Retour au pays de tous les exilés politiques et autres qui le souhaitent, recours préalable à la justice traditionnelle dans certains cas, condamnation expresse par l’autorité publique des incendies et autres destructions lors de l’insurrection populaire et du coup d’Etat, contrition publique de la part des acteurs de l’insurrection et de la part des acteurs de l’ancien régime initiateurs du projet de modification de l’article 37 de la Constitution et de la mise en place d’un Sénat, etc., voici, entre autres, les mesures proposées par un collège des sages et de personnalités burkinabè pour parvenir à la réconciliation nationale.

Considérant que la réconciliation nationale et la paix sont devenues cruciales pour la survie du Burkina Faso et qu’il est urgent et nécessaire de rechercher et de sauvegarder la paix nationale par tous les moyens appropriées ;
Convaincus que la paix est la résultante de la réconciliation des cœurs, de l’arrêt des divergences et de l’adversité, le solde du passé douloureux, le rassemblement et l’union sacrée des Burkinabé autour de la Nation, au-delà des considérations et intérêts singuliers, de la vérité et la justice ;
Déterminés à jouer pleinement notre rôle de conciliateur, de médiateur et de recours traditionnel, au sens des valeurs africaines, en qualité d’anciens, nous prendrons toutes les initiatives nécessaires pouvant faciliter la paix et la réconciliation et restons disposés pour toute sollicitation des acteurs afin d’apporter notre contribution à l’atteinte des objectifs de paix et de réconciliation nationale partout où le besoin s’exprime ;
Conscients de la complexité des relations entre beaucoup de Burkinabé causée par les blessures, les douleurs et sachant la réalité de certaines rancœurs, nous appelons ardemment les différentes catégories de la société, chacune et chacun, face à la gravité de l’heure, à faire preuve de dépassement de soi, d’offrir le pardon et de se tourner vers l’avenir au travers d’un sursaut national salvateur. Pour réussir ce sursaut, le ressentiment personnel est hors de propos : seule la Nation compte.
Fiers de savoir que le Burkina Faso est un pays pauvre du fait de ses ressources limitées mais que le peuple Burkinabè a su, depuis des siècles, faire bon usage de sa richesse immatérielle tirée des valeurs humaines et culturelles. Ce sont ces valeurs humaines et culturelles qui le caractérisent et que ces valeurs humaines et culturelles ont forgé une tradition multiséculaire de dialogue, de paix, de pardon et de vérité grâce à laquelle les burkinabè ont toujours résisté et survécu habilement face à l’adversité de toute nature.
Nous les Anciens, en vue d’aider à un aboutissement concret et pratique de la réconciliation et de la paix, proposons une « feuille de route » aux acteurs ci-après :

 Président du Faso, Chef de l’Etat, Chef suprême des Armées
 élus nationaux et locaux
 anciens Chefs d’Etat
 Forces de Défense et de Sécurité
 leaders des partis politiques de l’Opposition et de la Majorité
 autorités coutumières et religieuses
 responsables des entreprises et organes de presse
 responsables des organisations de la société civile
 responsables syndicaux et des organisations professionnelles
 représentants des organisations internationales et régionales
 partenaires étrangers
 citoyennes et citoyens burkinabé vivant à l’intérieur comme à l’extérieur du pays
 Et de façon spécifique, à la jeunesse du Burkina Faso, fer de lance de l’avenir.
« La feuille de route » se présente comme suit :

1- Concernant les acteurs et leaders politiques burkinabè

1.1. Recommandons que soit facilité le retour au pays de tous les exilés politiques et autres qui le souhaitent par la prise de mesures favorables.
1.2. Recommandons que tous les exilés politiques et autres saisissent officiellement les plus hautes autorités du Burkina Faso de leur désir de rentrer au pays.

2- Concernant les acteurs de l’insurrection populaire et du coup d’Etat de septembre 2015

2.1. Recommandons que les incendies et les destructions des domiciles, des biens privés et publics et de l’Assemblée nationale lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 soient condamnées expressément par l’autorité publique ainsi que par les leaders religieux et coutumiers.
2.2. Recommandons une contrition publique de la part des acteurs de l’insurrection.
2.3. Recommandons une contrition publique de la part des acteurs de l’ancien régime initiateurs du projet de modification de l’article 37 de la Constitution et de la mise en place d’un Sénat.
2.4. Recommandons une contrition publique de la part de tous les auteurs du coup d’Etat du 16 septembre 2015.
2.5. Recommandons à l’Etat et ce, à titre humanitaire, d’explorer les voies et moyens de réparation en faveur des victimes de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 et du coup d’Etat du 16 septembre 2015.

