Ce matin s’ouvre au palais des sports de Ouaga2000, le troisième congrès ordinaire du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Entre 4000 et 4500 participants venant des provinces et de l’étranger sont attendus à ce rendez-vous crucial pour ce parti qui gère le pouvoir d’Etat depuis.
A quelques mois du double scrutin présidentiel et législatif prévu le 22 novembre prochain, le secrétaire exécutif du MPP, Lassané Savadogo situe les enjeux de ce congrès et les annonces les objectifs que son parti s’est donné pour conserver le pouvoir.

Ce troisième congrès qui s’ouvre le 7 mars vise t-il se conformer aux textes du MPP et aux lois régissant le fonctionnement des partis, ou y a t-il d’autre autre chose en plus ?

C’est un congrès ordinaire et selon nos textes, il doit se tenir tous les trois ans. Dès la fin du congrès, nous procédons au renouvellement de nos structures à tous les niveaux. Or 2020, c’est une année électorale et le renouvellement de nos structures que nous avions entamé après le 2è congrès en 2017 est en voie d’achèvement. Il y a encore des réglages à faire dans certaines provinces et nous nous attelons à cela en tenant compte des spécificités de chaque problème et des acteurs en place.
A Bobo par exemple, il y avait des soucis au niveau des jeunes, mais cela appartient désormais au passé. A Ouaga, nous avons été amenés à gérer des incompréhensions qui existaient entre camarades notamment dans les arrondissements, les communes rurales et des secteurs. Nous avons préféré suspendre le processus de renouvellement, le temps de trouver le consensus au niveau des jeunes du Kadiogo.

Quels sont les enjeux politiques du congrès qui s’ouvre aujourd’hui samedi ?

L’enjeu est essentiellement politique. Le processus de renouvellement de nos structures n’étant pas totalement terminé, nous avons estimé qu’il ne fallait pas apporter un chamboulement dans leur fonctionnement, mais conserver ce qui existe pour aborder la présidentielle dans la sérénité. Mais c’est le congrès qui en décidera. Chez nous, personne ne peut se mettre au-dessus du congrès qui est l’instance souveraine. Nous faisons des propositions et les militants en décident lors du congrès. Ce qui est important, c’est que nous allions aux élections en rangs serrés et dans la cohésion totale.

La situation sécuritaire préoccupe les Burkinabè. Le sujet sera-t-il débattu lors du congrès ?

Bien entendu ! Je vous rappelle le thème du congrès : « Consolidons le leadership du parti par une victoire éclatante aux élections présidentielle et législatives 2020 dans la paix et la cohésion sociale ». C’est vous dire que nous sommes plus que d’autres, préoccupés par la situation sécuritaire et nous nous battons pour que des solutions soient trouvées à ce phénomène qui est nouveau dans notre pays.
Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous n’avons même pas eu le temps de nous installer que notre pays a été attaqué. L’armée n’était pas préparée à cette guerre et il nous a fallu du temps pour mieux nous organiser et faire face aux terroristes. A présent, nos Forces de défense et de sécurité (FDS) arrivent maintenant à faire face à l’ennemi. Avec la décision du président du Faso de constituer une force auxiliaire pour accompagner les FDS, les choses vont s’arranger. Quand on observe ce qui se passe actuellement, on se rend compte que la lutte contre le terrorisme comporte deux aspects : militaire et sécuritaire. Il faut y faire face simultanément, concomitamment. Vous l’avez sans doute remarqué, les attaques contre les bases militaires ont beaucoup baissé et à l’heure actuelle, ce sont les civiles qui sont les cibles des terroristes. C’est donc un phénomène qu’on peut apercevoir comme un problème de sécurité intérieure plus que militaire. Avec l’arrivée bientôt des volontaires qui vont appuyer la police, nous avons espoir que l’insécurité va considérablement reculer dans un futur proche.
Mais l’insécurité ne doit pas empêcher que les élections aient lieu et tout ce qui est humainement faisable doit être fait pour que cet objectif soit atteint dans la cohésion sociale. Tous les Burkinabè ont les mêmes droits et si nos compatriotes de la diaspora vont effectivement voter, le président ayant respecté son engagement sur ce point, il ne serait pas normal que les Burkinabè vivant dans les zones d’insécurité et ceux qui sont des déplacés ne votent pas. Notre objectif est que tous ceux qui ont fui leur domicile puissent retourner chez eux et vaquer à leurs occupations comme avant.

Quelle est la préférence du MPP sur le vote des déplacés internes ? Que leurs voix soient comptabilisées dans la circonscription de résidence ou d’origine ?

