Le gouvernement du Gabon a reçu instruction de retranscrire en droit une série de propositions en faveur de la protection juridique des femmes et de la réduction des inégalités. En dépit des progrès accomplis, du chemin reste à faire.

Les Gabonaises attendent désormais des actes concrets. Le président Omar Bongo Ondimba a reçu, en début de mois, une série de propositions en vue d’améliorer les droits de la femme et de réduire les inégalités femme homme dans le pays. Propositions qui pourraient servir de support ailleurs sur le continent. Elles ont été élaborées par les cabinets de juristes Roland-Berger et Norton Rose Fulbright.

Le Gabon peut se rapprocher des standards internationaux dans le monde du travail. Il peut renforcer les dispositifs contre la discrimination et le harcèlement. Il devrait encourager la représentation des femmes aux hautes fonctions dirigeantes et réduire les écarts salariaux.

Pour les rédacteurs du rapport remis au président par l’entremise de Sylvia Bongo Ondimba, les droits de la femme et la réduction des inégalités sont des enjeux majeurs pour toutes les démocraties, pour le développement des droits humains mais aussi pour le progrès économique. Elles constituent des prérequis à une croissance soutenable et durable.

Pour sa part, le Gabon peut s’appuyer sur « des acquis réels » pour améliorer la situation des femmes. Le pays a renforcé sa législation, et les citoyens ont vu l’émergence de personnalités féminines fortes dans sa vie politique. Surtout, le taux de scolarisation des filles au primaire est parmi les plus élevés d’Afrique. Bien sûr, d’importantes inégalités juridiques, sociales et économiques femme homme subsistent.

Les travaux menés, résultat d’un processus de concertation de plus d’un an entre acteurs publics, privés et associatifs ont permis de faire émerger six domaines d’actions clés : les violences faites aux femmes, l’éducation, la santé, le droit de la famille, l’émancipation économique et l’émancipation politique.

Ce plan d’action propose de faire du Gabon un modèle d’égalité et des droits des femmes en Afrique. Pour y parvenir, une feuille de route, structurant 33 mesures sur trois ans et permettant de toucher 1,8 million de bénéficiaires, accompagne la proposition.

Si la place qu’occupent les femmes s’est révélée aussi essentielle que fragilisée face à la Covid-19, « le Gabon, en validant ce plan, a ainsi pris la décision de parier sur l’égalité des genres pour sa relance économique et sociale », se félicitent les auteurs du rapport.

En effet, ces propositions ont été endossées par le chef de l’Etat qui y voit une opportunité pour donner une « nouvelle impulsion » à la Décennie de la femme lancée en 2015. Le Président a donné instruction au gouvernement de faire le nécessaire pour les retranscrire en droit et les rendre applicables dans les faits.

Les principales recommandations

Au Gabon, les taux de scolarisation des filles, très satisfaisants en primaire donc, décroissent au fil des cycles et notamment lors du passage au collège. On constate une déperdition scolaire forte et un important absentéisme pour les filles, qui s’explique en partie par la vulnérabilité des filles pour se rendre à l’école.

Surtout les adolescentes ayant enfanté jeune, peinent à retourner à l’école. C’est pourquoi les experts recommandent-ils à l’État d’accompagner les jeunes filles enceintes et jeunes mères pour lutter contre l’abandon scolaire, et de renforcer les dispositifs d’éducation sexuelle en milieu scolaire.

Le président Ali-Bongo et son épouse Sylvia Bongo

En matière de santé, de nombreux efforts ont été entrepris. Néanmoins, il faut sensibiliser les jeunes filles et les jeunes hommes à l’utilisation des méthodes de contraception modernes. Le Gabon doit se doter de tous les dispositifs de lutte contre les cancers féminins, notamment le déploiement de bus de dépistage en continu, tout au long de l’année, dans les villes et les zones reculées.

En matière de droits civils, le Gabon, pays qui autorise la polygamie sous certaines conditions, a des progrès à réaliser. Il devrait, suggèrent les experts, améliorer la symétrie des conditions des divorces entre hommes et femmes en autorisant, par exemple, le divorce par consentement mutuel et le divorce pour violences conjugales.

Le Code civil doit exclure des dispositions discriminatoires à l’encontre des femmes telles que celle autorisant le mari d’interdire à sa femme de travailler ou l’interdiction faite aux femmes de travailler pendant la nuit dans un établissement industriel.

De même, la législation peut aisément renforcer la protection en faveur des droits des conjoints survivants. En matière politique, pourquoi pas lancer un programme de mentoring pour inciter les jeunes femmes gabonaises à s’engager en politique ? Et instaurer un observatoire du droit des femmes au Gabon.

Lutter contre les violences

Dans le même esprit, les auteurs signalent que le Gabon peut se rapprocher des standards internationaux dans le monde du travail. Il peut renforcer les dispositifs de prévention et de sanction contre la discrimination et le harcèlement.

Il devrait encourager la représentation des femmes aux hautes fonctions dirigeantes et supprimer les écarts de rémunération. Une tontine digitale faciliterait la bancarisation et l’accès aux fonds pour les travailleuses indépendantes.

Enfin, le Gabon pourrait adopter une loi spécifique relative aux violences faites aux femmes dans laquelle la spoliation des veuves serait assimilée à une violence économique et assortie de sanctions pénales et de mesures de protection.

Enfin, le gouvernement améliorerait la prise en charge juridique des victimes en facilitant la procédure d’accueil dans les commissariats et en mettant à disposition des cliniques juridiques pour les accompagner dans le dépôt de la plainte. Et en créant un refuge pour les mères victimes de violences et leurs enfants.

Magazine de l’Afrique