghe, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (France), les think thank sont « des organisations dotées d’une certaine surface, d’un certain personnel, d’une certaine indépendance et produisant des publications, des interventions, des consultations... ». Relevant en principe du droit privé, les think thank regroupent des experts dans un domaine précis qui entendent peser sur les affaires publiques par leurs productions.
A en croire le département « Think Tanks and Civil Societies Program » de l’université de Pennsylvanie, en dénombrait 6603 think tanks en 2012, dont 30% en Amérique du Nord, 27,5% en Europe, 16,7% en Asie, 10,8% en Amérique latine et aux Caraïbes, 7,5% en Afrique du Nord et au Moyen Orient, 7% en Afrique subsaharienne et 0,5% en Océanie. Pour le cas de l’Afrique subsaharienne, les trois premiers se trouvent en Afrique du Sud.
Comme ailleurs, le continent africains brille par son manque de centres de réflexions, d’analyses et d’anticipation, d’où l’incapacité des gouvernements à prévenir certains évènements ou à trouver des solutions pertinentes face à des situations de crise.
Dans un monde de plus en plus complexe et interdépendant, où pour paraphraser Edward Lorenz, le battement d’ailes d’un papillon au Katmandou (Népal) peut provoquer une tornade à Toma (province du Nayala), il n’est plus possible, pour les pouvoirs publics, de naviguer à vue.
Reste que le défi de la création de centres de recherche, d’analyse et de prospective à finalité politique ne peut être relevé que par des structures privées.
Après plusieurs années de réflexion et de contacts informels, un groupe d’experts militaires, paramilitaires et d’universitaires a décidé, sous le leadership du colonel Auguste-Denise Barry, ancien ministre de la Sécurité sous la Transition, de créer un Centre d’Etudes Stratégiques en Défense et Sécurité(CESDS), avec comme devise : « Penser une nouvelle Afrique au rendez-vous de l’Histoire ». Tout un programme !
Selon les promoteurs de ce Centre unique en Afrique noire francophone, son but est de « concevoir et de proposer des stratégies dont la mise en œuvre contribueront à performer les outils de défense et de sécurité au Burkina Faso, en Afrique et ailleurs ». Organisme à statut associatif reconnue en août dernier, le CESDS se veut un lieu de recherches spécifiquement consacrées aux problématiques de défense et de sécurité avec l’ambition de relever les défis sécuritaires qui se posent au Burkina Faso en particulier, et au continent africain en général. Sa vision repose sur « le renforcement des capacités des décideurs, des outils de défense et de sécurité des Etats, des organes dédiés au secteur de la défense et la sécurité au niveau des organisations sous régionales et régionales, des ONG et autres structures intervenant dans la défense et la sécurité, des acteurs de la société civile, etc. »
Son ambition est d’être un « centre de savoirs », un « laboratoire d’idées » exerçant un leadership technique et intellectuel dans le domaine qui est le sien, et surtout, être un outil pertinent d’aide à la décision au service du développement national, de la paix et de la sécurité régionale.
Animés par des experts ayant une expérience de terrain dans le domaine de la sécurité et du maintien de la paix, le « CESDS est enfin une dynamique nationale ouverte sur la région africaine et l’international, dans la mesure où la frontière entre les défis nationaux, ceux régionaux et internationaux a volé en éclats avec l’ubiquité des menaces ». Plus spécifiquement, le CESDS veut « apporter une assistance à la mise en œuvre des stratégies étatiques, non-étatiques, institutionnelles et non-institutionnelles en matière de défense et de sécurité, à travers l’assistance technique d’experts, des stages de formation et éventuellement l’apport d’équipements de base de gestion et de suivi » et « soutenir l’enseignement supérieur militaire, paramilitaire et civil ».
Pour atteindre autant d’objectifs, le Centre mettra en œuvre des programmes d’activités spécifiques visant la production d’études internes et sur commande venant des Etats ou des organisations internationales.
Organisation à but non lucratif, le Centre se gardera de toute activité syndicale, politique ou religieuse et préservera son indépendance vis-à-vis des pouvoirs, partis politiques ou de groupes d’intérêts. Pour cela, ses promoteurs s’emploieront à mobiliser les ressources humaines et financières nécessaires à son fonctionnement afin d’assurer une liberté académique et universitaire nécessaire à la production intellectuelle prospective, orientée vers les décideurs politiques.
Dès son lancement prévue dans quelques semaines à Ouagadougou, le CESDS, dont le siège est dans la capitale burkinabè fonctionnera sur des Pools d’études spécialisés, notamment sur la recherche en défense et sécurité, puis en droit et sécurité humaine. Il se dotera d’une bibliothèque, d’une revue dont la périodicité n’est pas encore fixée et d’un pool communication et Relations publiques.

Joachim Vokouma
Kaceto.net