Des spécialistes et autres puristes du vocabulaire médical font une légère et subtile distinction entre les trois termes : « cancérogène », « cancérigène » et
« oncogène ». Selon eux, « cancérogène » désigne une substance qui favorise l’apparition du cancer, alors que « cancérigène » est utilisé pour parler d’une substance qui favorise le développement d’un cancer. Quant au terme « oncogène », il est utilisé pour qualifier une catégorie de gènes dont l’expression favorise la survenue de cancers en provoquant une prolifération désordonnée des cellules. Les virus dits oncogènes (on parle d’« oncovirus ») sont des virus capables de rendre cancéreuse la cellule qu’ils infectent.

Bref, retenons simplement qu’un cancérogène, un cancérigène ou encore un oncogène, est un facteur provoquant, aggravant ou favorisant l’apparition et le développement d’un cancer. Dès lors, la question que je me pose est : qu’est-ce que la configuration des univers sémantiques associés à ces termes inscrits dans les titres de publications francophones peut nous apprendre ?

La cartographie sémantique ci-jointe générée sur la base de l’analyse d’un corpus significatif et pertinent de titres de publications francophones entre 2002 et 2021 nous en donne quelques indications fort précieuses. Ainsi, on peut voir que les termes « cancérogène », « cancérigène » et « oncogène » sont associés à des produits chimiques (simples ou complexes), à des facteurs de risques liés à nos modes de vie (notre alimentation par exemple) ou à des agents physiques et biologiques, à des expositions à des produits/agents/substances cancérigènes (poussières siliceuses, poussières de bois, particules fines, etc.).

On notera aussi la centralité de la problématique de la classification de la cancérogénicité des substances dont celle du Centre international de la recherche sur le cancer (CIRC), celle de l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) ou celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

N.B. : CMR : Substances Cancérigènes, Mutagènes, Reprotoxiques (ou toxiques pour la reproduction) ; CIRC (ou IARC) : Centre International de Recherche sur le Cancer ; HAP : Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques ; Protéines RAS : Les protéines Ras sont une famille de protéines, avec un rôle de proto-oncogène ; EFSA : Agence européenne de sécurité des aliments ; HPV : papillomavirus humains entraînant des infections allant des verrues génitales aux cancers, le cancer du col de l’utérus notamment).

Chacun se réappropriera cette cartographie selon ses intérêts et sa lecture propres. Mais je voudrais ici attirer l’attention sur l’évolution dans le temps (2002-2021) de cinq secteurs associés à l’évocation de nos trois termes-cibles (cancérigène(s), cancérogène(s), oncogène(s)) dans les titres de publications francophones en ligne. Il s’agit des groupes de références suivants, par ordre d’importance de fréquence d’occurrence dans le corpus analysé : « aliments/alimentation » (1060 occurrences, soit 56,5% des 5 secteurs retenus), « métaux, minerais » (472 occurrences, soit 20,72%), « cosmétiques » (297 occurrences, soit 13,04%), « pesticides » (265 occurrences, soit 11,03%) et « médicaments » (184 occurrences, soit 8,08%). Les taux de densité (en %) sur le graphique ne reflètent donc pas le poids de ces groupes de références sémantiques dans le corpus, mais la répartition de chacun d’eux sur la période 2002-2021, ce qui permet de cerner, à l’approchant certes, les évolutions significatives.

Premier constant : les cinq secteurs associés à l’évocation des termes « cancérigène », « cancérogène » et « oncogène » dans le corpus analysé l’ont significativement plus dans la dernière décennie (2012-2021) que dans la décennie (2002-2011). Toutefois :
  on notera que le secteur « métaux, minerais » (dont l’amiante notamment, mais aussi silice ou poussières siliceuses, plomb, chrome..) a été très présent en 2002-2007, puis a décliné avant de réapparaître de façon remarquable en 2020-2021 ;
  le secteur « aliments/alimentation » (dont notamment la mise en cause de la charcuterie et de la viande rouge) a atteint un pic en 2015 ;
  le secteur des « pesticides » (herbicides, désherbants, glyphosate, Rounhup…) atteint des sommets en 2015, 2018 et 2019 ;
  enfin, les secteurs « cosmétiques » (crèmes solaires, parfums, désodorants, gel, talc…) et « médicaments » - dont l’industrie pharmaceutique – (des mises en cause de certains médicaments ou laboratoires : doliprane pour enfants, paracétamol, Efferalgan, Valsartan, Bayer, Johnson & Johnson…) atteignent des sommets fort remarquables en 2020 et 2021.

Par Ousmane SAWADOGO, Consultant TM & Text Analytics
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