Plusieurs responsables musulmans français ont réaffirmé, lors d’une conférence de presse lundi 2 novembre à la Grande Mosquée de Paris, leur condamnation du terrorisme. Refusant les amalgames, ils ont encore dénoncé les campagnes de boycott de produits français et les manifestations anti-Macron dans le monde musulman.

" (...) Nous devons être solidaires avec notre pays qui subit, depuis quelques semaines, des attaques injustifiées ». Quatre jours après l’attentat de la basilique Notre-Dame de Nice (Alpes-Maritimes), deux semaines et demie après l’assassinat du professeur Samuel Paty, le ton était grave, lundi 2 novembre, à la Grande Mosquée de Paris.

En milieu d’après-midi, les responsables de plusieurs fédérations musulmanes et grandes mosquées (1) y ont tenu une conférence de presse pour « dénoncer les attaques contre la France », dans le sillage de la publication des caricatures de Mohammed, et pour appeler à faire front « contre le terrorisme ».

En préambule de leur déclaration commune, les responsables religieux ont réaffirmé leur attachement à la liberté d’expression, et de religion en France. « C’est grâce à ce fondement essentiel de la République que nous pouvons, en tant que citoyens de confession musulmane, exercer notre culte », a rappelé leur porte-voix, Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la Grande Mosquée de Paris et vice-président du Conseil français du culte musulman (CFCM).

« Irréparable »

Condamnant avec force tout acte de terrorisme ou de violence s’exprimant au nom de leur religion, les signataires du texte ont fustigé « tous ceux qui instrumentalisent l’islam à des fins politiques, diplomatiques ou mercantiles » pour « exacerber les haines et enfin pour causer l’irréparable ». « L’islam est une religion, et non pas une variable d’ajustement pour alimenter des discours populistes aux conséquences souvent désastreuses », ont-ils soutenu.

Dans le sillage des polémiques liées aux déclarations du président Emmanuel Macron sur la défense de la liberté d’expression après la publication des caricatures de Mohammed, ils ont condamné, en troisième lieu, les « appels injustifiés » et « infondés » au boycott des produits français, lancés notamment par la Turquie et par plusieurs gouvernements du Moyen-Orient ou en Afrique de l’ouest.

« Les médias en France étant libres, aucun responsable politique, y compris le Président de la République française, ne peut imposer à un organe de presse une publication ou une non-publication d’un dessin ou d’une caricature », a martelé Chems-Eddine Hafiz, déplorant un peu plus tard l’absence, ce jour-là, du président du CFCM Mohammed Moussaoui.

Excuses publiques

Enfin, et alors que de violentes manifestations anti-Macron continuent d’être organisées dans plusieurs pays, les religieux réunis à Paris ont fustigé les « appels au meurtre lancés par des responsables étrangers » : « Nous dénonçons tous ceux qui veulent manipuler nos coreligionnaires, surtout notre jeunesse, et l’opinion publique internationale, en laissant croire que nous subirions en France une politique de “racisme d’État” ou une politique de “haine contre les musulmans”. Ce sont là des mensonges éhontés que nous dénonçons et nous exigeons de leurs auteurs des excuses publiques ».

« On s’exprime ici d’abord en tant que citoyen français, et après en tant que (…) français de confession musulmane : nous sommes bouleversés de voir brûler des drapeaux de la France, de voir des portraits du président de la France piétinés », a ensuite précisé, lors d’un échange avec la presse, Anouar Kbibech, président du rassemblement des musulmans de France et ancien président, jusqu’en 2017, du CFCM. Ce week-end, le président français avait tenté, dans un long entretien accordé à la chaîne Al-Jazeera, d’apaiser la colère en assurant comprendre que des musulmans puissent être « choqués » par les caricatures de Mohammed, mais en dénonçant les « manipulations » et « la violence ».

Pas d’amalgames

Enfin, les responsables religieux ont exhorté les autorités françaises à prendre des mesures fortes pour que « la composante musulmane de France (…) ne soit pas amalgamée avec les semeurs de haine ». « L’écrasante majorité des musulmans de France est très largement intégrée dans la société », ont-ils rappelé.

Déconstruction du discours extrémiste, formation des imams, transparence des financements, prévention de la radicalisation… Un mois tout juste après le discours d’Emmanuel Macron pour lutter contre les séparatismes, Anouar Kbibech a encore souligné qu’« une dynamique » était à pied d’œuvre, autour d’actions concrètes pour la construction d’un « islam républicain ».

(1) La Grande Mosquée de Paris, la Grande Mosquée de Lyon, la Grande Mosquée de Saint Denis de la Réunion, le Rassemblement des Musulmans de France (RMF), la Fédération Française des Associations Islamiques Africaines des Antilles et des Comores (FFAIACA) et la Coordination des Associations musulmanes de Paris (CAP), qui regroupe une dizaine de mosquées parisiennes.

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