A quoi sert l’école ? Voilà une question stupide qu’on entend souvent dans la bouche de certaines personnes qui ont réussi leur vie professionnelle sans avoir mis les pieds dans une classe. André Eugène Ilboudo, une figure connue des acteurs du système éducatif burkinabè s’exprime sur le sujet.

Je vous préviens, faites un effort pour lire tout le texte.

J’ai suivi plusieurs conférences, plusieurs vidéos sur l’école, le système éducatif francophone et ses insuffisances. Un conférencier a dit qu’il n’enverra pas ses enfants à l’école parce que l’école abrutit (rend bête). Un autre, plus progressiste, dit que l’école doit s’arrêter au cm1-cm2. Il ajoute que poursuivre des études plus longues est inutile et qu’une bonne adresse vaut mieux qu’un Master 2.
Étant au cœur du système éducatif depuis plus de 50 ans (élève, étudiant, professeur, Fondateur d’établissements) et ayant eu l’avantage de connaître d’autres systèmes éducatifs anglophones, notamment américain, et surtout activiste pour la réforme de l’école, je souhaite délivrer une opinion purgée de toute passion, de toute démagogie.
En premier lieu, en toute chose, l’excès nuit. Et quand c’est excessif, c’est insignifiant, comme dirait l’autre. Je voudrais faire appel à Nelson Mandela. Dans son livre, Un long chemin vers la liberté, il a écrit que c’est grâce à l’école, qu’un enfant d’un mineur (un travailleur de la mine) peut devenir Directeur Général de la mine. Regardons au BF, quoique l’on puisse en dire et en penser, ceux qui gouvernent le BF sur le plan politique, économique et social, n’ont pas un niveau CM encore moins des illettrés.
Pensez tout ce que vous voulez d’eux, en dehors des dirigeants économiques, où il y a quelques colporteurs Mosse, qui sont rois au pays des borgnes, il n’y a pas d’illettrés. Certes, je dois à la vérité de dire que ces colporteurs Mosse, qui sont fortunés, ont un quotient intellectuel parfois plus vif que certains Bac+25 mais ils ne seront ni Warren Buffet, ni Bill Gates encore moins Bezos même pas Ibrahima Mo ni Ali Dangote, parce qu’il leur manque ce petit quelque chose que donne l’école.
En un mot comme en mille, l’école, notamment francophone, a beaucoup de défauts, certes, mais l’excès ici, c’est le manque de nuance. J’ai cité les deux qui ont un avis très tranché sur l’école. Je constate pourtant que leur langage est clair, limpide et ils maîtrisent à souhait le français. A priori, le premier, qui ne veut pas envoyer son enfant à l’école, y est pourtant allé. Il est ingénieur, dit-il. Quant à celui qui demande d’arrêter l’école au CM, lui a fait des études universitaires. Voici le paradoxe. Certes l’école francophone charrie de grands défauts. Mais si un élève, s’arrête aujourd’hui, au CM, cela veut dire que mon présent texte, il ne peut même pas le lire, le comprendre et me porter la contradiction, d’une manière argumentée.
Déjà que l’on accuse les noirs de paresseux, dans la lecture, les conseiller de garder leurs enfants dans les grottes et dans les arbres me semble un jeu de mauvais goût.
Une voiture est dangereuse, inutile parce qu’elle cause des accidents mortels ? Si oui, c’est dommage donc que les pompiers doivent utiliser un autre véhicule pour secourir les blessés. Parfois il est bon que l’on choque pour réveiller les consciences endormies. Mais l’excès décrédibilise un message, une opinion.
Je suis un partisan pour la réforme de l’école. Je suis un acteur pour former les jeunes à la réussite sur le plan intellectuel, financier, social, émotionnel et même sur le plan de l’adversité de la vie. La réussite n’est pas simplement que l’argent que donne la bonne carte de visite pour une belle veste et une jolie cravate. Savoir lire un morceau de musique écrit par un rwandais qui chante la paix et la réconciliation et l’interpréter devant des jeunes, lire la biographie, vie inspirante, de Mandela, réécrire un conte de grand-mère et y tirer la morale, fait partie des éléments de réussite qui ennoblissent l’homme, tout l’Homme. Et cela, un enfant qui a terminé ses études au Cm ne le pourra pas. N’en parlons de celui qui n’a pas vu la cour d’une école.
Fils de paysan, je mesure tous les bienfaits de l’école, même avec ses insuffisances. Ne jouons pas dans l’intégrisme anti-savoir.

André Eugène Ilboudo
Fondateur du Groupe scolaire l’Académie