3- Concernant l’unité nationale et le vivre-ensemble

3.1. Recommandons la répression de tous les faits et actes stigmatisant portant sur la race, l’ethnie, la région, la couleur, le sexe, la langue, la religion, la caste et les opinions politiques dans la vie nationale en application de l’article 1 de la Constitution.
3.2. Recommandons la mise en honneur de l’éducation civique, sociale et morale dans les établissements d’enseignement et de formation professionnelle publics ou privés.
3.3. Recommandons la plus grande célérité judiciaire dans le traitement des dossiers relatifs à des crimes impliquant des communautés.
3.4. Recommandons le développement harmonieux des régions et la promotion des spécificités culturelles.
3.5. Recommandons que les responsables coutumiers et religieux s’investissent dans le règlement des problèmes intercommunautaires et que les populations ne fassent recours à la justice qu’en dernier ressort.

4- Concernant les acteurs économiques

4.1. Recommandons le règlement de la dette intérieur de l’Etat au profit des acteurs économiques pour relancer l’économie nationale.
4.2. Recommandons l’assainissement des rapports Administration - secteur privé, l’égalité des chances et la compétence dans les attributions des marchés publics et l’application d’une discrimination positive en faveur des jeunes entreprises compétitives.

5- Concernant l’élection présidentielle et les législatives de 2020

5.1. Recommandons la préparation d’un processus électoral sain, transparent, honnête et sincère qui favorise l’inclusivité et l’expression politique plurielle au niveau des candidatures et de l’enrôlement des électeurs.
5.2. Recommandons que les acteurs politiques fassent preuve de la plus grande lucidité, de discernement et d’anticipation afin de prendre les décisions politiques courageuses voire audacieuses qui préservent l’intérêt supérieur de la Nation face au défi de l’organisation de ces échéances dans un contexte sécuritaire très préoccupant.
5.3. Recommandons la tenue urgente d’un dialogue démocratique de tous les acteurs clés du processus électoral autour des enjeux des échéances électorales de 2020.

6- Concernant la cohésion et l’efficacité dans les Forces de Défense et de Sécurité (FDS)

6.1. Recommandons la bonne collaboration entre les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) et les populations civiles d’une part, et d’autre part, entre les forces elles-mêmes.
6.2. Recommandons l’amélioration des conditions de vie et de travail des Forces de Défense et de Sécurité (FDS).

7- Concernant l’histoire et la mémoire collective du Burkina Faso

7.1. Recommandons de faire du Panthéon une double opportunité et un levier pour la réconciliation des Burkinabé avec leur histoire et la réconciliation entre eux-mêmes à travers le partage d’une histoire commune.
7.2. Recommandons que la concrétisation du Panthéon et de l’histoire générale du Burkina soit conduite sur la base des principes et des valeurs qui favorisent l’équité et le consensus pour donner lieu à des choix crédibles et acceptables de tous.

8- Concernant certains crimes de sang

8.1. Recommandons le recours préalable à la justice traditionnelle dans certains cas.

9- Concernant l’apaisement général et la décrispation du climat national

9.1. Recommandons l’affirmation de l’autorité de l’Etat pour endiguer les situations pouvant causer de graves préjudices à la paix et à la cohésion sociale.
9.2. Recommandons une trêve sociale, le respect des engagements et un consensus politique dans le but de réaliser l’union sacrée contre le terrorisme.

10. Concernant la mise en œuvre des recommandations de la « feuille de route »

10.1. Recommandons le vote d’une loi de cohésion sociale pour adopter les grandes lignes de ces recommandations afin de donner une base légale aux mesures particulières justifiées par les nécessités de la Réconciliation nationale et la Paix au Burkina Faso.
10.2. Recommandons la mise en place d’un Comité technique de mise en œuvre et de suivi des recommandations pour la Réconciliation nationale et la Paix au Burkina Faso.
10.3. Recommandons des diligences pour la mise en œuvre des présentes recommandations contenues dans la feuille de route avant les échéances électorales de 2020.
10.4. Recommandons au comité de l’Appel de Manéga de participer activement à tous les processus liés à la mise en œuvre de la présente « feuille de route » ou d’en initier.

Conclusion

Dans le souci de parvenir à l’apaisement, à la décrispation et à un environnement politique et social favorables à la tenue d’élections apaisées en 2020 et d’une entente nationale durable, nous recommandons dans le cadre d’un dialogue direct inter-Burkinabè, un forum de réconciliation nationale inclusif auquel prennent part les exilés politiques et autres, précédé des actes préalables de la « feuille de route » que sont :
• La condamnation expresse des actes de violence de 2014 et 2015
• Les actes de contrition publique et de repentir
• Le pardon
• Le retour des exilés politiques et autres.

Fait à Ouagadougou, le 27 janvier 2020

Ont signé :

1- Colonel à la retraite Mamadou Djerma
2- Mgr Anselme Titiama Sanon
3- Me Pacéré Titinga Frédéric
4- El Hadj Semde Idrissa
5- Pasteur Flavien Tapsoba
6- Mme Amina Moussou Ouédraogo/Traore
7- M. Moussa Sanogo
8- Général à la retraite Ibrahim Traoré
9- Mme Béatrice Damiba
10- Majesté Ousmane A. Dicko (Emir du Liptako)
11- M. Yacouba Savadogo (Prix Nobel alternatif)

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