L’auteur de la Tribune ci-contre revient sur le retour avorté de Isaac Yacouba Zida et la polémique qui s’en est suivie entre le gouvernement et le MPS, le parti dont il est président d’honneur. Mordant !

Le 25 Septembre dernier, le Mouvement patriotique pour le salut (MPS) a investi l’ancien premier ministre de la Transition Yacouba Isaac ZIDA comme son candidat à l’élection présidentielle de novembre 2020. Depuis le Canada où il vit quasiment en exil volontaire, l’intéressé a accepté ladite investiture pour faire derechef don de sa personne à la nation burkinabè fortement menacée.
Ne partageant pas la même signification du « sacrifice », de nombreux Burkinabè se rappellent qu’après seulement une année d’exercice du pouvoir, Yacouba Isaac ZIDA a exigé et obtenu pour le don de sa personne, d’être promu au grade de général de division. De lieutenant-colonel, il a sauté les grades de colonel, colonel-major et général de brigade. Dans notre armée, personne d’autre avant lui n’aurait fait mieux. Au triple saut dans lequel il excelle visiblement, n’exigera-t-il pas d’être couronné empereur après un quinquennat s’il venait à remporter la future élection présidentielle d’autant qu’il lui reste à brûler les grades de général de corps d’armée, général d’armée et celui de maréchal qui n’existe pas dans l’armée burkinabè ?
En soi, l’investiture de Isaac Zida par le MPS du Professeur Augustin LOADA n’est pas un événement dans la mesure où les couleurs étaient annoncées depuis la création de ce parti dont il est le Président d’honneur. Déjà magnifié pour « ses qualités d’homme d’Etat » à la création du MPS, l’intéressé lui-même dans son livre autobiographie publié en octobre 2018, n’a pas manqué de se présenter comme le recours dont la nation burkinabè avait besoin pour sortir de l‘ornière en ces temps troublés. Le moins que l’on puisse dire, est que si le titre de l’ouvrage « Je sais qui je suis » emprunte à la parole biblique, son contenu qui est un condensé d’auto-congratulation suivi d’un réquisitoire au vitriol contre le pouvoir en place, s’en éloigne considérablement.
En effet selon l’évangile, « celui qui s’abaisse sera élevé et celui qui s’élève sera
abaissé ». Or, de son enfance à sa carrière militaire, Yacouba Isaac ZIDA doit quasiment tout rien qu’à ses efforts personnels. La même impression ressort du récit qu’il fait de sa conquête du pouvoir d’Etat à la faveur de l’insurrection d’octobre 2014. Serge Atiana OULON (l’un des meilleurs journalistes d’investigation burkinabè) a révélé quelques facettes cachées de l’histoire de cette insurrection encore gorgée de zones d’ombre et il serait intéressant que tous ceux qui détiennent des choses en fassent autant pour dissiper certaines fables et légendes dont on nous a gargarisé, au bénéfice de la vérité historique. Cherchant à comprendre comment la haute hiérarchie militaire qui venait d’adouber son chef (le général Honoré Nabéré TRAORE) s’est littéralement prosternée pour faire place nette à un lieutenant-colonel, il nous est revenu que cette volte-face a été suscitée par un oukase du général Gilbert DIENDERE.
Absent à cette rencontre du gratin militaire à l’Etat-Major Général des Armées, le Général DIENDERE aurait passé un coup de fil au cours duquel il a signifié l’opposition du RSP au nouveau régime militaire en gestation et martelé qu’il enverra ZIDA sur place. Au regard du rapport de force de cette époque, personne ne pouvait s’opposer à cette unité surarmée et mieux entrainée contrairement aux autres qui étaient privées de tout exercice militaire. Si cette thèse tient la route, on ne peut malheureusement, pas attendre d’avoir de sitôt de la grande muette un éclairage sur cette phase tumultueuse de l’histoire de notre pays. En attendant, elle a été corroborée par certaines informations fournies lors d’un colloque organisé dans le 19e arrondissement de Paris le 31 mars 2015 par la section MDHP de France avec l’appui de la Fondation Gabriel PERI autour du thème « Insurrection populaire et transition au Burkina Faso : Quels changements ? ». On y évoqué le rôle du RSP et des grandes manœuvres du général DIENDERE qui aurait choisi le Conseil Economique et Social comme siège provisoire du nouveau pouvoir permettant ainsi au clan COMPAORE d’évacuer de Kosyam tout ce dont il avait besoin. Et comme le pouvoir ne s’exerce pas par procuration dans la durée, l’idylle a muté en lune de fiel quand Yacouba Isaac ZIDA a coupé les ponts avec son unité pour composer avec la nouvelle société civile. Cet éclairage devait (en plus des informations sur la grosse fortune de ZIDA) permettre à Bruno JAFFRE le biographe du défunt Président Thomas SANKARA présent dans la salle à l’Espace Oscar NIEMEYER, de revoir la fascination que lui suscitait le personnage.
Egratigné, sur sa gestion pendant la transition, l’ancien Premier Ministre a joué la vierge effarouchée sur les réseaux sociaux puis dans son ouvrage. Les accusations de spéculation foncière, de décaissements jugés irréguliers effectués par le trésor public sur ses ordres, de gratifications financières indues de collaborateurs ou de possession de fortunes sans communes mesures avec ses revenus, sont toutes balayées d’un revers de la main par YIZ qui n’y voit que calomnie et acharnement de la part de rivaux politiques jaloux de ses succès et pressés de le cramer.
Qu’à cela ne tienne ! Si la polémique peut perdurer sur la question d’intendance, ZIDA aura toujours du mal à convaincre les Burkinabè qu’il s’est engagé et risqué de façon désintéressée avec cette promotion fulgurante au grade de Général de division. On ne sait pas dans quel intérêt l’ex Premier ministre a insisté auprès du Président Michel KAFANDO pour être hissé au-dessus des Gilbert DIENDERE, Djibril BASSOLET et bien d’autres. La rumeur dit qu’il avait désiré le grade de général de corps d’armée à l’instar du malien Amadou Haya SANOGO mais il s’est heurté à un refus du Président de la transition qui proposait « un modeste » grade de général de brigade. Ce que l’on sait est que cette promotion a été pour lui une balle tirée dans le pied et qui lui a été maléfique. En effet, l’autorité conférée par le grade de Général à l’ex-Premier ministre Yacouba Isaac ZIDA ressemble fort dans les garnisons militaires burkinabè, à celle de la chefferie du margouillat mâle mise en doute par sa femelle du fait de l’absence des enfants à l’intronisation et obligé de rejoindre illico sa cachette aux coups de lance-pierre de ces derniers.

