Le consortium DIT (Bolloré et Maersk) veut faire appliquer les décisions de justice en sa faveur, et réclame l’équivalent de 18 mois d’activité. Le port autonome de Douala fait la sourde oreille et poursuit ses activités, cherchant la faille juridique.

Nouvelle péripétie dans l’interminable feuilleton judiciaire qui oppose le Port autonome de Douala (PAD) et les groupes Bolloré et Maersk. Ces derniers sont les actionnaires de référence de Douala International Terminal (DIT), coentreprise qui a opéré au terminal à conteneurs du port de Douala entre 2005 et 2019.

Au titre de dommages & intérêts pour rupture de contrat, DIT a demandé, le 6 juillet 2021, un paiement de 3,9 milliards de F.CFA (près de 6 millions d’euros). Cette somme représente, justifie DIT, environ 18 mois d’inactivité (janvier 2020 à juin 2021), après le non-renouvellement du contrat de concession du terminal à conteneurs de Douala.

Au PAD, on fait mine de ne pas s’inquiéter de ce qui ressemble pourtant à une épée de Damoclès. La société voit même des éléments de satisfactions dans des décisions de rejet de ses demandes.

Cette demande s’appuie sur un arrêt de la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris, qui avait ordonné au PAD de relancer un nouvel appel d’offres, en novembre 2020.

Le PAD, entreprise publique, avait été condamné à payer environ 3,9 millions d’euros par an, pouvant monter jusqu’à 58 millions, si le processus n’était pas repris. C’est au titre de l’application de cette sentence que le consortium réclame son dû. Sauf que le PAD conteste cette décision et demande même au tribunal de se déclarer incompétent.

Le PAD ne s’est pas exécuté, mais les demandeurs n’ont pas engagé de procédure de recouvrement forcé. La société publique préparerait « une riposte » devant cette nouvelle demande, croit savoir le magazine Investir au Cameroun. Il est vrai que selon le droit international – Le Cameroun ayant adhéré à l’Ohada, l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires –, l’exécution forcée ne s’applique pas pour une entreprise publique qui bénéficie d’une « immunité d’exécution ».

Ce point doit d’ailleurs faire l’objet d’une révision, à l’occasion du « toilettage » en cours de l’Ohada. Pour autant, le consortium Bolloré-Maersk entend toujours obtenir réparation, ses conseils juridiques invoquant la jurisprudence en ce genre d’affaires.

Business as usual

En décembre 2019, le port de Douala a mis fin au contrat de concession de DIT sur son terminal à conteneurs, voulant la confier à la société suisse Terminal Investments Limited, au terme d’un appel d’offres. Procédure que conteste l’ancien concessionnaire.

De même, DIT conteste les procédures de partage des frais de stationnement jusqu’en 2018. Depuis, sept décisions judiciaires ont été rendues, toutes favorables à DIT. Cet imbroglio judiciaire n’a toutefois pas empêché le port autonome de poursuivre ses activités.

PAD cour d’arbitrage

Le PAD a dégagé, en 2020, un résultat net de 6,3 milliards de F.CFA (9,6 millions d’euros), en hausse d’un milliard sur un an. En dépit de la crise sanitaire et de ses conséquences sur le commerce international, la société a bénéficié d’une meilleure maîtrise des opérations sur le terminal à conteneurs, dont la gestion a été reprise par le PAD qui a créé une régie dédiée – malgré l’opposition de Bolloré et Maersk. L’année a aussi été marquée par l’internalisation des opérations de dragage du chenal, jadis confiées à des prestataires jugés financièrement exigeants.

Au PAD, on fait mine de ne pas s’inquiéter de ce qui ressemble pourtant à une épée de Damoclès. La société voit même des éléments de satisfactions dans des décisions de rejet de ses demandes. Ainsi, le 28 janvier 2021, la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada a rejeté pour incompétence un pourvoi du PAD contre un jugement du Tribunal administratif du littoral ordonnant la suspension de la création de la Régie du port.

Le PAD y voit surtout que la compétence du tribunal est aussi remise en cause. « Le PAD rassure l’opinion publique que l’intervention de l’arrêt de la CCJA est sans conséquence sur la poursuite des activités de la RTC du Port autonome de Douala qui fonctionne normalement et fait la fierté du Cameroun », indique un cadre du PAD à la presse camerounaise.

Pour la suite, « nous allons demander au tribunal administratif de se déclarer incompétent et renvoyer Bolloré et APMT (Maersk) à mieux se pourvoir », précise de son côté un officiel du PAD. Bref, pendant les procès, les activités continuent.

Le magazine de l’afrique