La crise sanitaire de la Covid-19 aura donné lieu à un affrontement entre deux catégories de scientifiques et d’experts plus ou moins légitimes et/ou connus : d’un côté ceux qu’on appelle les « alarmistes » et de l’autre, ceux qu’on appelle les « rassuristes ». Deux figures d’expertise qui s’affrontent durement dans les médias (presse et télévisions) et les plateformes alternatives (Twitter, Facebook, YouTube, blogs personnels) et qui s’apprêtent à s’affronter devant les instances administratives et/ou judiciaires.

Comment les titres des publications en ligne ont mis en sémantiquement en scène ces deux figures opposées ? C’est ce que j’ai voulu capturer en analysant les titres des publications les concernant et couvrant la période qui va du 1er septembre 2020 au 25 décembre 2020.
Zoom sur les « alarmistes » dans les titres des publications en ligne
Les « alarmistes » n’ont pas tardé à réaliser que le coronavirus SARS-CoV-2 est très dangereux. Par conséquent, ils estiment que les autorités politiques doivent prendre des mesures drastiques pour en venir à bout (confinement, port obligatoire du masque et autres gestes barrières, fermeture des bars, restaurants, salles de cinéma, commerces non essentiels, etc., en attendant les vaccins s’ils arrivent). Ils ont prédit une deuxième vague fort probable après la première, une épidémie généralisée. Certains, dont un collectif de médecins amené par le Dr Bouet, ont signé une tribune demandant la mise en place de mesures radicales pour éviter une « deuxième vague » bien plus redoutable que la première à leurs yeux. Ainsi que le montre le graphe des réseaux sémantiques ci-après généré sous Gephi, ils propagent des « nouvelles, messages, discours » « alarmistes », sur la base de « chiffres, nombre (de cas, morts...) alarmistes » et « prévisions, prédictions, projections alarmistes ».
Ces « alarmistes », qui sont-ils ? Ils n’apparaissent pas dans le graphe des réseaux sémantiques mais citons-en quelques-uns : le « Conseil scientifique » du président Macron sous la houlette du professeur Jean-François Delfraissy ; Le Dr Patrick Bouet, président de l’Ordre national des médecins français (signataire avec un collectif de sept médecins d’une tribune alertant sur une deuxième vague probable, bien pire que la première) et bien d’autres souvent présents sur les plateaux des chaînes d’information en continu (BFM, CNEWS, etc.). Sans oublier le premier ministre, Jean Castex, et le ministre de la santé, Olivier Véran, qui, inspirés par le Conseil scientifique, sont souvent porteurs de « mauvaises » nouvelles à travers certaines des mesures drastiques qu’ils sont amenés à prendre et à annoncer.

Zoom sur les « rassuristes » dans les titres des publications en ligne
Comme pour contrer les « alarmistes », on a vu émerger dans les médias et les réseaux sociaux de nouvelles figures scientifiques plus ou moins légitimes qui tiennent un discours ouvertement aux antipodes de celui des autorités sanitaires et politiques françaises. Il faut dire que dès le début de la crise sanitaire de la Covid-19, ces derniers n’ont cessé de minimiser la gravité de l’épidémie au lendemain de la première vague, de défendre sans relâche l’hydroxychloroquine, de nier la possibilité puis l’existence même d’une deuxième vague, de refuser d’être gouverner par la peur (un collectif de médecins et de chercheurs « rassuristes » signeront même une tribune publiée dans Le Parisien soutenant fermement cette position), de rejeter l’idée même de reconfinement, de critiquer l’utilité des masques ou de pointer leurs dangers supposés, etc. Ils sont professeurs, infectiologues, épidémiologistes, médecins généralistes, pneumologues. Experts plus ou moins reconnus dans leurs domaines respectifs, leurs paroles assénées souvent avec certitude et remplies d’espoir portent au loin dans la société française et au-delà (je pense aux attitudes de Donald Trump aux USA et de Jair Bolsonaro au Brésil pour ne citer qu’eux), notamment au cœur de la sphère complotiste mondialisée. Ainsi que le montre le graphe des réseaux sémantiques ci-après, leurs représentants les plus médiatisés s’appellent Christian Perronne, Didier Raoult, Laurent Toubiana, Jean-François Toussaint ou Louis Fouché (« une autre star marseillaise des anti-masques »).

Pour conclure

Aux dernières nouvelles, la deuxième vague a bel et bien eu lieu en France et dans bien d’autres pays du monde. Des mesures drastiques quoique allégées de reconfinement ont été prises. Les commerces dits non essentiels, les bars, les restaurants, les salles de cinéma, les théâtres ont bien dû fermer de nouveau… Comme emportés par la deuxième vague, les « rassuristes » font plutôt profil bas. Difficile, ces derniers temps, de les voir dans les grands médias. Ils préfèrent désormais les plateformes alternatives (Twitter, YouTube, Facebook, blogs personnels) et refusent de se remettre en cause. Le professeur Christian Perronne, l’un des plus en vue, est demis de ses fonctions de Chef de service des maladies infectieuses de l’Hôpital de Garches (Hauts-de-Seine). Le médiatique Professeur de l’IHU-Méditerranée Infection de Marseille, Didier Raoult, est poursuivi par l’Ordre des médecins. Il a répliqué en portant plainte pour harcèlement… Bref sale temps pour les « rassuristes ». Sale coup porté à la saine controverse scientifique. Quant aux vaccins, les « rassuristes » ne les attendaient pas de si tôt. Maintenant qu’ils arrivent, qu’ils sont là, qu’ils sont déployés, ils prédisent leur inutilité (voire leur dangerosité) car, selon eux, le vicieux « petit » virus SARS-CoV-2 mute énormément et y perdrait même… en virulence voyons ! Sur ce dernier point, vigilance absolue, sait-on jamais.

Ousmane Sawadogo, Consultant Text Analytics, Text Mining

Kaceto.net