La polémique sur la ou les causes de la mort de 12 personnes à Tanwalgougou n’est pas prêt de s’estomper. Les pièces, des photos exclusives que nous versons dans le dossier visent un seul objectif : contribuer à faire jaillir la lumière sur ce qui s’est réellement passé dans la nuit du 11 au 12 mai dans les locaux de la gendarmerie de la localité

Le 13 mai dernier, le procureur du Faso, près le tribunal de grande instance de Fada, Bokuy Judicaël Kadéba publiait un communiqué dans lequel il révélait que 25 personnes suspectées de terrorisme avaient été interpellées dans la nuit du 11 au 12 mai à Tanwalbougou, dans l’Est du Burkina. Il avait également annoncé que 12 d’entre elles avaient trouvé la mort dans les cellules où elles avaient été enfermées.*
Une nouvelle qui avait provoqué un choc dans l’opinion et suscité de vives protestations des citoyens et des défenseurs des droits de l’homme. Pour beaucoup, il s’agit ni plus ni moins qu’une nouvelle bavure perpétrée par les forces de défense et de sécurité dans la guerre contre les terroristes.
Le Comité contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC) monte aux créneaux et dénonce des « exécutions extrajudiciaires », tandis que le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP) exige une enquête indépendante pour faire la lumière sur les circonstances dans lesquelles ces personnes ont trouvé la mort et d’en identifier les coupables.
Dans le même communiqué, le procureur avait annoncé l’ouverture d’une enquête suivie de l’envoi d’officiers de police judiciaire et d’agents de santé sur les lieux pour les constatations d’usage.
Deux semaines plus tard, soit exactement le 27 mai, le procureur a rendu publiques les conclusions de l’enquête au cours d’une conférence de presse qui était très attendue.
A la grande colère des parents des victimes et des organisations de défense des droits de l’homme, Bokuy Judicaël Kadéba avait révélé, dans une certaine sérénité qui tranche avec l’ambiance du jour, que les 12 personnes n’avaient pas été tuées par balles comme le clamait l’opinion. « Au vu des éléments en notre possession, les 12 personnes n’ont pas été tuées par balles. Les trois rescapés ont été auditionnés, tout comme les 10 autres personnes qui n’étaient pas dans les cellules des défunts. Ils disent n’avoir pas entendu des coups de feu dans la nuit du 11 mai », argumenté.
Bombardé de questions par les journalistes, il est resté constant dans ses réponses. A l’appui de sa thèse, le contenu du certificat médical établi le 18 mai par l’infirmier chef de Tanwalbougou qui décrit « des corps rigides à la palpation, sans lésions d’allure traumatique et sans saignements ».
Conclusion, aucun élément matériel ne permet à l’étape actuelle de dire avec exactitude la ou les causes des décès. Seule une autopsie qui pourrait être pratiquée dans trois mois permettra d’en savoir davantage.
Les propos du procureur lui ont valu, on s’en souvient, une volée de bois vert. « De qui se moque-t-on ? », interroge le CISC, outré par les conclusions de l’enquête. « Ceux qui ont participé aux enterrements des corps sont formels pourtant, les corps étaient ensanglantés et des têtes écrabouillées. Avant d’enterrer les corps, ils auraient même dû boucher par des morceaux de tissus certaines orifices et perforations qui seraient causées de balles au niveau de la tête », détaille le Collectif.
Kaceto.net a eu accès aux images des cadavres des 12 personnes décédées. Après une longue réflexion, nous avons décidé de les diffuser, mais dans le respect de l’éthique que commande notre métier. Nous les avons donc floutées afin de préserver la dignité des disparus.
Selon notre source, les photos ont été prises au matin du 12 mai, soit quelque temps après le constat des décès. Elles ne montrent pas de traces de balles sur les corps et semblent accréditer la thèse du procureur. C’est dans la soirée du 12 mai que les corps ont été transportés à Fada et ce n’est qu’en début de soirée également du 13 mai que les parents des victimes ont pu enlever les corps. Ils ont alors pu faire les premières images qui ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux. On y voit des corps emballés dans des sacs plastiques tachés de sang. « La cellule dans laquelle étaient gardés les corps était exiguë et avec la forte chaleur, ils ont commencé à se décomposer. C’est ce qui explique le sang qu’on voit dans les sacs plastiques », explique notre source.
Près d’un mois après ce drame, le mystère qui entoure la mort des 12 personnes reste entier. On sait en revanche, grâce à une enquête de terrain du CISC et de confrères, que les 25 personnes n’ont pas été interpellées dans la nuit du 11 au 12 mai comme le soutient le procureur, mais en plein jour, dans un marché à Pentchangou, à 5 km de Tanwalbougou.

*Liste des personnes décédées

1) Sondé Boukary ;
2) Diallo Boureima ;
3) Dicko Sita ;
4) Lido Harouna ;
5) Dicko Bairou ;
6) Barry Abdoulaye ;
7) Sondé Hassane ;
8) Diallo Ali ;
9) Diando Amado ;
10) Sondé Seydou ;
11) Diallo Issa ;
12) Lido Bouuré

Joachim Vokouma
Kaceto.net