La restitution prochaine par la France du Djidji Ayôkwé, le tambour parleur des Ébriés de Côte d’Ivoire, constitue « un geste fortement historique », a salué ce lundi la chefferie traditionnelle de ce peuple de la région d’Abidjan. Vendredi, le président français Emmanuel Macron a annoncé la restitution fin octobre au Bénin de 26 œuvres pillées en 1892, lors de la mise à sac par les troupes coloniales du palais d’Abomey, capitale historique du royaume du Dahomey, ainsi que d’œuvres qui seront remises à la Côte d’Ivoire, dont le Djidji ayôkwe, célèbre tambour parleur ébrié, réclamé de longue date par Abidjan.

« Je suis très heureux d’apprendre cette nouvelle. On ne s’attendait même plus à un retour de ce tam-tam qui était notre haut-parleur, notre Facebook », s’est félicité auprès de l’AFP Clavaire Aguego Mobio, actuel détenteur du pouvoir traditionnel des Ébriés. « La disparition du tambour avait beaucoup déstabilisé l’organisation sociale et traditionnelle des Ébriés », a-t-il insisté.

Qu’est-ce que le Djidji Ayôkwe ?

C’est un instrument de musique en bois, un tambour à fentes de 3,50 m, orné, sculpté et peint. Il constitue un pan de l’art musical traditionnel de l’ethnie ébrié.

Comment le tambour parleur ébrié a-t-il quitté sa terre natale ?

Ce tambour était utilisé comme un outil de communication pour transmettre des messages entre différentes localités. Mais en réalité, les colons avaient compris l’importance et le rôle du tambour Djidji Ayôkwé dans la résistance des Ébriés. Car ses fonctions n’étaient pas seulement festives ou solennelles, en période de guerre, le tam-tam parleur jouait le rôle de veilleur. En pays Akan, le tam-tam parleur fait partie des attributs de la chefferie. L’objet avait été « arraché, confisqué, capturé » par les colonisateurs français, car sa « voix » permettait « la mobilisation du peuple Akan » contre les troupes coloniales, avait reconstitué l’ancien ministre de la Culture Maurice Bandaman. Il avait été confisqué par les colons français en 1916 et est actuellement conservé au musée du Quai Branly à Paris.

Où en est la Côte d’Ivoire sur le dossier des restitutions ?

La Côte d’Ivoire avait officiellement demandé fin 2018 à la France la restitution de 148 d’œuvres d’art africain. « Le premier objet que nous demandons est le Djidji Ayôkwé, le tambour parleur du peuple Ébrié. C’est un objet symbolique d’une grande importance qui a été arraché pendant la colonisation », avait précisé la directrice du musée des Civilisations de Côte d’Ivoire, Silvie Memel Kassi.

« Nous remercions le président Macron et attendons une suite favorable à cette annonce » a insisté Clavaire Aguego Mobio, qui a annoncé la tenue prochaine d’une grande cérémonie pour « informer les sept villages qui constituent le peuple Ébrié ». Cette décision faisait suite au rapport des universitaires Bénédicte Savoy, du Collège de France, et Felwine Sarr, de l’université de Saint-Louis au Sénégal. Les deux spécialistes y avaient posé les jalons pour une restitution à l’Afrique subsaharienne d’œuvres d’arts premiers transférées pendant la colonisation, recensant des dizaines de milliers d’œuvres potentiellement concernées. En décembre 2020, le Parlement français a approuvé la restitution de pièces symboliques, comme le sabre El Hadj Omar Tall au Sénégal ou le « trésor de Béhanzin », bientôt au Bénin.

Pour Clavaire Aguego Mobio, « ce tam-tam parleur va rappeler notre histoire et revaloriser le peuple Ébrié dont les traces sont en train de disparaître avec l’urbanisation sauvage de l’agglomération d’Abidjan, abritant plus de cinq millions d’habitants ».

Le Point Afrique