La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a reçu des instructions pour opérationnaliser une décision qui a été prise lors du dialogue politique de juillet dernier initié par le président Roch Kaboré. Au cours de ce dialogue, les composantes politiques ont insisté sur la nécessité de faire voter tous les Burkinabè, y compris les déplacés internes. La question de la circonscription ne se pose pas pour la présidentielle, mais pour les législatives et les municipales.
A l’époque, nous n’avions pas d’éléments techniques pour décider et c’est l’éclairage que la CENI a apporté dans l’étude en présentant deux scénarii : comptabiliser les voix des déplacés selon le lieu d’accueil, ou les comptabiliser selon la circonscription d’origine. La tendance actuelle qui se dégage au sein de la majorité et de l’opposition, c’est que les populations votent pour leurs circonscriptions d’accueil.
Au MPP, nous étions favorables au vote selon la circonscription d’origine parce que nous ne voulions pas que le droit de vote des citoyens burkinabè soit touché par le phénomène terroriste. Il faut noter que même pour les législatives, l’impact ne sera pas si important que certains l’imaginent pour la simple raison que les déplacés sont majoritairement restés dans leur province d’origine. En revanche pour les municipales, cela pourrait avoir des conséquences sur les résultats, mais les prochaines échéances municipales sont prévues en 2021 !

Va-t-on assister à l’arrivée de nouvelles têtes à des postes de responsabilités dans les instances du parti ? Le président par intérim, Simon Compaoré sera-t-il confirmé à son poste ou faut-il s’attendre à des changements ?

C’est le congrès seul qui en décidera, mais de mon point de vue, nous vivons une situation transitoire depuis la mort de Salifou Diallo. Il faut donc normaliser la situation en désignant son successeur et pourvoir les postes vacants.

Voulez-vous dire qu’il est possible qu’il y ait des candidats au poste de président du MPP contre Simon Compaoré ?

Nous sommes un parti de militants où on confie des missions à des camarades.
Dans le principe rien n’est exclu, des candidats peuvent apparaître, mais ce n’est pas dans nos habitudes. Et dans le contexte actuel où nous avons besoin de renforcer la cohésion à l’intérieur du parti et aller en rangs serrés aux élections, c’est mieux que nous parvenions à un consensus sur la question des postes de responsabilités.

Récemment, un parti politique, la RPI a été créé et serait l’œuvre de cadres du MPP…

Au niveau du Bureau politique national et dans les autres instances, nous n’avons pas encore enregistré des démissions du MPP pour aller au RPI. Des camarades sur qui pesaient des suspicions ont été entendus et à l’issue des auditions, nous avons pris la décision de suspendre un maire qui s’est retrouvé dans une activité du RPI [le maire de l’arrondissement 10 de Ouagadougou, Jérémie Sawadogo, NDLR] parce que nous n’avons pas été convaincus par ses explications.
Par la suite, il nous envoyé un courrier dans lequel il a renouvelé son attachement au MPP et son engagement aux côtés de ses camarades pour remporter des victoires futures. Je dois quand même reconnaître qu’une quarantaine de militants ont effectivement démissionné du MPP, mais contrairement à ce que certains esprits malins ont espéré, cela n’a pas du tout fragilisé le parti. Au contraire, ça sonné comme un appel à une mobilisation plus forte du parti.

Dans vos rangs, on entend des militants évoquer la victoire du président sortant Roch Kaboré par coup KO dès le premier tour. Après un mandat de cinq (5 ans) et compte tenu de la situation sécuritaire, est-ce que ce n’est pas juste un slogan ?

Ah non ! Ce n’est pas un slogan, c’est un objectif politique que nous nous sommes assignés et nous allons nous battre pour que cet objectif soit atteint. Nous voulons que le président soit élu dès le premier tour à 60% et aux législatives, nous voulons la majorité absolue à l’assemblée nationale, soit 64 députés. Le parti et les militants sont en ordre de bataille pour qu’il en soit ainsi.

Allez-vous présenter des candidatures communes avec des partis membres de la majorité présidentielle ?

Pas du tout ! Le MPP ira seul aux élections sans alliances. Nous sommes représentés sur l’ensemble du territoire national, dans les provinces et les communes et nous avons déjà des soucis pour arbitrer les candidatures. Si on se met en alliances avec d’autres partis, ça complique encore les choses. Et puis, n’oubliez pas que le mode de scrutin est la proportionnelle au plus fort reste. Dans une circonscription où deux (2) sièges sont à pourvoir, il est extrêmement difficile de remporter les deux, donc il vaut mieux aller seul. Mais les partis membres de la majorité sont libres de décider de ce qu’ils veulent faire. On fera le bilan après la moisson pour tirer les conséquences qui s’imposent.

Depuis trois ans, vous occupez le poste de Secrétaire exécutif. Que faites-vous exactement au quotidien ?

C’est celui qui s’occupe de la gestion du parti au quotidien dans tous ses compartiments. C’est un travail que je fais avec plaisir et je n’ai pas vraiment de difficultés à noter d’autant que je suis soutenu par les vice-présidents et les cadres du parti. A Bobo-Dioulasso où il y avait des problèmes pour la mise en place des structures au niveau des jeunes, j’ai travaillé avec tout le monde et suis content qu’on soit parvenu à un consensus. Il faut savoir écouter et développer des stratégies pour surmonter les difficultés. Dans le Kouritenga, la conférence provinciale organisée le week-end dernier a été un succès alors que quelque semaines plus tôt, des camarades se regardaient en chien de faïence. Un travail a été fait pour parvenir à ce résultat. Je suis un militant à vie prêt à servir le parti peu importe le niveau de responsabilité où on me place.

Interview réalisée par Joachim Vokouma
Kaceto.net