Depuis quelques semaines, la tenue ou non des élections de 2020 est au centre de l’actualité nationale et des points de vue s’affrontent sans concessions. A travers ce communiqué, notre parti se préoccupe de savoir quelle réponse peut-on apporter aux nombreuses questions qui se posent à nous, dans le strict respect des dispositions de la constitution eu égard au contexte sécuritaire exécrable actuel

1-Avant toute chose, il faut se demander comment en est-on arrivé là, dans cette situation inextricable qui montre des signes évidents de blocage politique voire institutionnel ? A cet effet, deux grandes questions se posent à nous tous, la réconciliation nationale et l’insécurité.
La question de la réconciliation qualifiée de « véritable serpent de mer », n’est pas nouvelle. Aujourd’hui, le dossier n’avance pas et le régime MPP en assume la principale responsabilité. Depuis des années, de nombreuses voix indiquaient publiquement que désormais les enfants du Burkina doivent se parler et pendant plus de 04 ans le MPP et ses alliés s’y sont toujours opposés. Partout et à tout moment, l’obsession Blaise Compaoré hante leurs esprits et leur subconscient, ainsi que l’attestent certaines de leurs déclarations comme, « Blaise COMPAORE connait la route du Burkina, il peut rentrer car personne ne l’a chassé … » ou « si Blaise rentre ici yaada yaada… ». L’on peut se demander comment et pourquoi ces gens qui ont été fabriqués, nourris et éduqués par l’ex Président sont si cruels envers lui ? Tout semble montrer que dans le fond le parti au pouvoir ne veut pas d’une réconciliation ; il rejoint ceux-là qui répètent régulièrement « On n’a pas besoin d’une réconciliation ». Et pourtant, notre génération porte une responsabilité historique dans le développement de la violence et de la haine en politique dans l’ex Haute Volta ; alors, elle devra un jour s’amender et demander pardon !
Quant à la situation sécuritaire, elle est très douloureuse, elle nous échappe chaque jour et ce depuis l’installation du régime en place. En dépit du courage de nos soldats, chaque jour notre peuple pleure ses enfants morts, de jeunes soldats sans équipements ou presque, peu expérimentés qui affrontent à chaque instant l’horreur de la barbarie. Que Dieu les sauve et leur rende justice.
Et ces populations civiles traquées de toute part, sans défense, victimes des affres de la stigmatisation, abattues froidement ; ces nombreux déplacés sans abris, sans nourriture ; ces hommes, femmes et enfants réfugiés dans leur propre pays, toutes ces personnes à qui des responsables de l’humanitaire de notre Etat n’hésitent pas à faire honteusement de la morale « noire » accompagnée de menaces. Alors question, ces personnes pensent–elles aujourd’hui à ces élections ? Difficile de répondre oui !
Sur cette situation de guerre terroriste, les responsables du parti au pouvoir et leurs alliés ont pendant des années crié haro sur l’ancien régime de Blaise Compaoré, mais aujourd’hui on ne les entend presque plus car leurs thèses souvent mensongères n’intéressent personne ! Ayant passé des années à dire partout que « Blaise Compaoré est le commanditaire du terrorisme », ils ont perdu du temps et de l’énergie, et les voilà contraints d’agir sous la pression et dans la panique.

2-Dans ce contexte, le report ou non des élections 2020, constitue un vrai débat car le sort socio-politique du pays peut se jouer et se déterminer dans les prochains mois. Incontestablement, le droit « d’être électeur et éligible » pour chaque citoyen garanti par la constitution s’impose à nous, mais il est tout aussi incontestable que c’est cette même loi fondamentale qui nous impose la tenue des élections à bonne date. Et quand on observe de prês ces dispositions de la loi, nous constatons amèrement une remise en cause constante de certains droits du citoyen depuis les 05 dernières années. C’est les cas des droits à la vie, à la santé, au logement, à l’éducation, à la terre, les droits politiques et syndicaux...etc. De nombreuses preuves existent en la matière.
Dès lors, si à tout cela venait s’ajouter une non tenue des élections, nous ouvrons la voie à une crise politique et institutionnelle très profonde dans un pays déjà en proie à la désunion voire à la dislocation territoriale. Et sans vouloir emprunter des sentiers alarmistes, nous disons que les partisans du report ne peuvent pas nous garantir dans quels délais l’évolution de la situation sécuritaire offrira les conditions optimums pour des élections.
Par ailleurs, en toute logique, la non-tenue des élections nous conduira vers une transition que notre parti redoute, fort de l’expérience de 2014-2015. En effet, la transition des colonels a laissé un très mauvais souvenir pour de nombreux citoyens. Le courant ultra populiste aveuglé par l’arrivisme politique et le sectarisme, avait érigé la tricherie en système de gouvernement. Les principaux dirigeants voulaient se donner du temps pour nous imposer un pseudo-changement progressiste, par une transformation de la transition démocratique du peuple en une pseudo- révolution démocratique. Ainsi donc toute critique contre la « marche radieuse » de la transition devait être châtiée. Notre pays aura vécu sous l’un des régimes les plus autoritaires de son histoire qui, à certains moments, ressemblait fort à un Etat de non droit (arrestations, exclusions, menaces..).
Les élections devaient attendre. C’est la raison pour laquelle, les acteurs politiques devraient observer une grande prudence sur l’éventualité d’une transition et d’éviter d’en faire un objectif principal.

