Les dirigeants de la Cedeao ont pris acte de l’impossibilité de procéder au lancement prochain de la monnaie unique, en Afrique de l’Ouest. Un seul pays de la zone respecte les critères de convergence, le Togo. Aussi, les États vont se doter d’une nouvelle feuille de route.

La transformation du franc CFA en éco n’est pas pour demain. Sans surprise, la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest) en a pris acte, le 7 septembre.

La réunion a ouvert la voie à une nouvelle étape du processus de cette monnaie, l’éco, appelée à remplacer le franc CFA et à intégrer l’ensemble des quinze pays d’Afrique de l’Ouest. Les modalités d’une nouvelle « feuille de route », que certains décrivent déjà comme une révision des critères de convergence macroéconomique, restent à préciser.

Si la convergence macroéconomique des pays de la zone s’est poursuivie en 2019, les conditions nécessaires permettant à la Cedeao de passer à une phase de stabilité et de consolidation de la performance ne sont pas réunies. D’où le report sine die de la création de l’Eco.

Au cours du volet « économie » de la réunion – essentiellement consacrée à la situation au Mali –, le président ivoirien Alassane Ouattara aurait déclaré que l’Eco, en tant que monnaie scripturale ou fiduciaire, ne pourra pas voir le jour avant « une période de trois à cinq ans ». Pendant cette période, nous continuerons d’utiliser le franc CFA, qui est « une bonne monnaie appréciée de tous et surtout des pays voisins ». On sait le président ivoirien peu enclin à quitter le franc CFA, en raison de sa stabilité vis-à-vis de l’euro, notamment.

De son côté, le Nigeria ne cache pas non plus son manque d’empressement. Le président Muhammadu Buhari a fait observer qu’un seul pays respectait, à ce jour, l’ensemble des critères de convergence, préalable à la création d’une monnaie unique : le Togo.

Ces critères sont, pour les principaux, d’avoir un déficit en dessous de 3% du PIB, de présenter une inflation inférieure à 10%, et une dette inférieure à 70% du PIB. Dans l’espace Cedeao, huit pays ont recours au franc CFA et sept autres battent leur propre monnaie. Toutes les devises ne sont d’ailleurs pas encore convertibles entre elles.

Toutefois, au cours de la réunion des chefs d’État, le président nigérian a déclaré que son pays « reste attaché à la mise en œuvre du plan d’action pour l’actualisation du programme d’Union monétaire et de la monnaie unique de la Cedeao ». En conséquence, il a appelé les États membres à soutenir la résolution des chefs d’États de la Communauté et il a exhorté ses voisins à poursuivre leurs efforts en direction de la convergence.

Il a appelé les Africains « à trouver des solutions africaines », leur suggérant de se méfier des « ingérences étrangères et des soi-disant conseils ». Muhammadu Buhari a néanmoins reconnu que « l’adoption prématurée de l’Eco a accru la désaffection et la méfiance des membres de l’Union monétaire émergente ».

Un lancement différé

De son côté, Alassane Ouattara se montre rassurant, la monnaie unique sera créée, tôt ou tard. La question délicate du taux de change, qui divise les dirigeants africains, semble d’ailleurs trouver des éléments de réponse : « Quand l’éco sera arrêté, nous pourrons entrer dans une évolution vers un taux de change flexible et avoir une banque centrale fédérale », a souligné le président ivoirien.

De son côté, le président Mahamadou Issoufou (Niger), a exhorté ses collègues « à élaborer une nouvelle feuille de route tout en maintenant une approche graduelle pour le lancement de la monnaie commune ». Initialement, la monnaie unique devait être lancée en juillet 2020, mais la crise sanitaire a bien vite rendu l’opération impossible.

Dans son communiqué final, la Cedeao précise bien que les chefs d’État et de gouvernement ont décidé d’élaborer une nouvelle « feuille de route » pour le programme de la monnaie unique de la Cedeao. En conséquence, elle décide de « différer » le lancement de ladite monnaie.

Compte tenu de la crise sanitaire, la Cedeao doit exempter les États membres du respect des critères de convergence macroéconomique, en 2020. Il faut, dès lors, conclure entre les États membres de la Cedeao « un nouveau pacte de convergence et de stabilité macroéconomique ». Pas question de renoncer à l’Eco : la Cedeao entend « maintenir l’approche graduelle » pour son lancement.

Les pays ne partent pas de rien. Ainsi, la Conférence s’est-elle « félicitée » de la convergence économique, « qui a connu une amélioration en 2019 par rapport à 2018 ». Toutefois, elle note que même si la convergence a pris fin le 31 décembre 2019, les conditions nécessaires permettant à la Cedeao de passer à une phase de stabilité et de consolidation de la performance ne sont pas réunies, comme énoncées dans le Pacte de convergence et de stabilité. Elle note également l’impact négatif de la Covid-19 sur le respect par les États membres des critères de convergence en 2020. D’où le report sine die de l’opération.

À noter qu’en France, l’Assemblée nationale examine en ce moment même une réforme de l’accord avec les États membres de l’Uemoa (Union monétaire ouest-africaine). Annoncée par les présidents Ouattara et Macron, cette réforme, si elle aboutit, supprime deux caractéristiques du régime actuel de garantie de parité à l’euro. La Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest n’aura plus l’obligation de déposer 50 % de ses réserves sur un compte du Trésor français et il est mis fin à la présence de représentants français dans les instances de gouvernance de l’Union monétaire.

Par ailleurs, la Conférence de la Cedeao a appelé les cinq États membres qui n’ont pas encore ratifié l’accord sur la ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine) à « prendre d’urgence les mesures nécessaires pour le faire » et à déposer leurs instruments de ratification. En outre, la Conférence lance un appel aux États membres en vue de la ratification du Protocole de l’Union africaine sur la libre circulation.

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