La pratique de ce que l’on appelle couramment l’excision touche plus de 200 millions de filles et de femmes dans une trentaine de pays dans le monde. Elle se déroule principalement en Afrique où plus de 91 millions de femmes et de filles de plus de 9 ans seraient concernées. Une forte propension à l’excision qui s’expliquerait essentiellement par la dimension traditionnelle, culturelle et/ou religieuse de la pratique installée depuis des siècles. Mais aujourd’hui l’excision n’est pas seulement vue comme une pratique culturelle ou religieuse, elle est aussi considérée comme un moyen pour la gent masculine de contrôler la sexualité des femmes.

La question de l’excision, sujet sociétal par excellence comme on dit de nos jours, fait couler beaucoup d’encre depuis quelques décennies. Dans le texte qui suit, je vous présente quelques résultats de l’analyse que j’ai pu faire d’un corpus significatif de titres de publications francophones en ligne centrés sur ce sujet entre 2002 et 2021 (environ 3000 titres analysés).
D’abord, quels sont les pays d’Afrique qui ont été les plus mentionnés dans ces titres de publications francophones en ligne ?
Le graphique ci-après nous en donne une idée. Pour le top 10 citons : 1) Mali ; 2) Burkina Faso ; 3) Egypte ; 4) Sénégal ; 5) Guinée Conakry ; 6 ; Côte d’Ivoire ; 7) Soudan ; 8) Somalie ; 9) Kenya ; 10) Tchad.
N.B. : 1. Ces résultats ne montrent malheureusement pas les évolutions éventuelles dans le temps. 2. Les chiffres indiquent les fréquences d’occurrence des pays dans le corpus de titres analysé.

La cartographie sémantique de l’’excision ci-après va certainement plaire à celles et ceux qui s’intéressent à cette pratique. Elle est riche en informations et connaissances à déplier. Je vous laisse l’interpréter au regard de vos questionnements propres sur le sujet. Toutefois, je voudrais souligner que j’y vois au moins trois dimensions de la problématique de l’excision : une dimension bio-médicale (l’acte d’excision en lui-même et toutes ses implications bio-médicales, notamment en termes de réparation, de soins et de santé publique en générale), une dimension socioculturelle (l’excision et ses rapports avec les traditions, les cultures, les religions (l’islam en particulier, même si l’islam n’en fait pas une obligation)… et donc le rapport aux normes sociales) et une dimension sociopolitique (l’engagement des gouvernements, de la communauté internationale, des associations et ONGs, de personnalités qui luttent contre cette pratique à travers le monde).

Arrêtons-nous un instant sur deux termes importants de cette cartographie : le terme-cible « excision » et l’important terme associé « mutilation ».
C’est en 1990 que la troisième conférence du Comité interafricain sur les pratiques traditionnelles affectant la santé des femmes et des enfants (CIAF), tenue à Addis-Abeba (Ethiopie), décide de retenir le terme de « mutilation » à la place de celui d’« excision » jugé « fade », « neutre », « moins catégorique ». En 1991, c’est au tour de l’OMS de recommander l’adoption du terme « mutilation » dans les documents de l’ONU.
Pourquoi ce choix terminologique ? Eh bien, parce que le mot « mutilation », contrairement au mot « excision », a une connotation fortement négative. Il permet de pointer la gravité de l’acte. Il souligne l’idée que la pratique d’excision constitue une violation des droits humains des filles et des femmes et renforce ainsi l’engagement national et international pour son éradication. On se situe donc là sur le terrain d’un combat clairement socio-politique.
Cependant, en 1999, la confrontation avec le réel conduit le rapporteur spécial des Nations-Unies sur les pratiques traditionnelles à demander que l’on fasse preuve de tac et de patience à cet égard pour éviter de « démoniser » certaines cultures, religions et communautés, redonnant ainsi de l’oxygène au terme courant « excision ».
L’« Innocenti Digest », Centre de recherche Innocenti de l’UNICEF, afin de conserver la signification politique du terme « mutilation » tout en reconnaissant l’importance de ne pas utiliser une terminologie qui véhicule un jugement à l’égard de communautés pratiquantes, optera pour l’expression « excision/mutilation génitale féminine » (E/MGF).
En 2013, à rebours de cette attitude équilibriste en vogue, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) française va préférer revenir à une position nette et radicale. Je cite : « Le terme « excision » renvoie au type de mutilation le plus fréquent, mais il ne rend pas compte de toutes les formes que peut prendre la pratique. L’expression « mutilations génitales » renvoie à l’aspect biologique de la pratique et à ses conséquences médicales, alors que l’expression « mutilations sexuelles féminines » renforce le fait que la pratique est une violation des droits fondamentaux des fillettes et des femmes. Au-delà des questions de cultures et de traditions, les mutilations sexuelles féminines constituent de graves atteintes à l’intégrité physique de la personne. Nul droit à la différence, nul respect d’une identité culturelle ne saurait légitimer des atteintes à l’intégrité de la personne, qui sont des traitements criminels. La prise en compte, légitime, du respect des cultures ne saurait induire un relativisme qui empêcherait d’appréhender les mutilations sexuelles féminines en termes de violation des droits fondamentaux des femmes. » (Fin de citation. « Commission nationale consultative des droits de l’homme. Avis sur les mutilations sexuelles féminines. » Journal officiel de la République française – N°287 du 11 décembre 2013).
Tous ces enjeux terminologiques et sémantiques sont bien perceptibles sur la cartographie sémantique du terme « excision ». Et la mobilisation politique pour « combattre/lutter » contre ces « mutilations » (génitales ou sexuelles) qui continuent de faire des « victimes » dans le monde semble avoir pris un tournant significatif à partir de 2012, ainsi que le montre le graphique ci-après.

Dans les titres de publications francophones relatifs à l’excision, tout indique les références aux « mutilations » (génitales ou sexuelles), aux « victimes » et aux « combats/luttes » engagé(e)s contre ces pratiques ont eu tendance à être nettement plus prégnantes au cours de la dernière décennie (2012-2021) qu’au cours de la décennie précédente (2002-2011).

Ousmane SAWADOGO, Consultant TM, Text Analytics et Analyse sémantique
Kaceto.net