Les Peuls du monde entier ont rendez-vous les 22, 23 et 24 octobre prochain dans la capitale burkinabè pour réfléchir sur la gouvernance à partir des valeurs socio-culturelles régissant les communautés peules

Du 22 au 24 octobre prochain se tient dans la salle de conférence de RAN Hôtel, le premier congrès mondial du Pulaaku sous le thème : « Le Pulaaku : Fondements, théories et pratiques ». L’organisation de ce rendez-vous est pilotée par Issa Diallo, chercheur en linguistique et enseignant à l’université de Ouagadougou.
L’annonce de la tenue du Congrès suscite depuis quelques jours des supputations et des inquiétudes dans l’opinion nationale. D’autant qu’au Mali voisin, est née en juin dernier l’Alliance nationale pour la sauvegarde de l’identité peule et la restauration de la justice, un mouvement armé qui a vocation à « s’opposer à l’armée malienne » et « à défendre les civils injustement attaqués ».
Contacté par Kaceto.net, Issa Diallo a tenu à lever toute équivoque : « Le Pulaaku est l’équivalent en langue peule du Burkindi, c’est-à-dire, le caractère de ce qui est intègre. Une sorte de référentiel social suffisamment éprouvé par le temps et inscrit dans la conscience collectives des membres de la communauté ». Mieux, le concept de Burkindi dépasse l’intégrité pour traduire une vision du monde culturellement partagée par de nombreux Burkinabè et qui prend en compte tous les aspects de la vie, sans marginaliser personne. Le Burkindi peut servir de soubassement pour la gouvernance d’un pays, et ce n’est pas un hasard si de nombreux hommes politiques ont annoncé pendant la campagne électorale de 2015, leur souhait de gérer les affaires publiques selon les valeurs du Burkindi ou Burkindlim.
Lors de son meeting au stade Joseph Conombo à Ouagadougou, Zéphirin Diabré a déclaré vouloir terminer le travail empreint de Burkindi commencé par Thomas Sankara. Maître Sankara de l’Unir/Ps, tout comme Roch Kaboré du MPP ont également revendiqué le Burkindi comme valeur pouvant améliorer la gouvernance. « Or, relève Issa Diallo, tous ces leaders épousent des idéologies différentes ». A l’assemblée nationale, 14 députés venant de sept partis politiques se sont rassemblés sous l’étiquette de « groupe parlementaire Burkindlim ». Chez les Peuls, explique toujours Issa Diallo, le Pulaaku « renvoie à une même réalité de gouvernance, du Fouta Djallon en Afrique de l’Ouest, au bord du Nil en Afrique centrale, en passant par le Macina, le Liptaako et le Sokoto ».
Depuis 1992, l’Association culturelle pour la promotion du Pulaaku dont il est le président s’attèle à donner un contenu culturel et idéologique au Pulaaku, un concept qui, selon le linguiste français Roger Labatut, est « une sagesse en laquelle se reconnaissent les Peuls, et qui est faite de semmteende, de muñal, de hakkillo, de ɓeernde », à quoi Issa Diallo ajoute « le teddungal ».
Le « semteende », c’est cette façon d’aller à la rencontre de l’autre avec humilité ; reconnaitre qu’autrui, qui est radicalement autre, n’est pas toujours ce que nous aurions aimé qu’il soit. Issa Diallo fait ainsi remarquer que dans les maternités, on n’entend jamais une femme peule pétrie de Pulaaku pleurer de douleur lors de l’accouchement. Mais il faut accepter et comprendre que les autres gémissent, ce qui est d’ailleurs conseillé par les médecins. Quant au « muñal », c’est l’acceptation de la différence et le refus de l’intolérance, de l’agressivité, etc.
A Ouagadougou où sont attendus une centaine de participants venant de la France, du Nigeria, du Niger, du Bénin, du Ghana, du Mali, du Togo, de la Mauritanie et de la Côte d’Ivoire, il s’agira de se pencher sur le concept même de Pulaaku « à l’heure où les idéologies d’obédiences européennes ne sont plus de mise et où les conflits liés à l’extrémisme violent dans la zone sahélo saharienne, ainsi que la marginalisation des populations vulnérables de multiplient de plus en plus ».
Un peu moins de quarante communications programmées, dont les auteurs viennent d’horizons divers : philosophes, juristes, médecins, avocats, banquiers, psychologues, sociologues, historiens, etc. A l’issue des débats, un comité d’orientation se chargera d’évaluer les contributions, d’en faire une synthèse et proposer un agenda d’actions pour les trois années à venir.

Joachim Vokouma
Kaceto.net

Axes de travail du premier congrès mondial Pulaaku
Axe1 : Pulaaku : Théories et pratiques
Axe2 : Pulaaku et innovation
Axe3 : Pulaaku et augmentation de la résilience des communautés face à la montée de l’extrémisme violent en Afrique.
Activités prévues
• Forum sur le concept même du Pulaaku
• Forum des pasteurs nomades sur « Pulaaku et mondialisation »
• Forum des pasteurs nomades sur « Pulaaku et innovation »
• Conférences sur des sujets relatifs aux axes thématiques du colloque
• Publication des actes du 1er Congrès mondial du Pulaaku