3-Au vu de ce qui précède, on peut dire que l’évolution actuelle de la situation pourrait aboutir à une crise politique et institutionnelle très grave dans les prochains mois. En conséquence, nous devons impérativement trouver de bonnes solutions pour y faire face, et ce sera sous la pression du fait de l’extrême gravité des défis et des délais disponibles avant Burkina 2020.
Ainsi, concernant le dialogue inclusif, en dépit de certaines oppositions récurrentes, nous sommes d’avis que le Burkina Faso ne peut pas faire l’économie d’une réconciliation nationale. Pour notre part, si la réconciliation nationale, l’une de nos deux principales préoccupations du moment, est une condition pour des élections apaisées, elle ne peut pas constituer un préalable pour la tenue des élections de 2020. Mais en tant que processus, il peut bel et bien débuter en 2020 et s’achever après les élections. Dans le pire des cas, il devrait relever obligatoirement de l’agenda du nouveau pouvoir !
C’est pourquoi, nous devons rebondir sur les conclusions du dernier dialogue politique. La pandémie du Covi19 avait bloqué les travaux de mise en œuvre des conclusions de cette rencontre, mais l’accalmie relative actuelle permet de finaliser certaines des étapes d’opérationnalisation du processus. Aussi il revient au Chef de l’Etat de se mettre en première ligne afin de prendre les premières mesures idoines pour une accélération rapide mais contrôlée du processus. Il a la possibilité et surtout la responsabilité de déclencher la procédure à travers certaines mesures telles : la reprise rapide des travaux du comité de suivi du dialogue politique ; l’appel officiel aux Burkinabè pour une adhésion citoyenne en faveur du vivre ensemble par un message à la nation ; l’annonce d’une décision d’élargissement en faveur de ceux des enfants du Burkina récemment jugés et condamnés pour des raisons politiques ; la prise d’engagements sur les dossiers chauds de justice (Yirgou, Tanwalbougou, procès dernier gouvernement de Blaise Compaoré, charbon fin, mairie de Ouagadougou..) ; une invitation solennelle à tous les exilés pour qu’ils reviennent au pays. Toutes choses qui peuvent impacter positivement le déroulement des prochaines campagnes électorales.
S’agissant du défi sécuritaire, des mesures fortes sont nécessaires :
 d’abord, préparer une action de sécurisation d’envergure nationale pour couvrir en priorité toutes les régions fortement exposées aux attaques terroristes, ce qui suppose un renforcement conséquent de la capacité de feu de nos forces armées ; le lancement d’une campagne nationale inclusive de solidarité et de soutien aux FDS à l’image de l’élan national contre le covid19 ; le renforcement des mesures pour assurer aux déplacés de bonnes conditions de participation aux votes selon leur lieu de résidence.
 ensuite, mettre à contribution nos moyens et capacités diplomatiques et politiques à travers nos réseaux d’amis, les organisations communautaires de la sous-région africaine, car de toute évidence, le tout militaire a montré ses limites face au terrorisme djihadiste.

Sur un autre plan, la polémique en cours sur le CFOP est contreproductive et injuste. Nous avons salué les changements, voulus par le chef de file lui-même, qui n’obligent plus tout parti à lui adresser une déclaration pour être reconnu parti d’opposition. L’on se rappelle ces moments où un chef de file publiait des communiqués pour inviter les militants de tous les partis d’opposition à des rencontres lors de ses sorties en province. Et nous avons toujours en mémoire la célèbre phrase du non moins célèbre Issa TIENDREBEOGO (RIP) qui disait « Le premier de la classe n’est pas forcément le chef de classe » ! Aujourd’hui c’est l’UPC qui, à juste titre, souligne qu’il est « chef de file de l’opposition et non chef de l’opposition ». Et nous poursuivons pour dire que le Président DIABRE est chef de file de l’opposition non pas parce que nous sommes autour de lui au sein du cadre de concertation, mais seulement et uniquement par le fait de sa victoire aux campagnes électorales !
Au regard de tout ce qui précède, il y a certainement des raisons de s’inquiéter. Et s’il est vrai que la tenue des élections à bonne date ne sera probablement pas une simple formalité, il est tout aussi vrai que la non-tenue des élections sera un rendez-vous de tous les dangers. En en dernière analyse, notre parti est favorable à la tenue des élections à bonne date. Aussi nous saisissons cette occasion pour inviter toute l’opposition politique à l’union, car le camp d’en face qui se dit prêt compte sur les moyens de l’Etat dont il abuse et plus encore sur notre désunion.

Ouagadougou, le 18 juin 2020

Dr Alain Dominique ZOUBGA
Président National de l’AUTRE Burkina /PSR