Du retour de YIZ au pays

Invité à l’émission « Surface de vérité » le 20 septembre 2020, le Professeur LOADA avait rassuré les militants de son parti le MPS et les téléspectateurs de BF1 que Yacouba Isaac ZIDA serait présent physiquement au congrès extraordinaire devant l’investir vendredi 25 septembre comme candidat à l’élection présidentielle de novembre 2020. Il n’a pas aimé la similitude notée par le journaliste entre les cas ZIDA et SORO tous deux exil et candidats à la magistrature suprême de leurs pays respectifs. Des démarches auraient été effectuées auprès des plus hautes autorités du pays plus obtenir un retour sécurisé de ZIDA dans le cadre de la politique de réconciliation nationale tout en soutenant que celle-ci ne doit pas être faite au détriment de la justice. On comprend donc difficilement qu’il prenne mal la position du gouvernement qui dit éviter les ingérences dans les affaires judiciaires par respect de l’indépendance de la justice. Dans cette affaire, le MPS et le gouvernement se sont exprimé chacun de son côté et il appartient à chaque burkinabè de rendre son jugement. Comme Guillaume SORO, ZIDA n’est pas rentré au pays pour son investiture. La seule différence est que ce dernier a au moins répondu par visioconférence aux congressistes. Et il en a profité pour faire une sortie au bazooka contre le régime KABORE dont il attend en même temps un passe-droit. Le dépôt d’une candidature à l’élection présidentielle n’étant pas un acte suspensif de poursuite et encore moins conférant immunité, il reste à l’ex Premier Ministre de prendre son courage à deux mains pour rentrer au bercail et affronter la justice. Les incantations lointaines n’y changeront rien. Evoquant la haine à l’endroit de leur champion, le Professeur LOADA a cité entre autre l’annulation de son affectation au poste d’ambassadeur du Burkina Faso à Washington. Après vérification, il s’avère qu’il s’agissait plutôt d’une proposition du Président KAFANDO que devrait valider son successeur. Le projet avait peu de chance d’être validé et l’on a du mal à comprendre comment Président KAFANDO (un diplomate aussi chevronné) a pu au crépuscule de la transition désigner des collaborateurs stratégiques de ce rang pour son successeur. De nombreuses nominations faites lors des derniers conseils de ministres du gouvernement de transition visiblement pour caser des proches, ont également été rapportées. On imagine que parmi les acteurs de la transition, figuraient aux côtés de patriotes ayant véritablement fait don de leurs personnes, des calculateurs roulant pour leurs propres comptes. Ces derniers, au lieu d’œuvrer à l’encrage de la démocratie, posaient plutôt les jalons d’un retour rapide aux affaires faute d’avoir obtenu une prolongation de la transition. Le Président KAFANDO y était farouchement opposé du reste et l’avait ouvertement déclaré à Paris lors d’une rencontre avec la communauté.
Que retenir de cette guéguerre entre le MPS et le gouvernement ou pour dire vrai, entre les partisans d’un retour rapide de ZIDA aux affaires et le MPP ?
D’emblée, une grande méfiance s’est installée entre les deux parties. A tort ou à raison, la nouvelle majorité a estimé que certains actes du Premier ministre du gouvernement de transition étaient de véritables croupières taillées pour entraver son action. Sont de ceux-là entre autres, la tension de trésorerie, des engagements difficilement tenables dont la remise en cause embraserait à coup sûr le front social et des nominations à des postes stratégiques sans habilitation morale. Sans exercer un réel droit d’inventaire, le gouvernement a noté et rendu public quelques excès dont l’affaire de spéculation foncière à Ouaga 2000 et les nombreux décaissements en violation de l’orthodoxie financière suscitant l’ire des pro-ZIDA qui ont dénoncé une volonté de diabolisation de la transition. Parti pour mieux se préparer, YIZ qui ne veut pas se faire oublier ne rate aucune occasion pour jouer sa petite musique sur les réseaux sociaux. Il délivre même des messages à la nation dans certaines circonstances et à un moment où le pouvoir traversait visiblement de grandes difficultés, il décide de prendre date avec l’histoire en publiant son livre brûlot bouclé par un manifeste politique qui annonçait les ambitions. La lucidité analytique n’est jamais évidente pour qui passe du vertige des cimes à celui des abysses. Et cela l’est davantage quand les données qui fondent l’analyse sont peu fiables comme les prophéties brumeuses de charlatans ou évangélistes bigots, les lubies personnelles et autres rumeurs ouagalaises inondant les réseaux sociaux annonçant la fin imminente du régime KABORE. En attendant un hypothétique arbitrage de la justice, les uns et les autres devraient revenir à la raison pour ne pas polluer inutilement le débat politique qui ne manquera pas d’intensité avec l’ouverture de la campagne électorale.

Edgar SANOU
Pour Kaceto.net