Le Conseil supérieur de la communication (CSC) a adressé hier 15 juin une lettre d’observation à BF1, reprochant la chaîne de télévision d’avoir diffusé au cours de l’émission "Presse Echos" du 6 juin, des "propos méprisants, voire injurieux et incitant à la révolte dans le cadre du traitement de l’information sur l’attaque terroriste perpétrée dans la nuit du 4 au 5 juin à Solhan". Un recadrage qui intervient au moment où la polémique sur la justesse de la suspension pour cinq (5) jours du Groupe Oméga Medias n’st pas encore retombée.
De quoi s’agit-il exactement ? Répondant à la question de l’animateur de l’émission, Lookman Sawadogo, sur les moyens à doter les FDS et les VDP dans la lutte contre le terrorisme, Issaka Lingani a cette réponse : "Il n’y pas ce qu’on n’a pas dit sur cette guerre-là ; il n’y a pas cette proposition qu’on n’a pas eu à faire ; mais le gouvernement MPP reste sourd et en fait à sa tête ; on nomme des petits copains ministres de la Défense d’une incompétence notoire, mais criarde ; regarde, on prend quelqu’un qui a échoué dans une école militaire pour en faire un chef, le chef de notre armée ; ça, quand même, faut pas qu’on se foute de nous quand-même ; c’est un poste politique c’est vrai, mais les soldats je dis, c’est pas des imbéciles et moi à leur place, j’aurais agi de la même manière ; tu ne peux pas faire la même école que moi, tu échoues et on vient par le jeu de la politique te mettre au-dessus de ma tête pour me commander, je dis non. Et si on ne veut pas voir une réalité, c’est ça qui est sur le terrain . [...] Vous pensez que ces généraux-là sont contents de se faire commander par quelqu’un qui a échoué à leur école ? Pourquoi il y a la bagarre entre les généraux ? S’ils reconnaissaient l’autorité du ministre, il n’y a allait pas avoir la bagarre dont l’Evénement parle ; ça veut dire qu’il n’y a pas d’autorité au sommet de notre armée".
Ce qui a suscité le courroux du CSC, c’est précisément ces propos de notre confrère Lingani : "Le gouvernement MPP reste sourd et en fait à sa tête. On nomme de petits copains ministres de la Défense d’une incompétence notoire. (...) On prend quelqu’un qui a échoué dans une école militaire pour en faire un chef, le chef de notre armée.
Vous pensez que ces généraux-là sont contents de se faire commander par quelqu’un qui a échoué à leur école ?".
En réalité, Lingani livre deux informations au public et exprime une opinion : le ministre d’Etat, ministre de la Défense a échoué à une école militaire et les généraux ne sont pas contents de se faire commander par quelqu’un qui a échoué à leur école.
Ces deux informations lui servent ensuite de support pour émettre une opinion,
" l’incompétence notoire du ministre de la Défense".
Dans notre pays, la liberté d’expression est consacrée dans la constitution de juin 1991 et exprimer publiquement une opinion n’est pas un délit, mais un droit démocratique reconnu par tous les textes nationaux et internationaux que nous avons signés et ratifiés. En revanche, les même textes condamnent et répriment les auteurs de fausses informations. Dans le cas d’espèce, le CSC fait fausse route en ayant une lecture erronée des propos tenus par notre confrère au cours de l’émission.
Issaka Lingani a le droit de juger que le ministre de la Défense est incompétent à son poste, mais il aurait dû aussi prendre quelques précautions qui lui auraient évité d’affirmer, sûr de lui, que Chérif Sy a échoué à une école militaire. Car, vérification faite, cette information est fausse. Le ministre de la Défense n’a jamais été inscrit au Prytanée militaire du Kadiogo, la seule école connue qui recrute sur concours à partir du collège. Il ne peut donc pas avoir échoué à une école qu’il n’a pas fréquentée. C’est donc la diffusion de cette fausse information par BF1 sans que son auteur ait été contredit, qui devait être épinglée par le gendarme des médias.

Presse Echos, faut-il le rappeler, est une émission diffusée en direct et selon les l’alinéa 3 de l’article 143 de la loi N°059-2015/CNT, "dans le cas d’une émission en direct, l’auteur principal de l’infraction est la personne qui a proféré les paroles incriminées".

A la vérité, dans cette affaire, nous sommes tous victimes, y compris Lingani, d’une fausse information, voir une rumeur qui, avec le temps, est devenue comme une vérité. Nous avons personnellement entendu de la bouche de plusieurs personnes parfois très respectables, s’offusquer de ce que Chérif Sy ait d’abord été désigné président du Conseil national de la transition (CNT), puis nommé ministre de la Défense. Avec pour seul argument, celui invoqué par notre confrère Lingani : l’échec du ministre de la Défense à une école militaire !
Si le CSC a choisi d’interpeller BF1 et non directement l’auteur des propos incriminés, c’est parce que ses compétences s’étendent uniquement sur les entreprises de presse qu’il peut sanctionner, mais pas sur le journaliste. La seule sanction qu’encourt ce dernier, c’est le retrait de sa carte de presse. Faut-il relire cette disposition ou la laisser telle quelle ?

Joachim Vokouma
Kaceto.net