L’annonce faite à Abidjan par les président ivoirien Alassane Ouattara et français Emmanuel Macron sur la réforme du FCFA suscite des interrogations chez beaucoup d’Africains. D’autant que les propos du président ivoirien n’épousent pas dans le fond le projet de création de l’ECO, la monnaie d’Afrique de l’ouest, comme le montre l’analyse ci-contre du juriste Illy Ousséni

1) Quinze pays (CEDEAO) se mettent d’accord pour créer une monnaie unique qu’ils ont décidé d’appeler Eco et avec un chronogramme de mise en œuvre bien établi (même s’il n’est pas toujours respecté) ;

2) Tout à coup, 8 d’entre eux (UEMOA, encore faut-il qu’il soit démontré qu’il s’agit vraiment des 8, puisque l’annonce a été faite par le président Ouattara seul, en compagnie du président français) décident, de façon unilatérale, de rebaptiser leur monnaie controversée du même nom (Eco).

La question légitime que l’on est en droit de se poser est de savoir, cet « Eco » (qui vient d’être lancé à Abidjan), est-il celui projeté par la CEDEAO ou s’agit-il d’un autre (nouvelle monnaie UEMOA) ?

Ce télescopage (voulu à dessein ?) dénature complètement le projet de la CEDEAO, s’il ne le compromet pas tout simplement. En lieu et place d’un processus inclusif et endogène comme voulu au départ, on se retrouve avec un « Eco » décidé par l’UEMOA (ou plus exactement par la Côte d’Ivoire et la France) auquel on demande maintenant aux autres pays de la CEDEAO d’adhérer ; toute chose qui me semble inimaginable pour certains pays comme le Nigéria, que je vois mal adhérer à une monnaie dont les termes ont été fixés par la Côte d’Ivoire et la France. On est donc parti pour une division des pays de la CEDEAO entre d’une part, ceux qui vont accepter cette nouvelle donne et d’autre part, ceux qui vont la rejeter, mettant ainsi un terme au processus de l’Eco (le vrai).

Concernant les réformes qui ont été annoncées à Abidjan, il ne s’agit en réalité que de la poudre aux yeux. On nous dit que le compte d’opération au Trésor français sera fermé, que la BCEAO pourra désormais placer ses devises où bon lui semble, et que les derniers représentants français dans les instances de la BCEAO se retireront, etc. Certes, il s’agit là de progrès, mais cela ne change rien dans le fond quant à la mainmise de la France, ce d’autant plus que cette dernière demeure le garant (comme c’était le cas sous le CFA) de la « nouvelle » monnaie.

En décidant de recourir à la France comme garant de la stabilité et de la convertibilité de l’ « Eco UEMOA », cela traduit deux choses (qui ont d’ailleurs toujours prévalu sous le FCFA) :

Premièrement, l’incapacité de nos dirigeants à assurer encore, 60 ans après les indépendances, la stabilité et la convertibilité d’une monnaie (même étant réunis à 8 !). Cela est simplement honteux. Même les plus petits pays africains arrivent à gérer leur monnaie en toute indépendance et en toute responsabilité, sans avoir besoin du secours de leurs maîtres d’hier.

Deuxièmement, comme le mot « altruisme » n’existe pas dans le vocabulaire des relations internationales, il est hors de question que la France prenne la responsabilité d’assurer la garantie de notre monnaie (toute chose qui a un coût pour elle) sans aucune contrepartie (qu’elle soit économique ou politique). Le chemin reste donc encore long.

Illy Ousséni ; l’Université Ouaga2 , juriste consultant